Trois jours de festivités, trois jours de bonheur et de partage qui ont fédéré le Monde à Essaouira. Rues et concerts bondés, musique à tous les coins de rue,... la 22e édition du Festival Gnaoua et musiques du monde a tenu toutes ses promesses. Coulisses d'un festival à l'âme africaine, au coeur marocain et à l'esprit «citoyen du monde» Place Hassan II. Le temps se fige, la musique commence. Le moment est d'une rare intemporalité. Si le concert ne se passait pas à Essaouira, il aurait pu se passer au coeur de la Havane ou en pleine savane africaine pendant un rituel zoulou. Telle est la magie d'Essaouira. Rassembler la magie de l'Afrique, puiser ses racines dans le monde et les offrir à un public avisé et chanceux. Une première soirée de festival qui a donné le ton à une 22e édition pleine de temps forts. Tagnaouite à l'âme africaine Pour le début des festivités, Hassan Boussou, le plus international des mâalems, a su fusionner sa musique avec celle, afro-cubaine, d'Osain Del Monte. Un concert de toute beauté où les deux groupes se sont rejoints sur les rythmes et les tempos du berceau de l'humanité. Tantôt les percussions, tantôt les danses endiablées, les instruments et les voix ont communié pour offrir un spectacle passionné. «Je ne connaissais pas la musique Gnaoua, j'avais un peu peur au départ mais lorsque nous avons commencé, j'ai pris confiance. La passion commune pour la musique et notre héritage commun ont créé cette magie de la fusion. C'était génial!», confie Adonis, directeur du groupe, percussionniste, danseur et multi-instrumentaliste. Maâlem Hassan Bassou, heureux de la fusion, explique que les répétitions, rares, se sont très bien passées et que la musique cubaine, chère à son coeur, est une musique africaine. «Les rythmes et les tempos sont pareils, on a tout de suite trouvé des terrains d'entente. Ce n'est jamais facile de fusionner mais avec Osain Del Monte, ça l'était un peu plus. Ils sont ouverts et passionnés». Dans un univers plus pop, l'auteur-compositeur, arrangeur, chanteur, joueur de balafon et guitariste virtuose, Moh! Kouyaté a proposé un concert métissé avec Maâlem Omar Hayat, disciple de Mahmoud Guinéa. Une fusion pleine de grâce et de talent qui a été suivie par un concert «père-fils» proposé par les maâlems Abdelkebir et Hicham Merchane. Grande fête de la musique Après des concerts qui ont marqué comme ceux de Nabyla Maan , Betweenatna, Baloji ou encore de troupes de maâlems aussi talentueuses et rigoureuses les unes que les autres, un des moments les plus marquants de cette édition est sûrement le concert du vendredi 21 juin du groupe Blues touareg Tinariwen. Saisissant et minimaliste, le groupe qui défend les libertés, les belles valeurs sur des mélodies envoûtantes, a invité le public d'Essaouira à un voyage au coeur du désert. Un enchantement pour les oreilles et les coeurs. Et quand le grand maâlem Mustapha Baqbou se permet une fusion avec le groupe, le résultat est empreint de justesse et d'humanité. Un grand moment de musique a marqué cette belle édition, ponctuée par les grands débats et les moments d'échanges harmonieux comme cette nouvelle édition du Forum des droits de l'Homme autour de la force du la culture face à la culture de la violence. Un parterre de personnalités du monde entier s'est posé la même question pendant le festival. Si la culture est un bouclier contre toute forme de violence pour Laure Adler, citant l'exemple des migrants et soulevant la question de l'hospitalité et d'un pacte social avec l'Humanité, Abdelkrim Jouaiti explique que toutes les sociétés sont violentes et qu'elles passent toutes par des cycles de violences. Des échanges riches ont soulevé le rôle de la culture comme pour le cas de Mohamed Rafiki qui sort de l'obscurantisme grâce aux livres et au cinéma, Mouna N'Daye et Seif Kousmate qui font la différence et parlent des minorités à travers leur art, ou aux enfants de Sidi Moumen de Mahi Binebine dont les centres un peu partout au Maroc créent le miracle. En revanche, pour Edwy Plenel, la culture n'est pas suffisante pour éviter la barbarie puisque si les sociétés pensent que leur culture est supérieure à une autre, ils font preuve de barbarie. Quant au concert de clôture, après que l'excellent Hamid El Kasri ait envoûté la place Moulay Hassan et transformé en karaoké géant, le groupe Third World est venu fêter ses 45 ans d'existence au festival. Des musiciens de grand talent, véritables ambassadeurs de la musique Reggae qui se permettent une reprise de «Con te partiro» d'Andrea Bocelli qui donne la chair de poule. Une édition qui restera à jamais dans les annales du Festival Gnaoua et musiques du monde.