La récente visite d'Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères et européennes, ne pouvait pas être plus utile pour le secteur agricole, surtout en pareille conjoncture. L'Agence française de développement (AFD) vient en effet d'accorder au Maroc un prêt concessionnel de 50 millions d'euros, accompagné d'une subvention de 300.000 euros destinée au Plan Maroc Vert. Officiellement, ces deux financements concernent l'agriculture solidaire et familiale dans les zones les plus défavorisées, notamment la région nord du Maroc, dans le cadre du programme d'appui au Pilier II du Plan Maroc Vert (PAPMV). «Ces financements visent ainsi les projets productifs et les groupements de producteurs dans leurs démarches pour la commercialisation de leurs produits», selon les déclarations à la presse du directeur au Maroc de l'AFD, Joël Daligault. Ces aides devraient essentiellement bénéficier aux petits agriculteurs dans les régions de Tanger-Tétouan, Fès-Boulemane et Taza-Al Hoceïma-Taounate. Elles visent également à l'amélioration du revenu des exploitations familiales des zones défavorisées à travers le financement de projets productifs (production, transformation) et l'accompagnement des groupements de producteurs qui en sont promoteurs. Ces projets concernent notamment la construction et l'équipement d'unités laitières, la plantation de vergers (oliviers, amandiers, pruniers, pommiers) et la construction d'unités de valorisation de leurs fruits, l'acquisition de ruches améliorées et la construction d'unités de production de miel, l'installation de parcelles de plantes aromatiques et l'équipement d'unités de distillation. Des actions pilotes seront, par ailleurs, mises en œuvre dans les trois régions concernées pour l'amélioration de la commercialisation des produits des principales filières agricoles. La promotion et le développement des produits du terroir, l'amélioration de l'accès au crédit bancaire et l'expérimentation de pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement, sont aussi dans le menu des objectifs recherchés. De plus, une assistance technique, financée sur prêt et sur subvention, devrait appuyer la mise en œuvre du programme d'appui au Pilier II. Cette opération devrait également contribuer à la formation des promoteurs de projets et des agents et cadres des services agricoles sur les questions d'approche participative, de commercialisation des produits agricoles, de gestion, etc. La mise en œuvre du PAPMV, par le ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime et l'Agence pour le développement agricole (ADA), est prévue à partir de 2012. Points de vue Christopher Delgado, Conseiller politique stratégique, chargé de l'Agriculture et du développement rura à la Banque mondiale. Je pense tout d'abord qu'il existe déjà dans ce pays une importante volonté politique, ce qui à mon sens, est à la base de toute action efficace. La sécheresse est un risque toujours menaçant pour le secteur agricole, que ce soit au Maroc ou dans d'autres économies où l'agriculture est plus développée. Il existe plusieurs solutions pour contrecarrer ces menaces. C'est le cas par exemple des politiques de généralisation des systèmes d'irrigation. Mais là aussi, se pose la problématique de la gestion et de la disponibilité durable des ressources hydriques. J'ai pu remarquer que le gouvernement marocain a également beaucoup de projets concrets à propos de cet aspect, ce qui est un bon signe. Par contre, ce qu'il faudrait intégrer aussi dans tout cela, c'est l'implication des opérateurs agricoles dans les mesures d'accompagnement du secteur. Il faut savoir que les organismes internationaux ne sont que des acteurs parmi d'autres. La problématique de la sécheresse doit concerner tout le monde. C'est pourquoi, lors du dernier forum mondial sur la sécurité alimentaire, un appel a été clairement lancé aux investissements privés. Le système d'agrégation qui est en train d'être promu au Maroc, pourrait bien, à terme, servir cette cause. Philippe Chalmin, Economiste, spécialiste du marché des matières premières et fondateur du Cercle Cyclope. L'agriculture n'est pas uniquement une question d'investissement privé. Ce serait trop facile, s'il ne suffisait que de mettre de l'argent. Le secteur agricole a évidemment besoin d'interventions financières importantes provenant notamment du privé, pour faire face à certaines conjonctures difficiles, comme celle du changement climatique. Toutefois, il faut bien d'autres choses. C'est là où nous rejoint la nécessité de mieux équiper les services publics. Nous savons très bien que l'agriculture est un secteur clé, au cœur de l'économie des pays émergents. Cela lui confère justement l'importance qu'il faut pour en faire l'une des priorités des programmes gouvernementaux. Retenez tout simplement par là que c'est un secteur délicat à gérer.