Le gouvernement est bien décidé à «re»dorer le blason de l'industrie nationale. Après avoir recadré le Plan Emergence par le lancement du Pacte national pour l'émergence industrielle en 2008, le ministère du Commerce et de l'industrie (MCI) s'attaque à présent au dossier de la substitution des importations par des produits nationaux. Une étude serait, ainsi, dans le pipe. À terme, l'objectif s'articule autour de la mise en place une stratégie de substitution des importations. Pas toutes les importations, néanmoins, car l'administration d'Ahmed Réda Chami ne compte opérer un tri que parmi les importations effectuées par les industriels nationaux spécifiquement et qui rentrent comme intrants dans l'élaboration de biens de fabrication locale. Ce qui exclut donc les produits de source étrangère destinés directement à la consommation finale. Cette démarche aurait essentiellement trois bienfaits. Primo, elle permettrait de soutenir et de diminuer la dépendance de l'industrie nationale par rapport aux marchés extérieurs. Une mesure d'autant plus indispensable que «la facture des inputs de l'industrie locale, provenant de l'import, a eu tendance à s'alourdir ces dernières années», note le MCI. Secundo, cette réorientation permettrait de combler le manque à gagner en termes d'industrialisation, né de l'importation de produits que l'industrie marocaine est apte à produire. Cela aurait pour effet de créer des opportunités d'investissement supplémentaires, de développer de nouvelles industries au Maroc et de générer de l'emploi. Tertio, c'est la situation de la balance commerciale qui devrait s'en porter mieux puisqu'un allégement des importations (sous l'effet de la substitution des achats à l'international par la production locale) est de nature à réduire le déficit commercial, toutes choses étant égales par ailleurs. Quels produits ? Reste à savoir quels produits importés pourraient être remplacés par des produits nationaux. C'est toute la portée de l'étude commanditée par le MCI. Mais en décortiquant la longue liste des biens importés par le Maroc, on se fait déjà une idée sur le champ de produits qui devraient être concernés par la substitution. Comme évoqué précédemment, l'objectif de substitution des importations que se fixe le MCI ne touche que les achats à l'étranger utilisés comme intrants par l'industrie nationale. Cela conduit à ne retenir schématiquement que les demi-produits et les produits finis d'équipement (les importations d'énergie et de lubrifiants ainsi que les produits bruts étant exclues de fait si l'on part du principe qu'elles sont indispensables). Et il se trouve que ces catégories de produits ont vu leurs importations augmenter de manière remarquable sur les six dernières années, et encore, 2009 a été marquée par une baisse généralisée à l'ensemble des catégories d'importations en raison du tassement économique mondial et national observé sur l'année (voir graphique). S'agissant donc des produits finis d'équipement (machines et appareils divers, voitures industrielles...), alors que leurs importations se limitaient à 500.000 tonnes en 2003 pour une valeur de 30 milliards de dirhams, ils se sont hissés à 66,8 milliards de dirhams pour un volume global de 710.000 tonnes en 2009. Les demi-produits (matières plastiques artificielles, produits chimiques...) quant à eux ont vu leur tonnage passer de 5 à 6,5 millions de tonnes (ou en valeur de 31 milliards de dirhams à 53,6 milliards) entre 2003 et 2009. Résultat, produits finis d'équipement et demi-produits pèsent en 2009 près de la moitié des importations (45,4%), ce qui porte à croire qu'il y a à boire et à manger en termes de potentiel substitution, d'autant plus que les produits en question paraissent pour certains (accessoires de tuyauterie et de constructions métalliques, papiers et cartons, fils et câbles pour l'électricité, pompes...) ne pas nécessiter une technologie de pointe ni un savoir-faire inabordable, sans compter que leurs intrants sont accessibles pour tous au même prix. +133% d'importations de fromages entre 2003 et 2008 Dans tout cela, d'autres pistes restent à explorer pour compresser les importations. En effet, une analyse faite par le ministère du Commerce extérieur, fin 2008, avait établi que les produits d'importation couvrent près de 66% de la consommation finale nationale (contre 40% en 2003). Ce qui porte à croire que mise à part les produits finis d'équipements et les semi-produits objet de l'attention du MCI, d'autres biens viennent gonfler les importations. Toujours en se basant sur la liste des biens importés par le Maroc, ce sont les produits alimentaires qui attirent l'attention. Pour ne retenir que quelques exemples parlants, les achats à l'étranger de fromages ont progressé de 133% entre 2003 et 2008, les importations de bananes fraîches totalisaient 17.000 tonnes contre 1.300 tonnes seulement en 2003. Enfin, les viandes fraîches et congelées ont vu leurs volumes quintupler de 2003 à 2007. Mais les produits non alimentaires non plus ne sont pas en reste. Aussi la chaussure enregistre une hausse remarquable avec une croissance de volumes de 131% de 2003 à 2008, idem pour la parfumerie, les réfrigérateurs domestiques, cuisinières, chauffages, téléviseurs... En considérant le problème dans son ensemble, à la nécessité d'encourager les industriels locaux de consommer marocain (pourvu que des fournisseurs locaux puissent émerger) il faudra aussi agir sur des habitudes des consommateurs finaux de plus en plus portés sur le produit étranger... Tout un challenge.