« Rebbah ouvre la boite de Pandore ». C'était la une du Soir échos publiée ce week-end. Cette citation est d'autant plus vraie que l'affaire des « Grimate » a créé un véritable séisme sur la scène médiatico-politique marocaine. Les commentaires des citoyens n'ont pas tardé à affluer, les médias y ont fait leurs choux gras tout au long du week-end, et les principaux concernés (les détenteurs des agréments) hésitent entre politique de l'autruche et justification de l'injustifiable. Pourtant, le ministre de l'Equipement et du transport Aziz Rebbah, n'a fait que remuer le cocotier, la partie invisible de l'iceberg étant toujours immergée : entre les agréments liés à l'exploitation des taxis, ou à la pêche en haute mer, ou ceux ayant trait aux exploitations minières, la publication du département de Rebbah ne représente finalement qu'une goutte d'eau. Toute la question réside dans la capacité de la goutte à faire déborder le vase. Le reproche de Benabdellah À dire vrai, le département de Aziz Rebbah nous avait promis la publication, dans les prochains jours par le gouvernement, de la liste de tous les détenteurs d'agréments et de licences d'exploitation. Contacté par Le Soir échos, un haut responsable au ministère de l'Equipement et du transport avait déclaré que « l'exécutif est un et indivisible », histoire de prouver aux médias que même si la publication de la liste des autres détenteurs d'agréments n'est pas du ressort du département de Rebbah, la majorité est unie derrière la volonté affichée par Benkirane de publier la liste de l'ensemble des détenteurs des « grimate ». Toutefois, le politologue Mohamed Darif demeure sceptique. Contacté par nos soins, Darif justifie son scepticisme par le fait que le gouvernement ne semble pas être aussi homogène qu'il ne souhaite le montrer. « Si le gouvernement est homogène et uni, pourquoi la décision prise par Rebbah de publier la liste des détenteurs d'agréments n'a pas été tranchée au conseil du gouvernement ? » se demande le politologue. Les doutes de Darif semblent être justifiés, surtout après la récente sortie de Nabil Benabdellah. Le ministre PPS avait reproché à Rebbah la « méthode utilisée par ce dernier », sans doute reprochait-il au ministre de l'Equipement de ne pas l'avoir mis au parfum. Ceci dit, la tâche reste gigantesque pour le gouvernement, et pour le PJD plus précisément. La liste des autres agréments est du ressort de ministères non gérés par des Pjdistes. Les agréments des taxis sont du ressort du ministère de l'Intérieur, du Mpiste Mohand Laenser, ceux de la pêche en haute mer dépendent du département d'Akhannouch, le technocrate, sans oublier les Habous et les affaires religieuses, qui elles non plus ne sont pas du ressort du PJD, mais de l'indépendant Ahmed Toufik. Abdelilah Benkirane saisira-t-il l'enjeu du moment en assument pleinement son rôle d'unique chef d'orchestre, ou abandonnera-t-il ses ministres à leur propres prises d'initiatives, aussi vertueuses soient-elles ? 3 questions à… Mohammed Darif, universitaire, politologue et spécialiste des mouvements islamistes. « Je ne suis pas très optimiste » Le département de Rebbah a publié une première liste des détenteurs des fameuses «grimate ». Comment, en tant que politologue, percevez-vous cet acte ? Je dirai qu'il y a 2 volets : un volet positif et un volet négatif. Le volet positif réside dans le fait que dans le cadre de la transparence et de la bonne gouvernance, le gouvernement se doit de publier cette liste. Il parle de concrétisation des dispositions de la nouvelle Constitution, à travers la lutte contre la corruption, et l'économie de rente représente un aspect de la corruption. Sous ce premier volet, on ne peut que saluer cette décision. Le second volet, plus négatif, réside dans la perception d'une fissuration et d'un manque d'homogénéité au sein de la majorité. S'il n'y a pas d'homogénéité, on peut douter sur la publication de toutes les listes des détenteurs d'agréments, car faisant partie du ressort de ministres non Pjdistes. Peut-être que le PJD se méfie de ses alliés ? S'il se méfie, alors il y a un grand problème. Abdelilah Benkirane nous avait promis une approche participative, un gouvernement fort et homogène. Or, avec la récente sortie de Nabil Benabdellah notamment, il semble que la décision prise par Rebbah ait été individuelle. Tout ce que je peux dire c'est que le grand et principal défi de Benkirane est « Comment assumer l'homogénéité ? ». Que doit faire l'Exécutif à présent ? Personnellement, je ne suis pas très optimiste. Les critiques de Benabdellah démontrent qu'il y a un problème. Si la publication de cette liste a été à l'initiative du seul ministre duTransport, on reproduira alors les mêmes scénarios qu'auparavant, où chaque ministère était géré individuellement, étant en quelque sorte hors de la tutelle du chef du gouvernement.