Pour sa première participation aux élections du Conseil français du culte musulman organisées les 10 et 17 novembre, l'Union des mosquées de France a largement remporté le scrutin, signant un retour permettant de restructurer cet organe qui fait face aux critiques en raison de son manque de représentativité. Créé en 2003 sous l'impulsion de l'Etat français, le CFCM demeure son interlocuteur privilégié sur le culte musulman. Pourtant, cet organe est souvent au centre de critiques pour son manque de représentativité et son système de cooptation qui permet à des fédérations de siéger en son Conseil d'administration, alors qu'elles n'ont pratiquement plus le soutien du corps électoral. Conformément au nouveau statut adopté par le CFCM en avril dernier, désormais 50% des membres de cette structure n'ont plus besoin d'être élus par les fidèles pour siéger. Hauman Yaakoubi, le secrétaire général de l'UMF, confie ses impressions sur les enjeux de cette nouvelle donne qui relève d'un chamboulement profond de la Maison Islam de France. «Pour l'UMF, qui fait un retour en force avec 19 élus et zéro coopté, l'enjeu est de réformer le CFCM de façon significative pour qu'il puisse se donner les moyens humains et matériels de sortir de son immobilisme et de s'attaquer enfin aux vrais problèmes de l'islam et des musulmans en France qui sont identifiés et connus de tous», a déclaré Hauman Yaakoubi, avant d'ajouter que «les musulmans de France ont droit à une vraie représentativité démocratique issue des urnes et non à des cooptations et des auto-désignations». Pour le SG de l'UMF, la réforme des CFCM doit obligatoirement tourner le dos aux considérations politiques qui consistent à ménager les susceptibilités des uns et des autres, «il y a lieu de rendre la parole aux musulmans Français qui s'exprimeront par vote. Ils le méritent bien, c'est leur droit», estime-t-il. «Le CFCM ne peut pas répondre aux vœux du président Macron préconisant de «faire table rase», en finir avec le système des cooptations qui permet à des fédérations qui ont zéro élu ou un seul élu de siéger quand même avec 10 membre au C.A. puisqu'ils ont le droit de coopter 9 sièges». Pour Yaakoubi, il n'y a pas de secret, «pour réformer le CFCM il faut le démocratiser en rendant la parole aux musulmans de base. Seules des élections libres et démocratiques sont de nature à rapprocher le CFCM de sa base qui disposera de son droit de choisir ses représentants et de les sanctionner s'ils ne répondent plus à ses attentes, les musulmans n'en peuvent plus de se voir imposer des dirigeants dont ils ne veulent pas», estime-t-il. Invité à s'exprimer sur le débat actuel en France sur l'Islam, et son instrumentalisation par des médias et des partis politiques, le SG de l'UMF est allé droit au but, il épingle «la misère du débat politique» dans l'Hexagone. «Pour certains dirigeants politiques en France, si l'islam n'existait pas, il fallait l'inventer surtout à l'approche des échéances électorales. La misère du débat politique, le vide au niveau de la pensée philosophique et économique, le manque d'idées pour résoudre les vrais problèmes des Français apparaissent au grand jour». Pour lui, le vrai débat consiste à résoudre «les vrais problèmes comme le chômage, la précarité, la condition des étudiants qui sont au-dessous du seuil de la misère, la paupérisation des classes moyennes, les conditions des agriculteurs et des paysans, la crise des hôpitaux, le manque de moyens de l'école et de la police, le poids des multinationales qui ne payent pas d'impôt, les réformes institutionnelles, l'état des routes, etc». Les médias aussi doivent s'emparer de ces vrais problèmes et d'en débattre, a-t-il affirmé. Il regrette qu'«à chaque fois que des élections approchent, tous les hommes politiques font du coude à coude devant les médias pour défendre la laïcité qui est, selon eux, menacée par l'islam et les musulmans ou pour dénoncer le port de signes ostentatoires». «Nous leur disons avec insistance que l'islam est compatible avec la laïcité et les lois de la République, que les musulmans sont des fervents défenseurs d'une loi qui leur garantit le libre exercice de leur culte, le droit de croire ou de ne pas croire, le droit de s'afficher ou de ne pas s'afficher. Mais il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre». Concernant les manifestations contre l'islamophobie, comme celles du dimanche 10 novembre, le SG de l'UMF a affirmé que «les Français musulmans sont des Français comme les autres et ils ont tout à fait le droit de manifester et de revendiquer. Tout ce qu'ils demandent c'est qu'on les laisse tranquilles et de ne pas les impliquer malgré eux dans un débat politique à somme nulle». «Le 10 novembre, ils ont manifesté dans le calme et la bonne humeur apportant une des réponses au climat islamophobe pesant. Sur ce point précis, les Français musulmans aimeraient que la loi traite l'islamophobie comme elle traite les autres...phobies». En ce qui concerne le rôle des mosquées de France et leurs préposés pour lever l'amalgame entre islam et terrorisme, le SG de l'UMF a fait savoir que les mosquées ont toujours été et elles seront toujours en première ligne pour lutter contre les amalgames qui sont faits entre l'islam et le terrorisme. «Pour ne parler que des mosquées de l'UMF, dont nous sommes responsables, elles sont sur tous les fronts. Dans le cadre des activités de l'UMF, nous avons organisé des journées d'étude sur l'extrémisme et ses déterminants, ses causes, ses effets tant sur la France que sur les musulmans et l'islam. Nous avons mis en place des journées d'études sur la laïcité, le jihad et sur le vivre-ensemble. Tous les imams de l'Hexagone ainsi qu'un large public jeune et moins jeune ont été conviés à la mosquée d'Evry. Le succès de l'action était tel qu'il nous a été demandé d'organiser ces journées d'études dans toute la France, ce que nous avons fait avec un impact considérable» s'est-il félicité. «Nous avons proclamé haut et fort que l'islam est innocent de tout ce qui est terrorisme commis en son nom par des ignorants. Nous avons aussi clamé que les musulmans de France ne sont pas plus comptables des actes de quelques brebis galeuses parmi eux, que d'autres des Brigades rouges, d'Action directe, d'ETA et autre FLNC. Toutes nos mosquées sont vigilantes à ce qui se passe autour d'elles et y apportent des réponses», a soutenu le SG de l'UMF.