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«Le cinéma marocain a besoin de films populaires»
Publié dans Les ECO le 24 - 02 - 2012


Said Naciri
Acteur, réalisateur
Les Echos quotidien : Dans votre nouveau filmv«Un Marocain à Paris» qui sera dans les salles à partir de mercredi prochain, vous faites appel à des acteurs étrangers comme c'était le cas dans «Le clandestin». S'agit-il d'une condition pour que le film réussisse ?
Said Naciri : Pas forcément. C'est une question de scénario avant tout. Les scénarios de ces deux films que vous venez de citer imposent qu'il y ait des acteurs étrangers. Mon dernier se passe à Paris, il était donc tout à fait normal d'avoir des acteurs français. Toutefois, dans ce film, on retrouve des acteurs marocains installés en France notamment Booder et Mohamed Kaissi. Mon objectif était toujours d'internationaliser mes films. C'est ainsi que j'ai fait appel à des acteurs égyptiens dans «Le clandestin». Avoir des étrangers dans ses films permet surtout de pouvoir se faire une place dans le pays dans lequel ces acteurs étrangers sont originaires, mais à condition qu'ils soient connus. Dans ces deux films, j'ai fait appel à des acteurs professionnels et non à des figurants. Dans «Un Marocain à Paris», il y a par exemple une pléiade d'artistes français notamment Jean Marie Bigard et Francis Lalanne, ce qui a représenté pour moi un vrai défi. C'est toujours difficile de diriger des acteurs étrangers connus !
Comment vous est venue l'idée du film «Un Marocain à Paris» ?
J'ai eu l'idée de faire ce film il y a longtemps, juste après la sitcom «Moi, mon frère et sa femme» qui a eu un grand succès auprès du public au Maroc et à l'étranger. C'est ainsi que je me suis basé sur la même histoire en changeant, toutefois, le lieu de résidence du frère de Abbas. Le choix de l'Hexagone n'était pas fortuit, puisque 60% des Marocains qui partaient en France poursuivre leurs études à l'époque, c'est-à-dire, à la fin des années 1990, préféraient s'y installer. Il s'agit d'une question qui m'a toujours bouleversée. Une fois le scénario achevé, j'ai contacté plusieurs personnes notamment Jamel Debbouze et Gad Elmaleh pour qu'elles m'aident, mais en vain. Ce n'est qu'en 2011 que j'ai décidé de réaliser ce long métrage. D'ailleurs, les recettes générées par le film avant production de la part du CCM, ont attient 3,5MDH.
Concrètement, comment avez-vous réussi à réunir tant d'acteurs français dans ce film ?
Bien avant le début du tournage, j'ai voyagé à Paris où j'ai rencontré des membres de notre communauté installée en France qui m'ont été d'une grande aide. De fil en aiguille, j'ai fait la connaissance du chanteur Francis Lalanne qui a aimé mon scénario et qui m'a présenté à d'autres acteurs. J'ai été vite adopté par ces artistes qui ont trouvé en moi quelque chose de Louis de Funès. J'ai essayé encore une fois de contacter des stars marocaines en France pour qu'elles participent dans mon film mais sans succès. Le père de Gad Elmaleh, par exemple, m'a demandé un cachet très élevé, d'autres n'ont même pas répondu à mes appels. C'est cela qui m'a encouragé à aller de l'avant et à avoir une volonté implacable pour faire ce film.
À combien s'élève le budget global de ce long métrage ?
Le budget global s'élève à 2 millions d'euros. Ce n'était pas évident, mais grâce au co-producteur et surtout aux Marocains de France, tout s'est bien passé. Vous savez, il y a des figurants marocains qui ont joué dans le film, sans vouloir prendre un centime ! J'ai eu beaucoup de dons en nature plus qu'en argent.
Votre nouveau film faisait partie de la sélection officielle du dernier festival du film national de Tanger. Mais il n'a pas remporté de prix...
Il n'a rien remporté comme d'autres bons films participants notamment «Mains rudes» de Mohamed Asli ou encore «Les hommes libres» d'Ismael Ferroukhi. Votre question me donnera l'occasion de parler de ce festival dont l'organisation est complètement archaïque. Je ne comprends pas pourquoi on parle de sélection de films à Tanger, alors qu'on prend tous les films produits durant l'année, ce qui n'existe nulle part ailleurs. Il y a aussi un point très important que j'aimerai souligner : comment peut-on juger un film visionné en Beta ou en DVD ? Je pense que le CCM doit revoir sa politique adoptée jusque-là pour l'organisation de ce festival. Il faut en finir avec l'anarchie et la complaisance si on veut aller de l'avant. Pour répondre à votre question, je pense que mon film n'a rien remporté parce qu'il est plutôt populaire, mais croyez-moi plusieurs films méritaient d'avoir une consécration à Tanger.
On dit que la comédie est ingrate. Qu'en pensez-vous ?
Je suis tout à fait d'accord. Il n'y a que les films de Woody Allen qui sont sélectionnés dans les grands festivals. Les films comiques ne respectent pas les normes du cinéma, parce que pour faire rire les gens, il faut d'abord trouver des gags. La comédie est certes ingrate, mais elle fait appel à la logique contrairement aux autres genres cinématographiques. Faire pleurer les spectateurs est très facile, mais les faire rire demeure une entreprise très compliquée. C'est pourquoi, je pense que les films comiques n'ont pas de place dans les festivals généralistes. Personnellement, lorsque je participe à un festival, c'est surtout pour profiter de la présence des critiques et des journalistes qui peuvent toujours m'aider à commercialiser mon film. Partant de ce fait, je compte mettre en place prochainement un festival international du film comique.
Certains pensent qu'il ne faut plus filmer des scènes osées dans les productions nationales. Êtes-vous d'accord ?
Je tiens tout d'abord à préciser que dans mes films qui sont adressés à un large public, je veille à ce que le spectateur ne soit pas choqué. Toutefois, je peux filmer n'importe quelle scène mais d'une manière subtile. Je suis tout simplement contre les scènes gratuites. Et puis, il faut arrêter de banaliser la femme dans les films marocains. Elle ne le mérite pas. D'ailleurs, l'idée de réaliser un film sur la femme marocaine m'effleure l'esprit depuis un bon bout de temps. Je crois que ce sera le sujet de mon prochain film.
Le fait de catégoriser vos films de «commerciaux», vous dérange-t-il ?
Je suis persuadé que notre cinéma a besoin de films dits d'auteur ou de films commerciaux, même si je trouve que cet adjectif est inapproprié. On ne peut pas parler de film commercial au Maroc vu qu'on n'a même pas de salles pour projeter nos productions. Réaliser un film n'est pas un acte commercial au Maroc étant donné les problèmes que vit notre cinéma. Il ne faut pas se leurrer, on ne gagne pas beaucoup d'argent lorsqu'on fait des films. Cela étant avec 4 MDH, on peut aujourd'hui faire un bon long métrage, tout en restant très correct avec toute l'équipe du tournage.
Quels sont vos projets ?
Je vais commencer à partir du mois d'avril la tournée de mon nouveau spectacle «This is it. Inès Inès, telle télé, tel gouvernement». C'est un hommage au feu Mohamed Rouicha et une critique de notre petit écran qui continue de négliger l'artiste marocain.


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