Hier encore, les membres de l'association Maroc Cultures se sont penchés sur un exercice annuel très attendu, celui de dévoiler la programmation du festival Mawazine. Lors d'une conférence de presse tenue à Rabat, quelques jours après les déclarations du ministre PJDiste Lahbib Choubani, où il attaquait la manifestation, Maroc Cultures a opté pour une stratégie visant tout d'abord à éclaircir bon nombre de points. Toutefois, avant de s'atteler à cette mission, on a fait une annonce qui fera, sans aucun doute, la Une pendant de longues semaines. Le célèbre festival ne percevra désormais aucun argent public. Il a en effet suspendu l'ensemble des sponsors publics et semi-publics qui le soutenaient depuis des années. Le temps des sponsors institutionnels est bel et bien révolu et Mawazine ouvre une nouvelle page dans son histoire. Cheminement logique des choses ou réponse à ceux qui critiquent le modèle financier du festival ? Les responsables de Maroc Cultures s'empressent de préciser : «Cette décision résulte de notre capacité à nous autofinancer. Elle correspond à des objectifs que nous nous sommes assignés depuis cinq ans et couronne notre modèle économique, qui nous a permis de générer des recettes propres». S'autofinancer, tel était l'objectif donc des organisateurs de Mawazine. Une «consécration» qui ne s'est pas faite du jour au lendemain ! Pour que cet événement artistique devienne autonome, les initiateurs du projet ont développé un modèle économique qui tend à diminuer le rôle du sponsoring et à éliminer toute aide publique. Ainsi, les revenus variables (billetterie, pass, espaces publicitaires) représentent désormais 80% du budget total de Mawazine qui, du même coup, a considérablement réduit sa dépendance aux sponsors privés, qui ne représentent plus que 20%. Par ailleurs, les 6% provenant de la ville de Rabat ne figurent plus dans le montage financier du festival. «Depuis 2010, le Conseil de la ville, ainsi que celui de la région, n'ont pas versé un seul dirham au festival Mawazine. Si on garde à l'esprit que la ville de Rabat est co-fondatrice de Mawazine et que les retombées économiques de ce festival sur la ville sont sans commune mesure avec sa petite subvention, le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est surprenant!», ajoute-t-on au sein de Maroc Cultures. Depuis 2008... Pour expliquer le modèle économique développé par Mawazine, il faut remonter à l'année 2008. C'est durant l'édition de cette année que l'on a décidé de réduire la part de budget alimenté par les subventions publiques. Ces dernières sont ainsi passées de 57% à 6% du budget total de Mawazine. Par voie de conséquence, l'augmentation des revenus variables a permis la gratuité du festival pour plus de 98% des festivaliers. À l'instar de la conférence de presse de l'année dernière (durant laquelle il fallait faire face au Mouvement du 20 février), on a mis l'accent sur les retombées économiques de cet événement musical, le plus important dans la région arabe et africaine. Selon Maroc Cultures, Mawazine «contribue largement à l'activité des entrepreneurs locaux». Développant une filière de professions liées à l'activité des festivals, Mawazine travaille aujourd'hui avec «plus de 40 entreprises marocaines». Ce n'est pas tout. Mawazine, animé chaque année par de grandes stars marocaines, arabes et internationales, se veut aussi un levier de développement touristique. Les chiffres sont là pour le prouver : En 2011, Mawazine a ainsi généré 22% de croissance du chiffre d'affaires touristique de Rabat, soit 19,5 millions de DH. Ce dynamisme se reflète au niveau des commerces de détail (3,3 MDH de revenus générés durant le festival), les transports (1,5 MDH) , la restauration (2,4 MDH) et l'hôtellerie (12 MDH). Par ailleurs, les membres de l'association qui organise ce festival depuis 2001, ont insisté sur l'impact du festival sur l'image du Maroc. Les stars qui se sont succédé sur les scènes de Mawazine (BB King, Sting, Santana, Shakira, Stevie Wonder, Cat Stevens, Carlos Santana, Elton John... ) évoquent régulièrement, selon Maroc Cultures, le Maroc sur leur compte Twitter ou Facebook, leurs sites web ou leurs fan page. Tribune pour les artistes marocains aussi, Mawazine arrive à réunir, le temps d'un projet, des artistes d'ici et d'ailleurs, donnant naissance à des créations inédites. Hier donc, le débat était intense autour de ce modèle économique assez avant-gardiste. Mawazine, qui est à la fois plébiscité et décrié, semble résolu à continuer son chemin sans accorder trop d'importance aux polémiques qui éclatent de temps à autre. «Nous agissons dans une aire qui est celle de la culture et des arts et notre festival repose sur des valeurs comme la tolérance et l'ouverture sur l'autre. J'estime que ce genre de polémique comme celle déclenchée par le ministre Lahbib Choubani nous détourne du cœur de notre mission», concluent nos sources. Que le show commence !