À l'heure où la crise bat son plein et influence significativement les investissements directs étrangers au Maroc, les transferts des Marocains résidents à l'étranger son restés stables au terme de l'année 2011. Une bonne nouvelle qui démontre la résilience face la crise de cette importante source de financement de l'économie marocaine. Ce constat peut en fait être élargi à l'échelle du continent, comme le soutient la Banque africaine de développement, qui avec l'Agence française de développement en a fait un sujet d'étude dont les résultats ont été restitués lors d'un séminaire organisé mardi dernier à Paris. Lors de cet événement, la France, représentée par Henri de Raincourt, secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur, et la BAD, représentée par son vice-président Kamal Elkheshen, ont rappelé que ces flux d'argent privés soutiennent la croissance des pays en développement, au même titre que l'aide au développement et les investissements directs étrangers. «Ils contribuent à renforcer la capacité d'épargne et d'investissement des pays bénéficiaires», ont-ils souligné avant d'expliquer : «même en situation de crise économique et financière des pays de résidence des migrants, les flux d'argent de ces derniers tendent à rester stables et à être moins liés à la conjoncture économique que l'aide publique au développement et les investissements directs étrangers». Maghreb et zone franche L'étude démontre que c'est notamment le cas pour les pays sur lesquels elle s'est penchée, à savoir le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, le Cameroun, et les Comores. Mais là ou le bât blesse, c'est qu'il y a une tendance à la stabilisation des coûts des transferts d'argent à un niveau élevé, ce qui engage une mobilisation nationale, bilatérale et multilatérale des Etats pour réduire ces coûts. C'est justement ce que s'est proposée de baliser cette étude à travers des solutions pour réduire les coûts de ces envois d'argent et optimiser leur contribution au développement par des innovations financières et réglementaires adaptées. Or, à l'exception des banques marocaines qui s'intéressent également aux logiques qui animent les récipiendaires dans les pays d'origine, l'intérêt premier des intermédiaires financiers demeure exclusif aux migrants. Cela se traduit par un impact négatif sur l'inclusion financière et notamment la bancarisation des populations bénéficiaires des transferts. Il en résulte une propension naturelle au recours aux envois d'espèces. Or, cela renforce la place de l'informel dans ses transferts et prive le circuit officiel d'une importante manne. Toutefois, il faut dire que les opérateurs ne sont pas exempts de tout reproche puisqu'ils marquent un intérêt démesuré aux transferts d'espèces, car il s'agit d'opérations simples, peu coûteuses mais fortement rémunératrices et sans risque. Coûts des transferts élevés Même si ces derniers semblent afficher leur volonté de baisser les coûts des transferts, ils le font plus, par un souci de captation, de maintien voire d'augmentation des marges, que par une stratégie d'inclusion financière et de bancarisation. Partout, les marges bénéficiaires restent appréciables. Ce contexte semble favoriser la stabilisation et non la baisse des coûts des transferts et justifie d'autant plus, selon le rapport final de l'étude, «une action des Etats aux plans national, bilatéral et multilatéral pour réduire ces coûts, en se basant sur les conclusions et recommandations du Sommet du G20 à Cannes de novembre 2011». On enregistre néanmoins un recours croissant à d'autres produits de transfert, en particulier le transfert de compte à compte avec le paiement d'une partie en espèces et surtout une augmentation sensible de l'offre de produits de bibancarisation classique. Aussi, pour confirmer ces tendances encore un peu timides les rédacteurs du rapport préconisent de faire évoluer les offres pour gagner en compétitivité. De même, Ils préconisent une modernisation des cadres réglementaires, favorisant la diversification de l'offre de services et de produits financiers, qui contribuerait à renforcer la concurrence et à réduire les coûts des transferts d'argent. Nouvelles technologies In fine, ils identifient quatre types de services, de produits financiers et technologiques qui sont à même de contribuer à la baisse des coûts des transferts d'argent. Il s'agît des services et produits d'amélioration des transferts «classiques», des produits et services de bibancarisation, des produits d'accompagnement de l'investissement collectif des associations de migrants, notamment les produits d'investissements institutionnels de long terme qu'ils soient boursiers, bancaires ou financiers. Le quatrième service mis en avant concerne les services et produits faisant appel aux TIC pour le transfert d'argent Nord/Sud via le «mobile banking», le développement de la monétique et de «l'e-banking». Ces produits et services contribuent à accroître la bibancarisation et à mobiliser davantage d'envois d'argent vers les pays d'origine. «Leur offre est inégale d'un marché à l'autre», souligne le rapport qui voit dans cette diversité des situations observées aux plans technique et réglementaire une possibilité importante d'échange d'expériences entre les pays couverts par l'étude, car même si le rapport n'y fait pas référence clairement le Maroc jouit d'une certaine avance en la matière. Le Maroc en avance La bibancarisation constitue le levier le plus important dans le développement des transferts des migrants et de la baisse des coûts de ces transferts. Or, le Maroc jouit d'une certaine avance en la matière notamment à travers l'action de ses champions bancaires. Des banques comme Attijariwafa bank, BMCE Bank ou encore la Banque Populaire peuvent en effet se targuer d'une présence conséquente dans les principaux pays de la migration marocaine, notamment en Europe. Elles ont pu, d'année en année, améliorer leurs prestations en la matière et présentent des offres de plus en plus complètes. Car même si leur intention n'est pas d'offrir les services d'une banque classique en Europe, concurrençant ainsi les banques locales, ils entendent étoffer leurs services pour capter l'importante population de migrants marocains sur place dans le circuit bancaire marocain. Elles ont donc défriché, depuis quelques années, les pistes avancées aujourd'hui par le présent rapport. Il reste toutefois beaucoup à faire pour se mettre à jour au niveau des services liés aux nouvelles technologies qui représentent un potentiel de développement important.