La situation du transport public par autobus de Casablanca est catastrophique. C'est le constat de la Fédération de la gauche démocratique (FGD) après la réalisation d'une étude qui expose les différentes défaillances de l'actuel modèle de gestion du transport public à Casablanca. Détails. La ville de Casablanca traîne derrière elle plus de 15 ans de défaillances concernant la gestion du transport par autobus. La situation est d'autant plus dramatique que la société délégatrice privée, M'dina Bus, a bénéficié de subventions et fonds publics de plus de 700 MDH sans pour autant fournir le minimum requis en termes de qualité et de sécurité. À croire que la mauvaise qualité de ce service public est devenue la nouvelle norme. Pourtant la création de M'dina Bus en 2004 était pour palier aux graves problèmes de gestion ayant mené à la faillite de la Régie autonome de transport de Casablanca (RATC) qui exerçait depuis 1964. Durant toute la période du contrat, le délégataire s'est ainsi limité à importer des bus d'occasion dont une partie importante appartenait à l'un de ses actionnaires (RATP). «Le délégataire a ainsi exploité des autobus sans le moindre souci de qualité, normes ou standards en la matière», s'insurge la Fédération de la gauche démocratique (FGD) lors d'une conférence organisée mardi à Casablanca. Les 18 communes composant le Grand Casablanca sont ainsi servies par seulement 75 lignes au lieu de 154 prévues par le contrat soit une couverture de 45% du réseau prévu initialement. En somme, ce sont 866 bus qui sont mis en circulation contre un engagement contractuel de 1.207 bus. Pas moins de 770 bus sont d'occasion contre l'engagement de n'avoir que des bus neufs d'un âge maximum de 7 ans dans le contrat et ce ne sont pas les moyens qui manquent. Un budget de 600 MDH a été mobilisé contre un engagement contractuel de 1,61 MMDH, soit un taux de réalisation de 37%. Une subvention de 50 MDH a été versée pour la mise en place d'une billettique qui n'a jamais vu le jour. Par ailleurs, les tarifs ont plus que doublé durant cette période alors que la société transporte chaque jour plus d'un million de passagers dans des conditions déplorables…Une situation déplorable face à l'absence de suivi et surtout d'implication de l'autorité délégante (les 18 communes) et les différentes générations d'élus communaux qui les ont composé. La FGD déplore la passivité coupable des parties prenantes responsables de la situation actuelle. «Depuis 2008 et malgré les défaillances innombrables et manifestes du gestionnaire privé (M'dina Bus), aucun comité de suivi n'a été tenu, aucune renégociation du contrat n'a été effectuée, aucune évaluation de la qualité des services…Pire, le conseil de la ville a complètement failli à sa mission d'autorité délégante en ne réalisant pas ses obligations contractuelles (exclusivité du transport promis et non réalisée, concurrence déloyale des taxis blancs dans le périmètre urbain, gestion des chantiers sur les voies publiques, de couloirs de bus, etc)», relate le parti. Ainsi ce mode de gouvernance a vite montré ces limites. Entre l'incapacité à traiter et calibrer progressivement l'offre de transport des personnes par taxis urbains et interurbains pour diminuer la concurrence vis-à-vis des bus tel que prévu par le contrat initial, le manque d'actions et de mesures destinées à lutter contre le transport informel ou encore le non respect de l'engagement de mettre fin dès l'échéance aux contrats des concessionnaires toujours actifs en 2004 (deux d'entre eux continuent d'assurer le transport par bus sans renouvellement des autorisations)…les défaillances s'enchaînent. Pour ne rien arranger, le processus de sortie du contrat de gestion déléguée actuel a été piloté par le Conseil de la ville d'une façon rocambolesque. Aujourd'hui et à 3 mois de la fin du contrat de M'dina Bus, le remplaçant n'est toujours pas connu et les bus ne sont pas commandés et plusieurs appels d'offres ont été annulés ou reportés. De plus, un rapport d'audit de la situation, commandé par le ministère de l'Intérieur et réalisé par KPMG, fait état d'un préjudice au profit de la société délégatrice de près de 4 MMDH. M'dina Bus a depuis porté l'affaire en justice. «Si le jugement se confirme, ce sera au contribuable de payer les 4 MMDH car les élus n'auront pas fait leur travail», alerte la FGD. Pour trouver une issue à cette situation chaotique, la FGD se penche sur quelques villes dans le monde (Tunis, Madrid, Berlin, Paris et Rome) qui ont opté pour une régie publique ou d'une délégation de service à une société publique gestionnaire de l'ensemble des moyens de transport plutôt qu'une délégation à une société privée «plus préoccupée par des soucis de profit». Par ailleurs, certaines villes comme le cas de Nice en 2013 ayant testé la délégation du service pendant plusieurs années sont revenues sur leur décision. Ce qui conforte la FGD dans sa position. Le parti est favorable à un retour «immédiat» de la gestion du transport public urbain de la ville de Casablanca à une entité dédiée qui donnera la priorité au bien-être des Casablancais. Cette gestion peut prendre la forme d'une nouvelle régie autonome ou personnalisée à créer c'est-à-dire via une SDL publique qui va directement gérer ce service. «Ce mode de gestion nous semble aussi le seul garant de la prise en compte de l'aspect environnemental qu'impliquent les 8 millions de déplacements quotidiens des Casablancais», souligne la FGD. Cette position engage par là même la réflexion ancrée dans notre vision de se diriger vers la gratuité du transport urbain notamment pour les écoliers, les étudiants, les personnes à mobilité réduite et les personnes âgées…«Enfin, nous demandons l'implication des usagers et des citoyens dans l'élaboration et la gestion de ce service public ainsi que dans le suivi de sa qualité par la constitution de comités locaux d'usagers à intégrer comme partie prenante à part entière dans le nouveau schéma de gestion du transport urbain», conclut le parti.