Pourquoi Anas Sefrioui, patron du groupe immobilier Addoha, a-t-il cessé de restituer les consignations aux copropriétaires des Résidences Addoha 2, tel que prévu par les jugements rendus par les tribunaux ? Depuis août 2009, plus de 300 jugements exécutoires, sont, en effet, en stand by dans cette affaire d'«arnaque et d'abus de confiance». Face au refus du groupe de commenter l'affaire, nous avons posé la question à l'avocat des plaignants. Ce dernier nous expliquera que les mis en cause ont changé de «stratagème». «Le groupe a changé d'avocat durant l'été 2009», indique l'avocat des plaignants. Selon les éléments dont nous disposons, le nouvel avocat aurait trouvé une «brèche» qui a permis au client de cesser la restitution des sommes d'argent aux plaignants. Le nouvel avocat de la défense a ainsi déposé devant le juge des «recours en annulation» et des «pourvois en révision» relatifs à ces 300 jugements prononcés. Son argument : dans certains cas, les factures portent le cachet de la seconde société d'Anas Sefrioui, «Euro Africaine de Trade -EAT-», alors que le jugement est prononcé contre «Douja Promotion». Ce que la Cour a accepté début 2010. Et certains jugements ont été effectivement annulés... mais aussitôt remplacés par d'autres jugements contre EAT. Cette acrobatie juridique a touché 16 jugements, selon l'avocat des plaignants. Sauf que ces jugements, sujets à annulation, avaient été déjà exécutés et les familles avaient perçu le montant des consignations. Et vu que l'une des sociétés d'Anas Sefrioui doit toujours les restituer, les plaignants croyaient, à tort, que l'affaire était close. Que neni ! Cette «logique» n'a pas empêché l'avocat de Sefrioui de déposer d'urgence une plainte pour récupérer l'argent restitué. Des jugements annulés ? Lors de notre rencontre informelle avec les responsables du groupe Addoha, l'annulation des 16 jugements (sur un total de 300) contre Douja Promotion a été présentée comme une «victoire». Les responsables ont très exactement utilisé l'expression «nous gagnons des points». Ce qui témoigne du bien-fondé de leur thèse, alors que la même société a restitué plus de 600 consignations durant les deux dernières années. Et même si Douja Promotion n'est plus concernée par ces 16 cas, c'est l'autre société d'Anas Sefrioui qui a été condamnée par le juge. Et l'avocat des plaignants d'enfoncer le clou. Selon lui, ses clients disposent de preuves selon lesquelles Douja Promotion aurait restitué les premières consignations, non pas à travers les comptes de la société, mais par des chèques de règlements estampillés EAT. «Douja Promotion n'a donc pas le droit de demander à ces gens de lui rendre des sommes versées par une autre entreprise», explique l'avocat des plaignants. «Pratiquement tous les jugements exécutés l'ont été par des chèques signés EAT, et donc par Anas Sefrioui», poursuit-il. Ce dernier nous a expliqué par la même occasion qu'il avait entamé une procédure d'appel en ce qui concerne ces jugements annulés. Une première audience est prévue en septembre prochain. Entre temps, et selon nos sources, une assemblée générale extraordinaire aurait été tenue courant juillet au sein de la société EAT, pour un seul point à l'ordre du jour : éloigner Anas Sefrioui du poste de représentant légal de la société EAT. Une décision qui, selon l'avocat des plaignants, vise à éloigner Sefrioui (en mettant une autre personne à sa place, comme gestionnaire de EAT) des feux de la rampe. «Ainsi, Sefrioui est exempté d'assister aux audiences du tribunal et évitera les questions du juge», croit savoir l'avocat des plaignants. Le changement opéré n'est pas pour décourager les copropriétaires et leur défense. L'avocat compte en effet déposer, en septembre prochain, lors de la prochaine audience, une demande pour que le juge convoque Anas Sefrioui, en tant que gestionnaire à la période des faits. Saisies conservatoires Contrairement à ce qui est paru dans la presse, en ce début d'année, l'avocat des plaignants nie catégoriquement avoir été approché par Anas Sefrioui et ses collaborateurs pour trouver un arrangement à l'amiable à cette affaire. Au contraire, il affirme avoir approché son collègue de la partie adverse pour éviter les tracasseries administratives et restituer les consignations directement. «Je leur ai même proposé de rembourser les plaignants selon une fréquence mensuelle –dix par mois-. Je n'ai pas encore reçu de réponse à ma proposition», poursuit l'avocat des 2.000 copropriétaires. Par ailleurs, signalons que l'audience du 15 septembre prochain sera «chargée» pour le juge de la Cour d'appel, saisi pour cette affaire. En effet, en plus de l'examen du PV de refus d'exécution des jugements relatifs aux deux sociétés, la Cour devra aussi statuer sur une autre plainte déposée par l'avocat des plaignants, relative cette fois, à Anas Sefrioui, en personne, ainsi que la demande de saisie conservatoire déposée par ce même avocat. Rappelons que les copropriétaires, en constatant que EAT avait cessé de restituer les consignations, avaient demandé à leur avocat de passer aux «méthodes musclées» en engageant des saisies conservatoires des comptes de la société EAT, ainsi que de son modèle «J» (registre de commerce), pour le compte de tous les jugements en arrêt d'exécution. Des plaignants, notamment ceux auxquels Douja Promotion et EAT ont refusé de restituer le montant des consignations, ont même envoyé une correspondance au Cabinet royal dans ce sens (dont Les Echos quotidien détient copie). Il s'agit, notamment, des copropriétaires des résidences Addoha 2, situées au quartier Sidi Moumen à Casablanca (846 appartements) dont les consignations, versées en 1999, sont toujours bloquées chez le promoteur immobilier. Une affaire qui n'est pas prête de sortir de sitôt des dédales de la justice et qui promet moult rebondissements.