Comparé au reste de l'Afrique, le Maroc est le plus dépendant des aléas conjoncturels des pays développés, notamment quand il s'agit de l'attrait des investissements directs étrangers. C'est en substance le constat que l'on pourrait dégager du chapitre relatif au Maroc du dernier rapport de la CNUCED sur les flux mondiaux des investissements étrangers, et qui a été présenté en fin de semaine dernière à Rabat. En effet, et ce n'est un secret pour personne, la crise que vient de connaître l'économie mondiale a sérieusement plombé les IDE du Maroc. En fin 2009, les IDE attirés par le pays se sont limités à 1,33 milliards de dollars contre environ 2,79 milliards en 2008, soit un recul de 46%. Rien d'alarmant à première vue, puisque la baisse concerne toutes les régions du monde, sauf que pour le cas du Maroc, le pays affiche un recul dépassant de loin la moyenne continentale, cette dernière s'établissant, selon le rapport de la CNUCED, à -19%. Même quand on se limite aux flux de la seule région de l'Afrique du Nord, qui ont baissé de 24% en 2009, le Maroc se place loin derrière. Dans son classement des principaux pays d'accueil des IDE en Afrique, la CNUCED positionne le Maroc en 12e rang, sachant que des pays comme l'Egypte (2e), l'Algérie (6e) et la Tunisie(9e) se retrouvent en une bien meilleure position. La source du recul Cette situation trouve son origine, d'abord, dans la nature même des opportunités d'investissements proposées par le pays. «Le Maroc s'est retrouvé pénalisé par la diversification des secteurs sur lesquels peuvent se positionner les investisseurs étrangers», explique Nicole Moussa, économiste au bureau de la CNUCED, à Genève. En effet, contrairement à la plupart des pays africains, le Maroc ne base pas son attrait des IDE sur l'exploitation des matières premières. Le pays a historiquement attiré les investisseurs étrangers dans plusieurs autres secteurs, à l'image du bancaire, de l'immobilier, du tourisme et du secteur manufacturier, or, la crise n'a pas manqué d'affecter, sensiblement, la demande des produits de ces secteurs et, partant, a provoqué l'amoindrissement de la rentabilité potentielle des secteurs privilégiés par les investisseurs au Maroc. Dans les autres recoins de l'Afrique, c'est effectivement l'exploitation des réserves de matières premières qui a continué de soutenir le niveau des investissements étrangers. «La proximité du Maroc de l'Europe, et qui a fait de cette dernière la principale destination des exportations produites localement, a également joué un rôle important dans le recul», ajoute la représentante de la CNUCED. Ce constat se base essentiellement sur la baisse de la demande en provenance des principaux pays partenaires du Maroc et qui n'encourageait nullement une amélioration de la production locale. Des mesures pour rebondir Par ailleurs, le rapport de la CNUCED recense également un nombre de mesures prises par les différents gouvernements des pays en marge de la crise et qui devaient servir à favoriser l'attrait des IDE. Pour le cas du Maroc, «la baisse de l'impôt sur les sociétés a constitué un argument de taille pour attirer les investisseurs», note Nicole Moussa. Ceci s'ajoute aux différents atouts dont jouit historiquement le pays. Ainsi, l'économiste de la CNUCED recommande de capitaliser sur les coûts réduits dans la production et la main d'oeuvre, finalement assez qualifiée, mais qui doit néanmoins être formée d'avantage, afin d'inciter les étrangers à implanter leurs unités de production au Maroc. Le rapport de la CNUCED insistant sur la nécessité de baser la croissance économique sur les projets à faible intensité de carbone, la représentante des nations unies a rappelé dans son intervention que «le Maroc dispose d'un potentiel important pour attirer les investissements propres, notamment en matière de production de l'électricité à base du solaire ou encore de l'éolienne». Ceci étant, ce potentiel a toujours été sous-exploité, et le Maroc commence à peine à s'y intéresser. Quand l'Afrique domine le monde «La contraction des IDE en 2009 a été moindre en Afrique grâce à de nouveaux investisseurs». C'est ainsi que titre le World Investment Report de la CNUCED, dans son chapitre réservé à l'Afrique. Certes, après presqu'une décennie de croissance ininterrompue, les flux d'investissements étrangers direct vers l'Afrique ont diminué de 19% en 2009, à 59 milliards de dollars. Cependant, ce repli reste inférieur aux autres régions du monde, à l'exception de certains recoins de l'Asie, les autres parties du globe affichent des baisses plus soutenues. Selon l'analyse de la CNUCED, cette performance est due à l'amélioration des conditions économiques et financières globales dans la région, ainsi qu'à la bonne santé des économies émergentes d'Asie qui deviennent progressivement d'importants investisseurs en Afrique. C'est d'ailleurs, ces deux critères qui poussent la CNUCED à prévoir une reprise des flux des IDE. Ainsi, les flux des IDE en Afrique se redresseront progressivement dans l'avenir, au fur et à mesure que la conjoncture économique et mondiale s'améliorera, et que les prix des matières premières rebondiront, peut-on lire dans le rapport. Par ailleurs, le rapport de la CNUCED note que durant ces deux dernières années, certains pays du continent ont introduit de nouvelles mesures réglementaires afin de promouvoir l'investissement étranger, notamment en abaissant les impôts sur les sociétés (le Ghana et le Maroc, par exemple), et en améliorant leur environnement global des affaires (le Rwanda et la Lybie). En revanche, d'autres pays ont évolué vers un cadre réglementaire plus strict en introduisant de nouvelles exigences en contenu local, comme le Nigeria, ou en introduisant de nouvelles limitations concernant le droit des firmes étrangères à la propriété d'actifs locaux, à l'image de l'Algérie.