Faut-il tirer la sonnette d'alarme dans le secteur du tourisme pour cette année 2012 ? En tout cas, les premiers signaux qui se dégagent auprès des professionnels des principales destinations touristiques du royaume n'augurent rien de bon. Il aura en effet suffi d'un courrier transmis par les hôteliers de Marrakech, véritable locomotive du secteur au Maroc, aux autorités afin de les «sensibiliser» sur la chute de l'activité, pour faire ressurgir les craintes dans le secteur. Quelques jours après, c'est la publication des statistiques relatives au mois de janvier de la deuxième destination phare du Maroc, Agadir, qui est venue enfoncer le clou. Le secteur touristique se porte-t-il vraiment aussi mal ? Pour la Fédération nationale du tourisme (FNT), il y a baisse d'activité, mais il faut la prendre avec circonspection. D'abord, parce que les deux premiers mois de l'année sont classés dans la basse saison, où l'activité tourisme est historiquement au plus bas de l'année. À cela, il faut ajouter l'exceptionnel rendement de l'exercice précédent, où le nombre d'arrivées était relativement plus important par rapport à la tendance normale. Du coup, en comparant les réalisations de ce début d'année avec celles de 2011, il est plutôt logique de constater des variations à la baisse. Des professionnels font valoir que la crise économique, dont l'impact sur l'intention de voyager des touristes des principaux pays de provenance pour le Maroc est des plus incertains pour 2012, fait craindre le pire. De plus, 2012 semble inscrire l'économie européenne dans un trend de croissance très lente, avec de fortes inquiétudes sur un certain nombre de pays du vieux continent, tels que l'Italie et l'Espagne. Un récent sondage publié en France confirme ce constat. La moitié des Français, jusque là principal marché pour le tourisme au Maroc, ne semblent pas très enthousiastes pour les voyages à l'étranger en 2012. Un douzième de ceux-ci seulement comptent voyager au Maroc. Au même moment, la stratégie de diversification des marchés qu'a entamée le Maroc depuis quelques années n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière, pour compenser la baisse des marchés historiques. À cela, il faut également ajouter des perspectives moins prometteuses pour le secteur du tourisme à l'échelle de la région Afrique du Nord, comparativement aux autres régions du monde. De l'avis même de la FNT, quoique les perspectives mondiales de croissance pour le tourisme sont chiffrées à 6%, la région risque de connaître une tendance nettement moins prolifique. Pour contrecarrer le risque de toute mauvaise surprise, on parle déjà dans les coulisses de la mise en place d'une cellule à laquelle participe le ministère de tutelle et qui se charge d'élaborer des scénarios de contre-attaque, au cas où le trend observé durant ce début d'année se maintient au-delà du mois de mars prochain. Là encore, campagne de promotion et de marketing à l'étranger et poursuite de la redynamisation du tourisme interne seront déployés. En parallèle, le nouveau ministre du Tourisme aurait déjà entamé un cycle de rencontres avec les professionnels pour partager sa vision au lendemain de sa nomination et tendre l'oreille aux attentes des professionnels Alerte rouge à Marrakech C'est incontestablement le véritable baromètre du secteur touristique. La cité ocre a d'ores et déjà lancé des signaux peu rassurants sur la santé du secteur en ce début d'année. Les professionnels de l'industrie hôtelière ont transmis aux autorités «un courrier de sensibilisation et d'information sur la sévérité de la baisse de la demande et son impact sur l'exploitation des unités». Ils se sont empressés de préciser qu'il ne s'agissait pas de craintes de dépôt de bilan, mais juste de prévenir quant à l'état actuel des choses, pour mettre en place les mesures à même de redresser la barre. Néanmoins, force est de constater que les remarques formulées laissent présager un exercice 2012 assez délicat pour le tourisme à Marrakech. L'environnement international marqué par une forte récession pénalisant le secteur du loisir et des voyages ne manque pas d'inquiéter, même dans la ville ocre, qui a longtemps rivalisé avec les plus grandes destinations touristiques mondiales. Ensuite, si Marrakech a globalement su tirer son épingle du jeu en 2011, malgré le contexte géopolitique de la région, il existe aujourd'hui des risques pour qu'elle soit pénalisée par la chute de l'attractivité globale de la région, où on prédit une croissance nettement moins forte que dans le reste du monde. C'est dans ce sens d'ailleurs que les professionnels de l'hôtellerie à Marrakech prévoient une baisse de la fréquentation pour le reste de l'année, vraisemblablement plus forte