Du secteur national du microcrédit, l'actualité de ces derniers mois n'a retenu qu'une montée inquiétante des impayés. Mais pour confirmé qu'il soit, ce fait marginalise une autre vérité : l'industrie marocaine du microcrédit a pris beaucoup d'avance en comparaison avec d'autres pays du monde arabe. C'est du moins ce qui ressort d'une récente étude publiée entre autres par le groupe consultatif pour le soutien contre la pauvreté (CGAP), un club formé par les plus gros bailleurs de fonds mondiaux du microcrédit. Le Maroc domine donc manifestement le secteur de la microfinance arabe (regroupant dans le rapport Egypte, Jordanie, Tunisie, Palestine, Iraq, Yémen, Liban, Syrie et Soudan). En effet, les neuf associations marocaines de microcrédit regroupent 50% du total d'emprunteurs qui ont recours au microcrédit dans toute la région, soit en nombre un peu plus de 1,2 million d'individus. De même, le marché marocain concentre 60% de l'encours de microcrédits octroyés dans la région, soit 695 millions de dollars américains sur un total de 1,2 milliard. Une performance prévisible étant donné que l'encours national de microcrédit a été multiplié par 11 fois entre 2004 et 2007. Par à-coups, l'industrie nationale du microcrédit marque également l'écart en termes de réseau commercial. 83% des bureaux recensés au niveau de la région arabe sont localisés au Maroc, employant 54% de l'effectif total des salariés du secteur régional. Avec une telle dimension, seule l'Egypte peut rivaliser avec l'industrie nationale. Le secteur du microcrédit dans ce dernier pays, au même titre qu'au Maroc, «a acquis de la maturité sur les dernières années comme en attestent son intégration croissante et son inclusion dans le système financier global et sa capacité à lever des fonds auprès de banques locales ou internationales, avec une moindre dépendance des fonds de garantie de crédits auprès des bailleurs de fonds», selon les auteurs de l'étude. Mais l'avance du Maroc demeure considérable. En effet, l'Egypte peut rivaliser en termes d'effectifs d'emprunteurs seulement, car en termes d'encours de microcrédit, le marché égyptien reste 4 fois plus petit. Le gap ressort aussi sur le plan du financement. En effet, le Maroc concentre l'essentiel des financements de crédits au niveau régional: 70,3% contre 17,3% pour l'Egypte, son poursuivant immédiat. Plusieurs raisons à cela sont évoquées par les auteurs de l'étude. La taille du marché national d'abord, mais plus que cela, «sa forte performance historique qui lui a valu une reconnaissance internationale». Sur le même registre du financement, l'étude fait ressortir que le secteur bancaire local finance plus de 80% des besoins des associations de microcrédit nationales. Au passage, signalons que ces financements sont fournis à parts égales par les banques privées et publiques. De même, ils profitent aux quatre plus grandes associations qui regroupent à elles seules 90% du nombre d'emprunteurs. Les associations de microcrédit nationales bénéficient également de délais de financement plus avantageux comparativement à la région, puisque ces derniers atteignent en moyenne 68 mois contre 24 dans le reste du monde arabe. Ultime avantage, le taux de financement. Il s'affiche à 3,70%, le plus intéressant de la région après la Palestine. Mais la montée en puissance a un prix et l'industrie nationale du microcrédit l'a payé par une dégradation de la qualité de ses actifs, ce qui n'a pas manqué de nuire à l'activité du secteur. En effet, l'année 2009 a été marquée par un ralentissement significatif du portefeuille clients sectoriel. En chiffres, l'encours global du secteur est passé de 5,4 milliards de DH à fin décembre 2008 à un peu moins de 5 milliards de dirhams, soit un recul approchant 7%. Une dégradation à lier donc à une appréciation du portefeuille à risque (aussi appelé PAR et calculé en rapportant le total de l'encours des prêts en défaut de paiement au total de l'encours de tous les prêts) qui est passé de 4,77 à 9%. Et c'est pour faire face à cette situation qu'un vaste mouvement de recouvrement a été entamé, «bénéficiant du soutien ponctuel du gouvernement et d'un support des banques commerciales qui s'engagent à maintenir les lignes de financement allouées au secteur», rapportent les auteurs de l'étude. Et pour hâter le mouvement, les associations de microcrédit annoncent leur volonté de renforcer leur management, et de déployer davantage d'efforts dans le recouvrement de crédits, incluant le recours à la voie judiciaire à l'encontre des emprunteurs mal intentionnés. Avancée importante, les cinq plus grandes associations que compte le secteur opèrent des échanges d'information pour endiguer le phénomène des prêts contractés auprès de plusieurs associations par un même particulier. La part de ce type d'emprunt dans le total de créances en souffrance a d'ailleurs baissé sur les derniers mois, passant de 29 à 39 d'octobre 2008 à septembre 2009.