27% des assurés AMO n'ont pas confiance en leur couverture. Quelle lecture peut-on faire de ce chiffre. Est-ce positif ou alarmant ? Jaâfar Heikel : Je pense qu'il est important d'analyser ce chiffre selon le dénominateur populationnel qui est à la base de son calcul. Tout d'abord, il faut savoir que la majorité des assurés ne connaissent pas leurs droits au sens des prestations sanitaires offertes par l'AMO, et c'est ma véritable inquiétude. Ainsi, si les 27% sont calculés à partir de l'ensemble des assurés AMO alors ce pourcentage n'a pas de signification pratique et n'est pas utile pour la planification. Mais, si les 27% sont calculés à partir de ceux ayant expérimenté les prestations offertes dans le cadre de l'AMO, ce chiffre est inquiétant. Il témoignerait d'une déception vis-à-vis, soit de la palette de prestations offertes, soit de qualité des prestations offertes ou encore des modalités administratives de prise en charge et de remboursement. Les assurances privées continuent à enregistrer des résultats meilleurs que l'AMO en terme de transparence et d'efficacité. Est-ce seulement dû à des difficultés liées au démarrage ? Je ne suis pas certain que ce soient les indicateurs de mesure les plus appropriés pour comparer les assurances privées et les gestionnaire de l'AMO que sont la CNSS et la CNOPS. Ce qui est certain, c'est qu'au même titre qu'il arrive que nous soyons confrontés à une médecine à différentes vitesses, il y a un risque que nous ayons une assurance maladie à différentes performances. Je dirais que l'AMO n'est pas encore aussi efficiente que les couvertures médicales privées en terme de panier de soins et de remboursements des médicaments, mais qu'elle tout aussi efficace, sinon plus quant à son principe, ses priorités de santé et la taille de sa cible. Je pense qu'il faut donner un coup de pouce à l'AMO ou la repositionner et la booster pour qu'elle puisse répondre aux besoins de santé et à la demande de la population et des patients. Selon une enquête de la fédération des assurances, les assurés auprès des compagnies privées souhaitent bénéficier d'un délai supplémentaire de 5 ans avant de basculer chez l'AMO. La CNSS peut-elle s'y plier ? Quel en serait l'impact sur la Caisse ? Il est important de noter que ce sont les entreprises qui souhaitent bénéficier d'un délai supplémentaire et non les salariés. L'explication vient du fait qu'elles considèrent que l'AMO présente trois insuffisances: un panier de soins restreint, une couverture absente pour les soins dentaires, un remboursement de seulement 50% des spécialités médicamenteuses (2500/5000 spécialités). Mais en fait, leur réticence majeure vient du fait qu'elles vont devoir payer une assurance complémentaire à leurs salariés, dès lors qu'elles basculeront vers l'AMO. En effet, l'assurance maladie est considérée comme un avantage social acquis, et il sera difficile aux entreprises de n'offrir aux salariés que l'AMO (ce qui, par ailleurs, leur ferait une économie par rapport aux frais payés pour une assurance privée). Si les entreprises basculent vers l'AMO, cela se traduira par une nouvelle manne financière très importante pour la CNSS mais, avec comme corollaire, une augmentation du nombre d'ayant droits et, comme obligation, de répondre de manière optimale à leur besoins. Entre temps, la CNSS devra s'organiser pour, effectivement, couvrir les soins ambulatoires, tel que décidé lors du conseil d'administration de mars dernier, et aussi s'organiser pour ne plus gérer en direct ses polycliniques tel que l'exige la loi instituant la couverture médicale de base au Maroc.