Le Printemps arabe a révélé une expérience inédite en Tunisie. L'émergence d'une démocratie arabe est inspirante sauf qu'elle rencontre encore quelques résistances. Ainsi, l'on constate que les prochaines élections présidentielles qui se dérouleront le mois prochain compteront plusieurs candidats. Concrètement au moins trois profils ont les faveurs des observateurs. L'actuel Premier ministre, Youssef Chahed, l'actuel ministre de la Défense, un civil, Abdelkarim Zbidi et Nabil Karoui, homme d'affaires et de médias. Sauf que vendredi dernier, un coup de théâtre venait ébranler cette jeune et encore fragile démocratie. Karoui est arrêté pour blanchiment d'argent. Sur le fond, la justice tunisienne est à la fois libre et responsable de ses actes mais sur la forme, arrêter un sérieux candidat aux présidentielles quel qu'il soit à un mois du scrutin est assimilé à une entrave à la liberté de se porter candidat car dans certaines circonstances, la forme compte beaucoup. Il sera très difficile au gouvernement tunisien de convaincre le monde que cette interpellation s'inscrit dans le cadre d'une démarche judiciaire somme toute normale. L'élimination d'un fort candidat en dehors des candidats du gouvernement porte un coup dur à la crédibilité d'un scrutin très attendu sur le plan international. La Tunisie étant perçue comme baromètre des régimes démocratiques post-Printemps arabe, elle ne peut donc se permettre de jeter derrière les barreaux des candidats aux présidentielles afin de les éliminer de la course. Cela nous renvoie à des régimes totalitaires pas loin du pays du Jasmin qui ne ressemblent pourtant en rien à la Tunisie d'aujourd'hui. Rappelons qu'on pourrait reprocher beaucoup de choses à Karoui, mais force est de constater que l'homme jouit d'une popularité ascendante en raison de son programme d'aides caritatives. Et c'est là, peut-être, qu'a germé l'inquiétude de ses rivaux politiques. Dommage pour cette Tunisie que nous aimons tant.