Après les intentions, les actes. C'est, en effet demain que se déroulera à Rabat, la 18e réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'Union du Maghreb arabe (UMA). Elle s'inscrit dans le sillage du renouveau pour l'organisation qui, plus de deux décennies après sa création, n'a brillé que par son absence, avant que les évènements liés au «printemps arabe» ne viennent changer la donne régionale, imposant aux 5 pays membres la nécessité de renforcer leur intégration. Concours des évènements ou hasard du calendrier, la présente session ministérielle coïncide, avec le 23e anniversaire de la création de l'UMA, qui a vu le jour un 17 février 1989 à Marrakech. Un signe symbolique, à un moment où la volonté politique de «relancer l'organisation régionale», est devenu le principal aspect majeur des discours politiques et recommandations d'experts sur les enjeux régionaux. Les nombreuses sorties protocolaires et rencontres diplomatiques en témoignent, comme les visites du chef de la diplomatie marocaine dans la région et la tournée du président tunisien, Moncef Marzouki, qui s'est érigé au rang du nouveau chantre de la renaissance maghrébine. C'est également dans le même cadre que s'inscrit l'entame des réchauffements des relations entre le Maroc et la Mauritanie et aussi la consolidation des liens avec la Lybie, depuis la chute de Kadhafi, en plus du raffermissement du partenariat avec la Tunisie depuis l'arrivée des nouvelles autorités. Le royaume essaie dans ce contexte, avec succès jusque-là, à rejouer un rôle important, galvanisé par la stabilité dont le pays a fait preuve au plus fort des soulèvements populaires qu'a connus la région. Si les doutes persistent encore quant à l'issue de cette énième tentative de faire renaître l'organisation, beaucoup de facteurs plaident en faveur d'une véritable reprise de la construction communautaire. Nouveau départ Un des rendez-vous les plus attendus au titre des évènements programmés en marge de la rencontre ministérielle sera, incontestablement, la rencontre entre Saad-Eddine El Othmani et son homologue algérien Mourad Medelci, ce vendredi soir à Rabat. La crise entre les deux pays est, en effet, le principal point de blocage pour l'UMA. La volonté affichée, de par et d'autre, d'insuffler une nouvelle dynamique aux relations entre les deux pays, surtout sur le plan économique, constitue un point déterminant dans l'œuvre de relance de l'organisation communautaire. À ce niveau, d'ailleurs, El Othmani qui était, récemment devant les parlementaires, a réaffirmé la signature d'une série d'accords entre le Maroc et l'Algérie portant sur les aspects prioritaires de la politique de rapprochement entre les deux pays. C'est en ce sens qu'un document relatif à la concertation politique sera signé le 19 février, «afin de coordonner le prises de position politiques», selon le chef de la diplomatie marocaine. Cette approche vise à «dépasser les dossiers chauds», pour aboutir à un rapprochement global, à travers des stratégies sectorielles d'intégration régionale, similaire à celles adoptées pour l'UMA. C'est la raison pour laquelle, l'ordre du jour du sommet de Rabat, est principalement axé sur «le renforcement des lignes bilatérales entre les pays du Maghreb, pour aboutir à la nouvelle vision de l'UMA dans un délai proche», a déclaré Saad-Eddine El Othmani. La rencontre de Rabat, qui devrait être le prélude à une réunion au sommet des chefs d'Etat, dans les prochaines semaines est très attendue, tant par les citoyens des pays membres que par les partenaires économiques de la région, au premier rang desquels les pays de l'Union pour la méditerranée (UpM) et de l'Union européenne. Défis communs Selon une étude que vient de présenter l'institut européen Thomas Moore, sur la sécurité durable au Maghreb, «les révolutions arabes ont modifié le paysage politique et économique de la région», qui doit faire face à des défis communs. Le think thank en liste principalement quatre, dont celui de la démocratisation, des défis socio-économiques et ceux lié à la sécurité et à la coopération. Selon les auteurs du rapport, «dans la recherche de sécurisation économique et sociale qui doit être une priorité des gouvernements de la région, et sur fond de crise forte en Europe, l'un des principaux chantiers reste celui de la coopération intra-maghrébine». En effet, estiment-ils, en dépit de quelques timides avancées, le «non-Maghreb» est en effet encore une réalité, avec notamment la persistance de la fermeture de la frontière entre l'Algérie et le Maroc. À cet égard, souligne l'étude, le «printemps arabe» devrait constituer «une opportunité dans la prise de conscience de la nécessité d'une intégration régionale». Pour Antonin Tisseron, un des auteurs du rapport, «le résultat des discussions sur une éventuelle relance de l'Union du Maghreb arabe fera office de test de la volonté des dirigeants de la région de dépasser les anciennes rivalités et les contentieux et de privilégier la coopération et la recherche de synergies à l'échelle régionale». Une base pour repartir Le sommet des chefs de la diplomatie maghrébine débutera avec une réunion, ce vendredi, du 47e Comité de suivi de l'Union. Ce sera l'occasion de passer en revue le bilan, assez maigre, des réalisations de l'organisation et, surtout, les mécanismes et instruments d'intégration déjà validés ou sur le point de l'être. À ce niveau, les documents juridiques et légaux ne manquent pas, puisqu'à ce jour, une trentaine de conventions, chartes ou traités ont été signés par les Etats membres dans des domaines aussi variés que l'environnement, la coopération douanière, fiscale ou agricole, ainsi que dans le domaine de l'éducation, de l'industrie, des mines et de l'énergie. Plusieurs structures, à l'image des conseils des ministres sectoriels, se réunissent également à intervalles réguliers sous l'égide de l'organisation laquelle est, par ailleurs, liée avec d'autres organismes internationaux ou régionaux, dans le domaine de la sécurité, du commerce, entre autres. Il est vrai que certaines réalisations manquent de visibilité, comme la Banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur (BMICE) créée avec un capital de 500 millions de dollars, qui peine à trouver son chemin. Le dernier acte en date a été le projet de création d'un marché commun des produits agricoles, afin de réduire la dépendance des pays membres aux importations. Ces structures et réglementations restent à ressusciter et à adapter au contexte actuel.