Le projet de rocade lancé en 1997 pour relier Tanger via la route côtière à l'oriental existait déjà sous une forme primaire raccordant Tanger à Tétouan. De Tanger à Ksar Seghir, sur quelque 35 km, ce début de rocade s'appelait la route des contrebandiers. C'était l'une des voies d'entrée des milliers de marchandises introduites de l'enclave espagnole pour approvisionner les marchés de Tanger, mais aussi ceux de Ksar El Kébir. Une importante plate-forme de stockage et de distribution vers les villes du Centre et du Sud du pays. D'une largeur de près de 5 mètres, dans le meilleur des cas et selon les trançons, la route devait régiulièrement être remise à neuf, notamment après les périodes de pluies. Et c'est, justement, de là que les projets d'investissement et d'infrastructures allaient germer , il y a une dizaine d'années. L'aménagement de la baie de Tanger allait être revu et les sites de Ghandori et du cap Malabata aménagés. Dans le même temps, tandis que le projet de la Tanger Free Zone était relancé en 2000, le port de Tanger-Med devait être localisé vers Oued Rmel quelques kilomètres au-delà de Ksar Seghir, au pied du Jebel Moussa. Le projet de rocade était en marche et on savait que le futur Maroc méditerranéen aurait un visage différent au XXIe siècle. L'investissement prenait le chemin du Nord, de la Méditerranée et de l'Oriental. Infrastructures, Industrie, tourisme et immobilier Aujourd'hui, non seulement la rocade relie Tanger à Ksar Seghir puis à Tétouan et à Oued Laou, mais après avoir traversé le chantier de la section séparant Oued Laou de Jebha, qui s'étend sur près de 80 km, la route continue vers Al Hoceima, Nador et Saïdia. À la rocade s'est ajoutée une double voie par l'intérieur entre Tanger et Tétouan, puis l'arrivée du réseau autoroutier jusqu'à Tanger d'abord, à Ksar Seghir et Oued Rmel et au port de Tanger-Med ensuite. Au cours des dix dernières années, la région de Tanger-Tétouan, et principalement les provinces de Tanger, Fahs-Anjra et Tétouan, a connu la plus forte croissance de l'ensemble des 16 régions du Maroc, même plus que celles de Casablanca, de Marrakech ou d'Agadir. Les retards à rattraper et les déficits à combler étaient énormes après des décennies d'oubli. Quoi de plus logique pour une région du Royaume tournée vers la Méditerranée et l'Europe. Des espaces naturels de développement de l'économie et des exportations marocaines, des espaces qui accueillent près de 3 millions de nationaux, avec le plus souvent des liens avec le Nord du pays, surtout en ce qui concerne les Marocains d'Espagne et du Bénélux et dans une moindre mesure, ceux de France. Aujourd'hui, les plus importantes entreprises marocaines disposent d'investissements sur la côte qui relie Tanger à Tétouan. Les aménageurs et les promoteurs immobiliers tels que la CGI, MedZ, Addoha ou Palmeraie Développement disposent de projets au sud de Tanger, à Tanger même, sur la côte de Tétouan qui, après l'époque des projets de Kabila, Cabo Negro et Restinga Smir était au bord de la saturation. Sur le plan industriel, si Tanger et sa région avaient réussi tant bien que que mal à drainer des investissements sur l'unique zone industrielle de Moghogha jusqu'à il y a dix ans, cette ère est, à présent, révolue. De la Sonasid à Renault, en passant par Yazaki ou les textiliens d'Inditex ou d'Abanderado, les investisseurs ont vu l'importance qu'il y avait à se positionner sur ces nouvelles frontières du business marocain. Le long de la rocade qui mène de Tanger vers Oued Laou, les transports se sont développés, les plans pour des villes nouvelles ont été tracés, des hôtels et des maisons d'hôtes germent à vue d'oeil et on trouve même des restaurants gastronomiques en pleine campagne, avec vue sur la Méditerranée et la côte espagnole de Tarifa, entre Ksar Seghir et Fnideq. L'objectif de la rocade et des autres investissements en infrastructures qui l'accompagnent est d'abord de développer la région et d'attirer des investisseurs étrangers. Mais il s'agit aussi de casser cette image de contrebande, de trafic de drogue et d'émigration clandestine qui a collé à la région. Durant des décennies, le destin d'un jeune du nord se limitait à ce tryptique. Avec un réseau de communication aléatoire et des services publics réduits au sécuritaire, un «Chamali» des classes populaires avait le choix entre gagner sa vie dans la contrebande, le trafic ou le «hrig» pour aller trouver un job en Espagne ou ailleurs en Europe. Le projet de rocade et le focus sur le développement du Nord constituaient dès le départ un message signifiant que la volonté existait pour donner un futur différent, digne, un futur de travail au Nord et à ses jeunes. Aujourd'hui les chantiers se poursuivent, la contrebande est de moins en moins viable, avec l'ouverture progressive des frontières et la culture de cannabis et les trafics qui l'accompagnent sont moins tolérés. L'impact de la rocade de Tanger à Nador, c'est de véhiculer un message de changement d'avenir, l'existence de perspectives individuelles et collectives et un message de volonté politique pour tourner la page de la marginalisation et de l'enclavement. Un regard sur les aménagements urbains réalisés à Fnideq, Mdiq ou Martil ou cours de ces dernières années en atteste. L'arrivée de la rocade à Oued Laou en la contournant et le lancement du chantier de la route qui conduit directement du port de pêche à Chaouen à 46 km de là permet de le vérifier. La rocade, c'est l'ouverture de l'Ouest marocain sur sur le Rif et l'Oriental, du Maroc vers sa façade méditerranéenne.