que celle de 2011, sans omettre la tendance baissière en nombre de nuitées qu'affiche la ville ocre et qui se chiffrerait selon les professionnels aux alentours de 10%, à fin 2011. Essaouira tente de réagir À l'instar de Marrakech, le tourisme d'Essaouira connaît également des moments difficiles. En fin de semaine écoulée, le ministre de tutelle tenait une réunion avec des professionnels pour faire le point sur la conjoncture sectorielle dans la ville, en ce début d'année. La destination sera ainsi prise en main, du moins c'est ce sur quoi se sont engagées les parties prenantes à cette réunion. Du côté du ministère, on s'engage à mettre en exergue les potentialités de la ville en misant, en parallèle, sur la sensibilisation du tourisme informel afin de l'intégrer dans le circuit officiel. Le renforcement de la desserte aérienne avec des vols internationaux, et la mise en place de stratégies locales de développement qui prennent en considération les spécificités de cette destination sont autant de solutions proposées par Lahcen Haddad, à même de permettre à la station Essaouira de surmonter ces temps difficiles. Agadir subit Marrakech n'aura cette fois-ci rien à envier à sa concurrente, Agadir. La capitale du Souss, seule grande destination pour laquelle des chiffres mis à jour sont disponibles, annonce déjà le ton de ce que sera l'année 2012 pour le tourisme. Le Conseil régional du tourisme fait en effet savoir que les flux de touristes ont reculé une nouvelle fois pour se situer à 19,93% en termes d'arrivées et 23,36% en nuitées, à fin janvier dernier. Cette régression s'ajoute ainsi à celle enregistrée durant l'année écoulée, qui présentait déjà la menace d'une longue récession sur le marché touristique. La situation risque même de s'aggraver si la crise persiste, et elle aura un impact négatif sur l'économie locale et sur les emplois. À en croire les chiffres avancés par le Conseil régional du tourisme (CRT), la destination perdra à elle seule près de 1,4 milliard de DH de recettes touristiques. C'est pourquoi un appel à la mobilisation a été lancé, ces derniers jours, par le CRT pour maximiser les efforts afin d'atténuer cette situation de marasme. En outre, il ressort des chiffres cumulés par les établissements classés d'Agadir en janvier que seulement 48.360 touristes ont ainsi séjourné à Agadir, contre 60.409 pour la même période de l'année écoulée. La même tendance est affichée pour les nuitées. Le nombre a régressé de 347.902 en 2011 à 266.633 en 2012. Cela s'est répercuté sur la durée moyenne de séjour, avec une légère baisse de 0,25 et un recul de l'ordre de 22,39% en taux d'occupation. S'agissant des flux touristiques, la baisse a touché des marchés émetteurs importants. Respectivement, ce sont les Italiens qui viennent en tête des flux en baisse, suivis des marchés nationaux, scandinave, français, britannique, belge et allemand. D'autres ont par contre affiché des résultats positifs. Il s'agit des marchés saoudien, polonais, russe et espagnol. Tanger, l'alternative événementielle Si l'on doit mesurer la santé du secteur touristique dans le royaume, ce n'est certainement pas vers le nord que l'on doit se tourner. La principale raison en est que la région a principalement une vocation balnéaire et donc ne vit du tourisme qu'en période estivale. Néanmoins, la tendance dans la ville de Tanger démontre un certain intérêt pour reconvertir la ville en une destination pour le tourisme événementiel. Pour beaucoup d'opérateurs tangérois, il est difficile de maintenir le cap de la rentabilité en ne comptant plus que sur le tourisme estival, d'autant plus que celui-ci souffre aujourd'hui du manque de dynamisme que connaît le plan Azur. C'est ce qui pousse les opérateurs, notamment hôteliers, à revoir leur business. Tanjazz, Festival du Film, Medays... sont autant d'événements sur lesquels capitalise aujourd'hui la ville pour se repositionner sur l'échiquier touristique national. Le seul hic est que la capacité litière de la ville est jugée insuffisante. Du coup, l'intérêt est porté désormais sur l'encouragement de l'investissement dans le secteur hôtelier. L'enjeu pour les professionnels locaux est de doter la ville de la capacité litière adéquate pour, d'un côté, faire entrer la destination dans le calendrier des plus grands tour-opérateurs internationaux, mais aussi de lui permettre d'attirer l'organisation de davantage de manifestations. Cette ambition ne pourra cependant pas se concrétiser du jour au lendemain pour soutenir l'activité touristique en cette année 2012 assez délicate. Les opérateurs de la région devront certainement prendre leur mal en patience, en attendant la concrétisation de la «révolution touristique». Ouarzazate et l'effet