Deux protocoles d'accord ont été signés dans ce sens, ce lundi au siège du ministère à Rabat. Dans un premier temps, la modélisation se focalisera sur le nexus eau/agriculture. Après le Brésil, la Colombie, la Côte d'Ivoire, le Vietnam et la Tunisie, le modèle Gemmes de l'Agence française de développement (AFD) fait son entrée officielle au Maroc. L'annonce a été faite par les deux principaux partenaires du projet, en l'occurrence le ministère de l'Economie et des finances et l'AFD, lors d'une conférence qu'ils ont conjointement organisée en début de semaine au siège du département des Finances à Rabat, durant laquelle trois actes ont été posés. D'abord, la conférence a permis d'expliquer de manière détaillée pourquoi le ministère a décidé de recourir à cet instrument de l'AFD, qui a déjà fait ses preuves ailleurs et qui permet de construire une vision plus claire sur les politiques publiques qui tiennent compte des effets des changements climatiques. Parce que le diagnostic est connu. À l'instar de la communauté internationale, plusieurs maux directement liés aux changements climatiques impactent depuis longtemps le développement économique du Maroc. Parmi ces maux, on peut notamment citer la dépendance aux énergies fossiles qui pèse lourdement sur la balance des paiements du pays, les cycles répétitifs de sécheresse qui affectent l'agriculture, le stress hydrique, la dégradation de la biodiversité, la hausse des températures qui affecte les niveaux des eaux océaniques et entraîne la rareté des ressources halieutiques, les problèmes de mobilité et d'émission de gaz polluants, etc… Agir en faveur du climat Pour en venir à bout à l'horizon 2030 à travers la transition énergétique, le royaume devra investir 40 milliards de dollars (environ 400 MMDH). Quoi de plus normal que d'intégrer la dimension du changement climatique dans les politiques publiques pour mieux la juguler et la faire progressivement disparaître? Ce que permet apparemment l'outil de modélisation économique Gemmes, qui est l'un des rares à intégrer l'impact du changement climatique dans les prévisions d'évolution du PIB et de la dette des pays. C'est-à-dire qu'il tient à la fois compte du développement économique et de la soutenabilité environnementale avec l'idée, en creux, qu'une instabilité dans l'un de ces domaines aura inévitablement des répercussions importantes dans l'autre. Conçu par l'Agence française de développement, Gemmes permet en effet de faire varier différents paramètres en lien avec l'environnement (évolution des températures, capacité de stockage du carbone dans la biosphère…) et l'économie (croissance de la productivité du travail, ratio de dette sur PIB, prix du carbone…) pour comprendre leur influence sur l'évolution du PIB, de la dette ou des émissions de gaz à effet de serre. S'y prendre de la bonne manière. L'objectif de Gemmes, qui est un outil de projection, est de convaincre les pays de la nécessité d'agir en faveur du climat, et surtout de s'y prendre de la bonne manière. Par exemple, l'AFD a déjà développé des projections, donc des versions de Gemmes adaptées à plusieurs économies: pour le Brésil, le focus a été mis sur le secteur de l'énergie; pour la Colombie, sur les risques associés aux transitions; pour la Côte d'Ivoire, sur les matières premières et l'économie informelle; pour le Vietnam, sur l'impact du changement climatique sur les zones côtières, et pour la Tunisie, sur l'impact du changement climatique sur l'agriculture. À signaler que le Maroc a choisi la même projection que la Tunisie, c'est-à-dire l'impact du changement climatique sur l'agriculture avec un focus sur le nexus eau/ agriculture. Et c'est là le deuxième acte posé lundi par le ministère de l'Economie et des finances: à la clôture de la conférence, deux protocoles d'accord ont été signés pour marquer l'engagement définitif du Maroc et de l'AFD. Le premier porte sur l'adaptation du modèle Gemmes au Maroc, tandis que le second concerne la mise en place d'un outil qui permettra de faire l'étude d'impact du changement climatique sur l'ensemble de l'économie. Le premier protocole d'accord engage notamment trois parties, à savoir la Direction des études et des prévisions financières du ministère de l'Economie et des finances, la Direction de la recherche et de la planification de l'eau du ministère de l'Equipement, du transport, de la logistique et de l'eau, ainsi que la Direction du département diagnostics économiques et politiques publiques de l'AFD. Pourquoi la Direction de la recherche et de la planification de l'eau? Parce que le Maroc a décidé de se focaliser sur le nexus eau/ agriculture, avant celui eau/énergie, puis eau/autre chose, ceci pour rompre définitivement avec le stress hydrique qui est une lourde menace pour l'agriculture mais aussi de façon générale pour toute l'économie. C'est une urgence! D'ailleurs, le travail sur le nexus eau/agriculture a commencé dès mardi à travers un premier atelier avec les experts de l'AFD. Avec l'espoir de voir ces derniers nous aider à bien affecter les 115 MMDH qui seront consacrés au futur plan national de l'eau, en cours de validation.