La déconcentration administrative risque de buter sur la mobilité des fonctionnaires. Interpellé par les députés sur les grandes disparités régionales qui marquent la répartition des fonctionnaires de l'Etat, Mohamed Benabdelkader pointe du doigt les réticences même de la part de ceux qui ont montré leur enthousiasme pour la déconcentration et la régionalisation. Le compte à rebours est enclenché. C'est en juillet que les différents départements ministériels devront finaliser les schémas directeurs de la déconcentration. Chaque ministère concerné par ce chantier doit détailler le processus de sa propre déconcentration en trois ans. Il ne s'agit pas uniquement de préciser les pouvoirs à transférer ou à déléguer mais aussi de bien définir le transfert et la répartition des ressources humaines. La mission de la gestion du redéploiement des fonctionnaires au niveau régional s'annonce on ne peut plus compliquée face aux réticences, comme l'a laissé entendre, au sein de l'hémicycle, le ministre de la Réforme de l'administration et de la Fonction publique, Mohamed Benabdelkader qui vient d'être interpellé par les députés sur la question de la répartition géographique inéquitable des ressources humaines de l'Etat : «quand on est sur le terrain, ceux qui étaient enthousiastes pour la mise en place de la déconcentration et de la régionalisation deviennent réticents et conservateurs et préfèrent l'axe de Casablanca- Rabat». L'expérience démontre qu'il est très difficile d'atteindre les objectifs escomptés en matière de redéploiement des fonctionnaires. Rappelons à cet égard que la réforme portant sur la mobilité des fonctionnaires qui a été décidée en 2015 peine toujours à être mise en oeuvre. L'application du décret y afférent est au point mort malgré les mesures mises en place dès 2016 notamment la bourse des fonctionnaires qui devait être composée de profils mis par certaines administrations à la disposition d'autres départements de la fonction publique. Cette réforme, mortnée, s'est heurtée au manque de volonté des administrations. Les responsables dans les différentes administrations ont en effet brandi la carte sociale pour éviter la mutation de leurs fonctionnaires. Mais, le mécanisme de mobilité qui s'inscrit dans le cadre du grand chantier de la régionalisation avancée et de la déconcentration administrative ne pourra jamais voir le jour à cause de ce raisonnement. Les administrations sont appelées à se séparer des fonctionnaires dont le profil ne sert plus leur développement et de faire entrer de nouvelles compétences correspondant à leurs activités. Les demandes doivent être pointues pour rehausser le rendement de l'administration. Le gouvernement doit être persuasif pour dissiper les craintes des fonctionnaires. La mobilité doit prendre en considération, outre l'intérêt général, celui du fonctionnaire. Les députés appellent à instaurer des incitations pour encourager les agents publics à travailler au niveau régional et en milieu rural. Pour le ministre de tutelle, le dispositif visant la garantie d'une répartition équitable des ressources humaines sera appuyé par des mesures incitatives. Mais il faut, en premier lieu, se mettre d'accord sur le principe et négocier les différentes mesures et les incitations. Jusque-là, rien n'est encore tranché. Des mesures incitatives Le seul engagement porte sur le renforcement des services publics dans les quatre coins du royaume. Comment cet objectif sera-t-il concrétisé ? Va-t-on procéder au redéploiement des ressources humaines, à de nouveaux recrutements, à une meilleure gestion des ressources existantes ? Toutes ces questions posées par Benabdelkader restent en suspens, du moins pour le moment. En tout cas, le gouvernement est en train de s'atteler sur l'activation de l'article 154 de la constitution qui stipule que les services publics sont organisés sur la base de l'égal accès des citoyennes et citoyens, de la couverture équitable du territoire national et de la continuité des prestations. Le chemin reste encore long pour atteindre l'équilibre escompté en matière de répartition des ressources humaines sur les douze régions. Près de 70 % du personnel civil de la fonction publique est concentré dans cinq régions : Rabat-Salé-Kénitra (23 %), Casablanca-Settat (15 %), Fès-Meknès (11 %), Tanger- Tétouan-Al Hoceima (11 %) et Marrakech-Safi (10 %). Les régions éloignées souffrent le plus d'un manque criant en ressources humaines. L'indemnité pour le travail dans les zones éloignées et difficiles d'accès, qui tarde depuis plus de 10 ans à être instaurée, aurait pu contribuer à limiter l'ampleur du problème. Le gouvernement avait proposé lors du premier round du dialogue social en 2018 d'activer cette mesure tant attendue au profit de quelque 50.000 fonctionnaires travaillant dans les départements de l'enseignement (premier employeur public) et de la santé avec un montant annuel de 420 millions de DH. Mais ce point n'a pas été retenu dans l'accord final qui a été signé la veille de la fête du travail. Ce dossier figure toujours dans le cahier revendicatif des centrales syndicales. Le gouvernement et les partenaires sociaux devront encore accorder leurs violons sur les critères d'octroi de cette indemnité et de son montant mensuel qui est actuellement fixé à 700 DH. Une somme jugée dérisoire par les syndicats qui appellent à mettre en place tout un package incitatif au profit des fonctionnaires pour les inciter à aller travailler dans les zones éloignées et difficiles d'accès et pouvoir, ainsi, combler les insuffisances en ressources humaines dans plusieurs régions notamment dans le secteur de la santé.