domino Industrie cinématographique au ralenti, vague de froid et, surtout, enclavement risquent finalement «d'avoir la peau» du tourisme à Ouarzazate. Cette ville au charme si particulier vit en effet des temps difficiles, depuis que les tournages de grands films se font rares. Comme cela a été rapporté dans notre édition du 10 février, l'industrie cinématographique de la ville connaît une crise sans précédent. Or, historiquement, ce secteur a longtemps été un grand pourvoyeur de touristes dans la ville, contribuant fortement au taux de remplissage des hôtels de la ville en période de tournage, et ramenant des touristes pour des visites de studios post-tournage et sorties de films. Désormais, il n'en est plus de même et le tourisme à Ouarzazatze ne peut plus compter sur la contribution ciné-tourisme. De plus, la vague de froid que connaît le royaume depuis plusieurs semaines réduit le charme d'une ville qui a longtemps séduit les étrangers par son climat et son soleil, même en plein hiver. Ceci étant, ces deux facteurs ne sont pas pour inquiéter les opérateurs touristiques de la ville, autant que l'enclavement dans lequel elle se retrouve depuis le début de l'année. Déjà confrontée à une liaison routière délicate qui rend l'accès à la ville des plus difficiles, Ouarzazate a également connu en ce début d'année la réduction du nombre de vols desservant cette destination. La RAM a décidé depuis le début de l'année la suspension «temporaire» de la desserte aérienne Agadir-Ouarzazate, en raison de son manque de rentabilité. Or, Agadir et Marrakech sont considérés par les professionnels du secteur comme une véritable source de touristes pour la ville, grâce notamment à la commercialisation des circuits de voyage incluant Ouarzazate. Dans le même sens, tant que ces deux villes continuent à subir la baisse de leur activité touristique, il est des plus logiques que Ouarzazate en subisse également l'impact. Du coup, plusieurs sources parlent aujourd'hui de plusieurs fermetures d'hôtels dans la ville, notamment les petites structures en mal de ressources financières. Pis, d'après des professionnels, les voyagistes seraient même en train de lever le pied sur la destination, pour manque de rentabilité. El Jadida, merci Mazagan ! Le tourisme à El Jadida est sauvé par Mazagan. C'est en substance ce qui se dégage auprès des professionnels du secteur dans la région. Cette dernière qui s'appuie principalement sur le tourisme interne en saison estivale doit son salut au site de Mazagan pour limiter la casse que connaît le secteur du tourisme dans plusieurs autres régions du royaume. Ceci étant, si le potentiel de la région n'est pas remis en cause, comme en témoignent les investissements du groupe Accor qui s'y multiplient, il faut dire que les autres opérateurs sont en attente de la haute saison pour se prononcer sur les performances du secteur pour l'année 2012. Fès perd ses étrangers La ville dont le tourisme est particulièrement orienté vers les étrangers doit faire face à l'impact de la conjoncture internationale sur les budgets dédiés par les touristes aux voyages. C'est d'ailleurs la raison qui explique la participation du directeur du Conseil régional du tourisme de la capitale spirituelle à la réunion tenue avec le nouveau ministre du Tourisme et les professionnels du secteur d'autres régions. L'objectif est de faire le point sur la situation critique que vit le secteur et de transmettre les doléances au ministre, pour inciter la tutelle à soutenir le secteur dans la ville. Rappelons qu'en 2011 déjà, le tourisme à Fès ne connaissait pas ses plus beaux jours. La ville affichait en effet le plus fort taux de baisse en termes de nuitées, soit un peu plus de 20%. Chiffres actualisés au compte-goutte Pour l'heure, il est difficile d'établir une mesure chiffrée du secteur du tourisme, tellement les données se font rares. Ni au niveau du ministère, ni à celui de l'Observatoire du tourisme, les données ne sont encore mises à jour. Chez les deux entités, les statistiques semble s'être arrêtées au mois d'octobre dernier, où le secteur du tourisme affichait toujours une hausse de 2% des arrivées aux postes frontières, pour une baisse des nuitées de l'ordre 6%. Au niveau de la FNT, si on se contente de reprendre les mêmes chiffres «officiels», on fait néanmoins savoir que l'année 2011 a été clôturée, selon des estimations provisoires, sur une performance positive du nombre des arrivées. Il faut donc se tourner vers certains Conseils régionaux du tourisme, à l'image de celui d'Agadir, pour pouvoir disposer de données chiffrées du secteur. Ce dernier est en effet l'une des rares entités à publier quelques jours à peine au terme d'un mois, les réalisations du secteur.