Malgré ses déclarations initiales évoquant son souhait de consacrer sa première visite officielle à un pays européen, Mariano Rajoy, le président du gouvernement espagnol, semble finalement disposé à réserver sa première visite officielle au Maroc. Rien n'a encore filtré sur le programme de cette visite et le cabinet de Rajoy se plaint déjà de la difficulté d'organiser des visites officielles, compte tenu du programme chargé de Rajoy en Espagne. En revanche, l'on sait avec certitude que le chef du gouvernement espagnol ne sera pas au Maroc les 16 et 30 janvier. La première date correspond à la visite du président français Nicolas Sarkozy à Madrid. Et lors de la seconde, c'est Rajoy qui fera le déplacement à Bruxelles pour prendre part aux travaux du sommet européen. Sa détermination à redonner à l'Espagne une place stratégique au sein de la communauté européenne explique sa hantise de vouloir visiter un pays communautaire comme destination du premier déplacement officiel. Négocier sans préjugés ? Si cela se concrétise, Rajoy mettra fin à une tradition bien établie selon laquelle le chef du gouvernement espagnol effectue toujours sa première visite officielle à Rabat. Tradition instaurée par le socialiste Felipe Gonzalez et respectée par ses successeurs José Maria Aznar et José Rodriguez Zapatero. D'ailleurs, ce dernier avait atterri à Rabat une semaine après son investiture. «L'avantage des deux gouvernements (marocain et espagnol), c'est qu'ils sont tous deux nouveaux et peuvent donc négocier sans préjugés», a souligné ABC, le quotidien proche du parti au pouvoir. Lors de cette visite, les deux hommes politiques devraient évoquer plusieurs dossiers qui lient les destins des deux pays. Sans nul doute, le dossier de la pêche sera au centre des discussions. De plus, le thème est un bon sujet pour resserrer les liens et louer l'exemplarité des relations bilatérales, vu que, pour une fois, ce n'est pas au «Maroc», comme aimaient à le dire les différents cadors du parti au pouvoir, mais au Parlement européen à qui il faut jeter la pierre. De même, le Premier ministre marocain a une occasion en or pour défendre l'accord agricole et appeler le PP à revoir sa position. Les dernières sorties des conservateurs augurent d'un nouveau bras de fer dans l'hémicycle européen, devenu la tombe des accords liant le Maroc à la communauté européenne. La question est donc de savoir comment Benkirane compte demander des concessions à son homologue espagnol afin de faire taire, ou du moins, réduire le cercle des contestataires et arriver à un compromis. L'on espère que le franc-parler de Benkirane ne lui jouera pas des tours pour ainsi amener son invité à revoir les positions espagnoles sur l'accord agricole. À ce niveau, Rajoy est susceptible de demander à son homologue davantage de garanties sur le respect des quotas. Une condition indispensable pour que l'accord reçoive la bénédiction des populaires lors du vote en plénière. Quant au dossier de l'immigration, Rajoy fera les yeux doux à Benkirane pour s'assurer du soutien du Maroc en matière de contrôle des flux migratoires. Crise économique oblige, le gouvernement espagnol a procédé à plusieurs coupes dans le budget de la défense et des forces armées espagnoles. Cela signifie que les gardes côtes espagnoles ne peuvent plus se permettre le luxe de couvrir l'ensemble des côtes émettrices des flux d'immigrés illégaux. D'où la vitalité de l'aide marocaine en matière de lutte contre l'immigration clandestine. Sahara, le sujet qui fâche Les sujets qui fâchent seront probablement mis de côté sinon effleurés avec courtoise. Le sujet du Sahara en fait partie. À ce propos, Benkirane n'a rien à craindre. Un pacte officieux en Espagne veut que ce soit toujours le parti de l'opposition qui soutient la cause des séparatistes. D'ailleurs, le PP a montré ses bonnes intentions début décembre, en bloquant un projet présenté par le Parti pour le progrès et la démocratie (UPD) au sein du conseil municipal de Madrid visant à faire passer une résolution en faveur des séparatistes. Ce qui signifie qu'à présent, c'est au tour des socialistes de prendre la relève dans ce dossier et bien d'autres à venir. À noter que Benkirane fera appel à coup sûr aux conseils d'un fin connaisseur de la chose espagnole. Il s'agit de Youssef El Amrani, ministre délégué aux Affaires étrangères. Ancien consul général à Barcelone, EL Amrani est considéré sous les latitudes ibériques comme le plus hispanophile des marocains.