Si le secteur bancaire marocain est cité en exemple pour sa solidité et ses bonnes performances par les récents rapports d'organismes internationaux, il n'en est pas de même pour l'industrie nationale du microcrédit. En effet, celle-ci est mentionnée, comme connaissant «une situation particulièrement difficile», dans un rapport émis dernièrement par le «Consultative Group to Assist the Poor» (CGAP), un club formé des plus gros bailleurs de fonds mondiaux pour la microfinance. Selon le rapport, de tout le secteur mondial du microcrédit, seuls 2 pays affichent une situation aussi préoccupante que celle du Maroc: le Nicaragua et la Bosnie Herzegovine. Comment en est-on arrivés là ? La faute à la crise internationale ? Pas seulement, explique le rapport du CGAP. Le marasme de l'économie mondiale n'a fait qu'aggraver la situation d'un secteur national du microcrédit qui était déjà «affaibli par des facteurs tels que la concurrence malsaine, des capacités qui arrivent à saturation, et un manque de rigueur vis-à-vis des règles prudentielles». De fait, «la crise économique a moins joué un rôle de déclencheur, qu'un facteur critique aggravant, enfonçant les marchés en difficulté dans une crise grave», expliquent les auteurs du rapport. Des inquiétudes planent sur le secteur Par ailleurs, cela fait déjà quelques mois que la situation du secteur du microcrédit au Maroc inquiète les observateurs du marché international. Déjà, en octobre 2008, le même CGAP avait tiré la sonnette d'alarme tandis que le taux d'impayés avait été multiplié par 2,5 sur la seule première moitié de 2008 en comparaison à fin 2007. Dans la même lignée, une étude publiée début 2009, par la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale, faisait part de sérieuse inquiétudes. Mais ceci n'a pas empêché le secteur national du microcrédit de s'enfoncer. Comme le note le dernier rapport annuel de Bank Al-Maghrib, sur les résultats des établissements de crédit, «dans le prolongement des difficultés enregistrées en 2008, les indicateurs d'activité et de rentabilité des associations de microcrédit se sont dégradés en 2009». S'établissant à plus de 300 millions de dirhams, les créances en souffrance ont représenté 6,4% du total à fin 2009, alors qu'elles totalisaient 5,3% en 2008. Pour ne rien arranger, ces créances compromises n'ont été couvertes par des provisions qu'à hauteur de 59%, soit 9 points de moins en comparaison à 2008. Sur les raisons de cette dégradation, Bank Al-Maghrib cite entre autres, «la qualité des risques, les faiblesses des contrôles internes, les systèmes d'information et de recouvrement». Au final, les associations de microcrédit ont enregistré un résultat net déficitaire de 123 millions de dirhams, contre un bénéfice de 25 millions en 2008. Stabilisation de la part des prêts individuel Qu'en sera-t-il maintenant pour 2010 ? «Une baisse du taux de prêts en retard de paiement n'est pas à écarter, ce qui n'exclut pas que plusieurs institutions de micro crédit demeurent affaiblies par l'importance de leur porte-feuille à risque», expose le rapport du CGAP. Cependant, de nombreux développements positifs sont relevés. «Les institutions touchées ont été rapides à réagir face à la crise, en ralentissant leur croissance et en renforçant leur politique de crédit», lit-on dans le même rapprt. Cela se ressent bien sur les indicateurs du secteur national du microcrédit en 2009. En effet, le resserrement des politiques de crédit enclenché en 2008 par les associations marocaines de microcrédit s'est traduit par un repli de 16% de l'encours des prêts à la clientèle à moins de 5 milliards de dirhams, générant un encours moyen par client de près de 5.000 dirhams. Aussi, la part des prêts individuels dans le portefeuille global s'est stabilisée à 40%, alors que le nombre des clients actifs a accusé une régression de 26% à moins d'un million de bénéficiaires. Autre avancée rapportée par l'étude du CGAP, la centrale des risques qui sera bientôt opérationnelle pour le secteur du microcrédit. Cette centrale permet de mieux gérer les risques liés à l'endettement croisé et facilite le recouvrement. Elle permet en effet d'identifier rapidement, le mauvais payeur disposant déjà d'un crédit et qui postule pour l'obtention d'un prêt auprès d'une autre association. En fait, la centrale des risques existe depuis octobre 2009 déjà. Cependant, elle restait inaccessible aux associations de microcrédit, en raison de tarifs de consultation trop élevés. Récemment, la Fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM) a pu négocier des prix préférentiels, ce qui devrait permettre d'élargir très prochainement l'accès à la centrale des risques aux associations de microcrédit. En fait, les efforts d'assainissement entrepris, paraissent inévitables pour le secteur national du microcrédit. En effet, l'essentiel des ressources de cette industrie continue de provenir des institutions financières. Celles-ci ont couvert 75% des besoins des associations de microcrédit nationales en 2009. Or les bailleurs de fonds, surtout internationaux, considèrent la qualité des actifs comme un prérequis de base pour l'affectation de leurs investissements. Il n'est pas dès lors étonnant que l'ensemble des apports de fonds répertoriés par le CGAP depuis septembre 2008 ait concerné les marchés résilients avec une bonne qualité de portefeuille tel que l'Inde, sachant qu'aucun apport n'a été enregistré dans les marchés sinistrés.