Décembre 2011. L'association Racines, qui œuvre pour le développement culturel au Maroc et en Afrique organise une rencontre à la fabrique culturelle des anciens abattoirs à Casablanca. Il y était question de décortiquer une question des plus épineuses, celle des droits d'auteurs au Maroc. Musiciens, écrivains, réalisateurs... sont tous venus discuter du sujet. Toutefois, le principal concerné, en l'occurrence le Bureau marocain des droits d'auteurs (BMDA), n'avait pas répondu présent à l'invitation. Depuis, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l'attitude des représentants du BMDA. Plus encore, une pétition circule depuis quelques semaines pour revendiquer une refonte de cet organisme placé sous la tutelle du ministère de la Communication. Ouverte à tous les citoyens, cette pétition signée jusqu'à présent par 239 personnes vise, selon ses signataires, à développer une véritable économie de la culture. «Aujourd'hui, les artistes marocains ont le plus grand mal à vivre de leur art, dans la mesure où ils ne perçoivent pas la redistribution de leurs droits d'auteurs ni de leurs droits voisins, en ce qui concerne les interprètes. Ils subissent également un préjudice moral car ils ont le plus grand mal à obtenir la protection de leurs œuvres», soulignent les initiateurs de cette démarche. Dans le détail, les agitateurs culturels marocains reprochent au BMDA de ne pas pouvoir accomplir la mission qui lui a été confiée. Cet organisme, qui a le monopole légal de la représentation des auteurs, toutes disciplines confondues (littérature, musique, théâtre, cinéma, danse, photographie, arts plastiques, informatique...) a failli, selon les signataires de la pétition, à ses missions essentielles, notamment la protection des œuvres et la défense des intérêts de tous les créateurs, auteurs et artistes marocains, au Maroc et à l'étranger. On reproche aussi au BMDA de ne pas collecter des droits d'auteurs et des droits voisins auprès des chaînes de télévision, de radiodifusion et de tous les espaces publics. Ce n'est pas tout, le BMDA ne redistribuerait pas des sommes collectées aux ayant-droits, à titre de droits d'auteurs ou de droits voisins. L'association Racines affirme par ailleurs, que depuis plus de dix ans, le BMDA est géré par les mêmes responsables, «ce qui nous amène à demander aujourd'hui un bilan précis et détaillé sur les actions menées sur toute cette période, ainsi que sur les résultats obtenus . D'où la nécessité d'un audit structurel et financier du bureau sur les 10 années passées». Outre ces problèmes, l'on parle aussi d'une «coquille vide» qui n'assume aucune responsabilité. «Il y a des artistes qui sont inscrits au BMDA depuis des années et qui n'ont jamais reçu aucun sou», nous précise Hassan Neffali, président de la coalition marocaine pour la culture et les arts. Afin de permettre au BMDA d'éclaircir tous ces points, Les Echos quotidien a tenté de joindre les responsables de cet organisme, mais sans succès. Pis, le numéro de téléphone affiché sur le site du bureau, n'existe pas selon l'opérateur téléphonique. Point de vue. Hassan Neffali, Président de la coalition marocaine pour la culture et les arts. Tout le monde sait que le syndicat national des professionnels du théâtre ainsi que la coalition marocaine pour la culture et les arts, reprochent au BMDA beaucoup de choses. Ce bureau a été créé pour servir et protéger les artistes. Ce qui n'est pas le cas malheureusement. C'est ainsi que nous avons demandé, il y des années de cela, le changement de statut de loi qui réglemente ce bureau, ainsi qu'une représentativité des artistes au sein même de ce bureau, mais rien de cela n'a été fait. Le BMDA doit normalement être géré par des artistes et non des fonctionnaires. Nous avons demandé à ce que la loi qui gère les droits voisins (elle concerne les artistes-interprètes) soit appliquée. C'est vraiment injuste que les artistes qui composent par exemple une musique pour une pièce de théâtre ou un feuilleton ne bénéficient d'aucun droit malgré le fait que leur musique soit diffusée tout le temps par les chaînes et les radios nationales. Quant au piratage, nous avons appelé, il y a trois ans, à la mise en place d'une commission interministérielle composée entre autres de la police marocaine afin d'éradiquer ce fléau, mais en vain. Le piratage continue à tuer la création nationale sans que le BMDA ne pipe mot. Bref, ce sujet demande la provocation d'un débat national. À mon sens, le BMDA doit se transformer en une société de gestion des droits d'auteurs gérée par les auteurs et les artistes interprètes.