Mohamed Darif, Politologue Les Echos quotidien : À l'approche de la fin du délai de grâce du Chef de gouvernement et de son équipe, quels regards portez-vous sur les premiers pas de l'équipe et quels sont les grands défis à relever pour entamer définitivement le mandat ? Mohamed Darif : Le grand défi de l'heure pour Benkirane, c'est de pouvoir assurer l'homogénéité de la coalition gouvernementalea fin de mieux coordonner l'action de la nouvelle majorité. L'affaire de la publication des agréments de transport et la dernière rencontre du Chef du gouvernement avec les responsables des 4 partis membres de la coalition, illustrent parfaitement que l'approche participative que prône Benkirane n'est pas encore en vigueur. Quel est l'impact de cette situation sur l'action gouvernementale ? Benkirane a lui-même reconnu qu'il fallait rectifier et s'est engagé à rectifier le tir en recadreant l'action gouvernementale. Quand vous avez un ministre qui prend une décision au nom du gouvernement et qui est aussitôt critiqué par des ministres membres du même gouvernement, c'est qu'il y a là un véritable problème. Nous avons l'impression de rester dans l'ancienne logique avec un ensemble de secteurs ministériels à la place d'un vrai gouvernement. Benkirane et son équipe étaient surtout attendus sur le volet socio-économique, quelle évaluation faites-vous des premières mesures lancées en ce sens ? Là aussi, il y a un vrai problème puisqu'à ce jour, les Marocains attendent de voir ces promesses se concrétiser. Le gouvernement est en train d'appliquer la politique du gouvernement précédent, qu'il s'agisse du RAMED ou du projet de loi de finances, qui ne diffère pas beaucoup de celui déposé par l'ancien ministre des Finances. Pourtant il y a eu certaines initiatives comme la publication des détenteurs d'agréments, promise par le PJD... Le ministre de l'Equipement et du transport a eu, certes, le courage de publier cette fameuse liste, mais sans offrir d'alternative puisqu'il n'y a pas eu d'effets, ni de suite. On attend, d'ailleurs, la liste de ceux relatifs à l'exploitation du sable, mais il y a la forte conviction qu'elle ne sera pas publiée, en raison de la polémique que celle des agréments du transport a soulevée, même au sein du gouvernement. L'opposition qui doit jouer le rôle de contre-pouvoir peine à se mettre en évidence. Pensez-vous qu'elle puisse effectivement jouer son rôle de contre- pouvoir ? Le problème de l'opposition représentée au Parlement, c'est qu'il y a au moins 4 partis qui exercent ce rôle de manière dispersée. Il y a d'abord 3 partis (RNI, PAM, UC) qui cherchent à jouer une opposition docile, qui respecte le jeu démocratique. D'un autre côté, il y a l'USFP qui ne se limite pas à l'exercice du contrôle de l'action gouvernementale, mais œuvre à se renforcer et à se crédibiliser aux yeux de ses militants et des citoyens. Les socialistes commencent d'ailleurs à recourir à l'action syndicale pour maintenir la pression sur le gouvernement à travers leurs relais sur le terrain.