Les nouvelles annonces du président Bouteflika n'ont pas convaincu les Algériens. La forme et les acteurs de la transition politique sont au cœur d'un bras de fer entre le pouvoir et la population qui reste plus que jamais mobilisée. Les Algériens n'ont pas dit leur dernier mot. Au lendemain des annonces du président Abdelaziz Bouteflika, les étudiants étaient les premiers à descendre dans les rues du centre ville d'Alger pour afficher leur refus à ce qu'ils appellent, avec ironie, «le mandat 4+». La nouvelle proposition du président Bouteflika, communiqué à travers un «message à la Nation», le 11 mars dernier, ne trouve pas d'écho favorable auprès des Algériens mobilisés via les réseaux sociaux. De nouvelles manifestations sont annoncées ce vendredi 15 mars. Le cinquième mandat n'a tenu finalement que 16 jours. Face à une large mobilisation des Algériens, le projet de reconduire le président sortant pour un nouveau mandat ne passe plus auprès de nos voisins de l'Est. «C'est une réponse négative par rapport aux revendications du soulèvement populaire. Le pouvoir doit se retirer complètement de la gestion de la transition politique», explique aux Inspirations ECO, Faleh Hammoudi, coordinateur de la Ligue des droits de l'homme à Tlemcen qui soutient le mouvement contre le cinquième mandat. Le quotidien indépendant Al Watan annonçait la couleur en Une dans son édition du 12 mars : «Il a annulé la présidentielle et reste au pouvoir : La dernière ruse de Bouteflika». Un choix éditorial qui reprend la position de refus de la nouvelle proposition de système politique algérien. En plus d'annoncer son retrait d'un cinquième mandat, Bouteflika a annoncé des changements à la tête du gouvernement avec la nomination du ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui comme Premier ministre. Bouteflika a aussi créé par décret le poste de vice-Premier ministre, qui sera occupé par Ramtane Lamamra. L'ex-ministre des Affaires étrangères gérera cette transition politique avec Bedoui, deux hommes proches du clan Bouteflika. «Ces décisions montrent les mauvaises intentions du pouvoir. Bedoui est impliqué dans le trafic des précédentes élections», critique Hammoudi. Le journaliste d'Al Watan Hacen Oual conteste aussi cette proposition : «Bouteflika décide de rester au pouvoir en prolongeant son mandat présidentiel qui prendra fin le 26 avril prochain. Une violation de la Constitution à laquelle la décision du chef de l'Etat ne fait aucune référence». Même son de cloche chez le quotidien Liberté Algérie, en Une, ce média indépendant titre : «Bouteflika prolonge son mandat». L'éditorialiste considérait que «les annonces du chef de l'Etat ont suscité des concerts de klaxons dans les rues. Des partis ont déjà appelé à manifester de nouveau vendredi prochain. Jusqu'au départ de Bouteflika». Pour sa part, le quotidien gouvernemental Al Moujahid se conforme à sa ligne pro-Bouteflika : «Au service exclusif du peuple algérien», titre ce média avec une photo couvrant toute la Une. L'éditorialiste de ce quotidien salue les décisions de Bouteflika : «Le président de la république a adressé hier un message à la nation, dans lequel il annonce sept décisions d'une importance capitale pour le devenir de notre pays. Il s'agit d'une réponse franche et sans aucune ambiguïté aux revendications des récentes manifestations populaires, au sein desquelles on a relevé une présence dominante de la jeunesse et des femmes, et dont le caractère pacifique et patriotique ont fait l'unanimité». Ces mesures n'ont pas convaincu les acteurs politiques. Le député du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Yacine Aissiouène, a déclaré à Al Watan que pour son parti, «il n'y a aucune différence entre la première et la deuxième lettre de Bouteflika». D'après lui, le chef de l'Etat voulait, dans la première lettre, conduire la transition avec le même personnel et à l'intérieur du système, après l'élection, alors que dans cette deuxième, il est question de ce même processus avant l'élection. Même position de rejet de la part de Talaie El Houriet, de Ali Benflis. Le président de Jil Jadid, Sofiane Djilali, a estimé toutefois qu'«il ne faut pas arrêter la mobilisation de la rue». Vendredi 15 mars, une grande mobilisation est prévue à l'échelle nationale. Cette journée sera décisive pour l'évolution de la situation politique en Algérie.