Quand le système bancaire éternue, c'est toute l'économie des PME qui s'enrhume. Un constat qui se dégage, deux ans après que le fléau de la sous-liquidité ait touché le système monétaire marocain, et encore... la tendance risque d'empirer. Ce n'est plus un secret, l'assèchement de liquidité dont souffre le secteur bancaire se s'aggrave de plus en plus. Les efforts de la Banque centrale, qui a fait passer le taux de la réserve obligatoire de 16,5% à 6% en l'espace de 12 mois afin de soulager les trésoreries bancaires, n'ont pas permis de trouver une solution pérenne à ce déficit. Aujourd'hui, Bank-Al Maghrib se voit dans l'obligation d'injecter massivement des liquidités à travers les avances à 7 jours. Ces injections atteignent des proportions inquiétantes, comme en atteste la dernière opération qui a porté sur 28 MMDH, alors qu'il a a à peine quelque mois, les interventions de BAM se limitaient à 14 MMDH, en moyenne. «Bank Al-Maghrib injectera autant de liquidité qu'il le faudra», insiste Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale, à chaque fois que la question lui est posée. Cependant, cela devient moins rassurant au vu de la conjoncture actuelle. «Les trésoreries bancaires devraient continuer à se dégrader, eu égard aux répercussions de la crise économique qui arrivent en retard», déclare un professionnel. En effet, les principales sources de cash du pays se font plus rares. Les recettes des MRE se sont amoindries depuis le déclenchement de la crise et les investissements étrangers se sont considérablement retractés passant de 12 MMDH sur les cinq premiers mois de 2009 à 8 MMDH en 2010. Etat de fait Dans ces conditions, c'est toute l'économie marocaine qui subit cet assèchement de liquidités. Le secteur bancaire, censé être la première source de financement, peinant à remplir pleinement son rôle. Et pour cause, les institutionnels, avec les banques en première ligne, sont plus tournés vers les dettes obligataires, ce qui est pour évincer les PME du circuit de financement. Dans le lot, les PME sont les plus touchées, contrairement aux grands groupes, qui peuvent toujours se rabattre sur le marché de la dette privée. «Les PME qui constituent 95% du tissu économique national peinent à se financer», déplore Hammad Kassal, économiste et ancien responsable de la commission PME de la CGEM. De surcroit, l'Etat multiplie les émissions des BTDT, accélérant ainsi le processus. Dans ce contexte, ces éléments sont pour produire «un effet d'éviction pour les PME/PMI qui n'arrivent plus à faire le poids devant les grandes entreprises et le Trésor», ajoute notre économiste. En effet, plusieurs patrons regrettent que les banques et autres bailleurs de fond soient plus que jamais réticents envers les PME marocaines. D'autant plus que les émissions obligataires et celles du Trésor paraissent, aujourd'hui, comme une alternative moins risquées et, de fait, pompent ce qui reste de cash disponible dans le circuit. Une situation qui n'est pas prête de s'estomper. Les analystes rapportent, en effet, que plusieurs grandes entreprises continuent d'afficher leur intention de recourir au marché obligataire pour financer leurs plans de développement, tandis que le Trésor s'est fixé comme objectif, dans son plan d'action, de «renforcer la régularité de ses émissions sur le marché primaire», explique-t-on. Pis encore, le «caissier de l'Etat» a fait un retour tonitruant sur les levées de fonds à long terme et «compte revenir, au cours de l'année 2010, sur l'ensemble des maturités», peut-on lire dans un récent rapport de la direction du Trésor. C'est dire que même la mobilisation de fonds se fera, désormais, sur des périodes beaucoup plus longues. En réaction, des voix commencent déjà à s'élever parmi les PME pour reprocher aux grandes institutions d'absorber tout le cash disponible sur le circuit monétaire. «Les répercussions se font déjà sentir et s'illustrent essentiellement dans l'encours des créances impayées qui s'est inscrit en forte progression ainsi que des délais de paiement des fournisseurs qui peuvent atteindre désormais les 180 jours», ajoute H. Kessal. Les patrons des PME tirent, donc, la sonnette d'alarme, précisant qu'il faudrait envisager des plafonnement pour les recours de l'Etat aux investisseurs nationaux afin de laisser une chance au PME de s'assurer leur financement. Plusieurs parmi eux, appellent, aussi à repenser le tissu économique marocain afin d'introduire des réformes structurelles qui mettront en adéquation les caractéristiques du modèle économique marocain avec leur contribution à la création des richesses. Un benchmark s'impose, donc, pour déceler les canaux à mettre en place pour garantir aux PME un accès dédié au financement. Le trésor veut renforcer la liquidité de ses titres Historiquement, les valeurs du Trésor ont toujours attiré les investisseurs, notamment ceux privilégiant les placements sûrs. Cet attrait risque bel et bien de s'accroître au vu des mesures que devrait introduire la direction de Fouzia Zaâboul. En effet, le plan d'action du Trésor réserve tout un chapitre au renforcement de la liquidité des BDT à travers, notamment, la création de lignes benchmarks, la mise en place d'un système de cotation et la mise en place de mesures d'accompagnement pour favoriser la cotation des valeurs du Trésor. Cet objectif, une fois atteint, contribuera à toucher une plus large cible d'investisseurs et, partant, à absorber encore plus de cash sur le marché.