Finalement, la 6e édition du festival des jeunes talents gnaoua d'Essaouira a bien eu lieu cette année, contre vents et marées. On s'en souvient, la 5e édition de ce qui constitue l'unique événement et tremplin des futurs mâallems gnaouis a été annulé par l'équipe organisatrice, représentée par Abderrahim El Bertai, délégué provincial de la culture, et de ses quelques coéquipiers ; mais surtout parce que ce festival se veut plus que semi-public. Le festival est organisé par l'association Essaouira Mogador sous le parrainage de la ville d'Essaouira et est placé sous la tutelle du ministère de la Culture. L'événement, ses activités annuelles, ses budgets, ses équipes, sa ligne éditoriale, et la date de son déroulement n'échappent pas à la discrétion de ce staff indéfiniment nombreux et multitâches. En somme, un manque de délégation et d'attribution des rôles des métiers de la production événementielle entrave la progression d'un rendez-vous qui, cahin-caha, confirme sa place dans le tissu culturel marocain. D'une part, l'art gnaoui étant un patrimoine oral, sa diffusion à travers les générations varie d'une région à une autre, d'une génération à celle qui la suit; et, subit par conséquent les aléas de ses mutations au détriment de l'esprit initial de cet art. Le festival des jeunes talents gnaoua, qui succède à son sénior, le festival de gnaoua et des musiques du monde, permet justement la consécration d'une génération d'artistes en herbe à travers des échanges qui mettent en exergue le respect de la tradition et la fusion nationale des connaissances, des rituels et des aspirations de ceux qui portent, désormais, le flambeau de l'art gnaoui. À nouveau départ, nouvelles résolutions En 2008, le festival des jeunes talents d'Essaouira célébrait ses 5 ans d'existence, un âge où cette première expérience du genre consolidait ses premiers acquis, des plus notables ; créer le temps et l'espace où des troupes de gnaoua venues des quatre coins du pays se retrouvent pour se connaître, échanger, concourir et faire leurs premiers pas en se produisant sur des scènes artistiques publiques. Le cours de leurs rencontres habituelles étant limité aux seules lilates et occasions religieuses ou de divertissement, pas toujours accessibles au public. C'est chose faite ! À toutes les éditions passées, le festival récompensait les meilleures formations en catégories chant, prestation scénique, jeux de Guembri et du Tbal (tambourin). Cinq ans plus tard, et après une édition manquée, la direction artistique du festival, qui comprend entre autres, le mâallem Abdeslam Alikane et le directeur général Abderrahil El Bertai, a préféré renouer avec ce qui est resté en suspens en 2008 pour mieux se projeter dans la continuité de la consécration et la présentation directe au public. En effet, depuis mercredi 4 août, date de début du festival, plus d'une dizaine de ces jeunes troupes qui ont défilé sur la scène Moulay El Hassan se sont produits cette année dans le cadre de la rétrospective qui a pris la place des compétitions. Seul volet changeant ; ce cru a favorisé le passage du festival gnaoua sur le petit écran via la programmation ciné-transe, proposée par le réalisateur Ali Essafi à Dar Souiri, quand des films tels que Transes Gnaoua d' Eliane Azoulay ont ouvert la brèche pour la réflexion sur le devenir de cet art. D'autres pistes sont à explorer ! Cinq jours et jeunes voix Après deux jours de musique et de rencontres, animés par les prestations d'invités tels que Ganga vibes ( fusion-Casablanca) et le groupe Rock berbérophone Ribab Fusion (Agadir), le mauvais temps qui a déferlé sur la cité des alizés n'a pas manqué de surprises lors du festival. Prévue initialement samedi 7 août, la soirée de clôture a été reportée pour donner vie à un 5e jour au festival, dimanche, comme pour commémorer le chiffre 5. À l'annonce de la nouvelle, le public, en attente sur la grande place, s'est métamorphosé en mélomanes enthousiasmés. Une ruée composite s'est orientée vers Dar Souiri où le grand Mahmoud Guinéa accordait son instrument avant de se lancer avec ses kouyous ( musiciens aux castagnettes) sur les dernières mises au point. Quelques instants plus tard, et après quelques notes retentissantes, l'enceinte de Dar Souiri battait son plein avec un parterre d'artistes, de journalistes, de mélomanes dont André Azoulay et Nabil Benabdelah et d'autres invités venus apprécier de plus près l'évènement. Plus de deux heures de spectacle au cours desquelles, le festival des jeunes talents gnaoua, dans la cité des vents clôture à Dar Souiri la saison des festivals de la période estivale 2010, écoulée pour le meilleur et pour le pire.