Abdelali Amer, Alias «Boussama» (le tueur à la pierre) s'en prenait à des gens qui étaient, comme lui, sans abri, son mode opératoire a fait que ses crimes ont longtemps été pris pour des morts accidentelles, ce qui lui a permis d'atteindre le chiffre record de 14 victimes. Abdelali Amer est né en 1961 dans une famille de classe moyenne, il perd ses parents alors qu'il est adolescent, une fois la vingtaine atteinte, il s'engage dans l'armée, mais est révoqué aussitôt à cause de son tempérament violent. Commence donc une série d'incarcérations et d'ennuis avec la justice. Agressions, séquestrations, viol, vol qualifié, coups et blessures,... Abdelali multiplie les passages en prison. Ses autres frères et sœurs prennent peu à peu leur distance de lui. Se derniers vivent en Europe et ont des situations sociales stables, seule une sœur plus âgée s'occupe de lui, entre ses différents séjours en prison. Suite à une énième libération, après une de ses incarcérations, Abdelali Amer découvre que la maison familiale a été vendue sans qu'aucune part du modeste héritage ne lui soit versée. Après le décès de l'unique sœur sur laquelle il pouvait compter, l'homme se retrouve livré à lui-même et vit donc à la rue. C'est en cette période que commence son «activité» de serial killer. Il tue d'autres sans-abri comme lui, dans le but de les dépouiller de leur maigre pécule, tout ça pour pouvoir se payer du mauvais vin. «Pour oublier», avait-il déclaré aux enquêteurs qui l'interrogeaient sur le motif de ses crimes, «oublier à quel point je hais le monde, et mes frères et sœurs avant tout. Ce sont eux que j'aurais tués en premier si j'avais pu les avoir sous la main», avoue-t-il. La première victime est découverte sur les rives du fleuve Bouregreg en octobre 2004, dans le district de Sidi Boussadra. C'est un homme adulte. Les vêtements, la présence de bouteilles d'alcool près du corps, la position même de ce dernier ainsi que la localisation des blessures poussent les enquêteurs à conclure à une mort accidentelle suite à un traumatisme crânien, confirmée par le rapport du médecin légiste l'affaire est vite classée sans suite. Douze victimes plus tard, l'extraordinaire «coïncidence» ne fait toujours pas mouche même si le chiffre inquiète et que les victimes sont systématiquement dépouillées de ce qu'ils possèdent. Le vol n'est pas retenu comme mobile du meurtre, pas plus que n'est retenu le mot meurtre dans le cadre de ces affaires. En dix mois, les cadavres des victimes d'Abdelali commencent à joncher le sol un peu partout entre Salé, Rabat et l'arrière-pays. Quatorze corps ont été découverts en cette période, raidis par la mort et un coup de pierre sur le crâne sans qu'aucun lien ne soit fait entre eux. Des fois, les victimes ne sont pas «exclusivement» des sans-abris. On y compte une femme âgée dont le corps sera retrouvé près d'un centre commercial et dont l'expertise médico-légale révèle qu'elle a été violée post-mortem. Il y a également le cas d'un commerçant du marché de gros de Rabat dont la disparition a immédiatement été signalée par la famille. Les commerçants sortent souvent se reposer sur les rivages près du marché dans leur tenue de travail salie par la journée passée. Son aspect vestimentaire a dû induire le meurtrier en erreur, il passait aussi pour un sans-abri. On ne va comprendre qu'il s'agit d'une affaire de meurtres en série qu'à la découverte du corps de la dernière victime. Fin juillet 2005, un autre cadavre est découvert sur le littoral dans le quartier d'El Akkari. Même scène de crime : un rivage, des rochers, un vagabond retrouvé mort... Cette fois-ci, un détail écarte définitivement l'hypothèse d'un accident et conforte ceux dont l'instinct laissait présager de l'existence d'une responsabilité étrangère aux morts précédentes. Le corps est en effet couché, la tête sur un rocher, mais la blessure donne cette fois-ci vers le ciel et non vers le sol. C'est un meurtre et les investigations commencent. Dans les quartiers touchés par les meurtres, personne n'a jamais cru à la thèse des «morts accidentelles suite à un traumatisme crânien». La population a même trouvé un nom au boucher du rivage : «Bouhajra» ou «Bousamma», donné pour cause du mode opératoire du tueur, qui abat ses victimes d'un coup de pierre sur la tête. Quatre victimes de ses agressions ont réussi à en réchapper mais ne se sont jamais rendu à la police pour déposer plainte. Les deux témoins ont été retrouvés ensuite. Ils donneront le signalement exact du criminel qu'ils savent être l'homme recherché avant de faire eux-mêmes l'objet d'une double accusation et d'une incarcération pour «non-assistance à personne en danger et non dénonciation d'un crime». Après ses signalements, la police se lance à la recherche du criminel dans toute la côte de Rabat-Salé, et l'embouchure du Bouregreg. La zone est quadrillée par la surveillance policière mise en place 24h sur 24. En moins de huit jours, l'homme est arrêté le 6 août 2005. Confronté aux deux témoins purgeant d'ores et déjà leur peine à la prison de Salé, il reconnaît spontanément les meurtres et conduit même les enquêteurs sur les lieux de chacun de ses crimes, «en parfaite conscience et avec une exactitude de mémoire des différentes scènes de crime qui en a stupéfait plus d'un» rapportent les enquêteurs. Abdelali Amer a été condamné à mort le 28 novembre 2005 et est emprisonné dans le couloir de la mort de la prison de Kénitra.