Les Echos quotidien : La 2e édition du Salon Halieutis n'aura pas lieu à la date prévue initialement, à savoir du 1e au 5 février 2012 à Agadir. Quelles sont les raisons de ce report ? Abderrahman Sarroud : Le report de cette seconde édition est intervenu dans des circonstances particulières. Tout d'abord, le secteur était en attente de la nomination du gouvernement et de la décision du ministre de tutelle au sujet du Salon. Au même moment, les professionnels ont demandé que la périodicité de cet événement soit biennale, compte tenu de la conjoncture actuelle. En effet, la situation se caractérise par une morosité sans précédent, avec la chute de plus de 30% de la production et des exportations. D'ailleurs, plusieurs chantiers lancés par l'administration n'ont toujours pas abouti ou sont en deçà des attentes de la profession: plan pélagique, caisses en plastique, le programme Ibhar 2 ... La tenue du Salon dans cette conjoncture n'aurait pas permis de drainer une participation massive des professionnels. Alors, autant le reporter jusqu'à ce qu'il y ait plus de visibilité et que l'administration trouve les solutions adéquates à tous les problèmes en suspens. L'Espagne fait pression pour la prorogation de l'accord de pêche et les professionnels rejettent un renouvellement sur la base des mêmes termes. Comment peut-on justifier la possibilité d'une éventuelle reconduction de l'accord ? Je tiens à rappeler que les professionnels marocains n'ont jamais été favorables à la reconduction de cet accord, pour plusieurs raisons. D'abord, l'état de la ressource dans les eaux marocaines ne permet pas une exploitation conjointe par les bateaux marocains et étrangers. En second lieu, la contrepartie financière allouée par l'Europe est dérisoire par rapport au tonnage exploité (70.000 tonnes). Cet accord n'a par ailleurs aucun impact positif sur les professionnels marocains qui, bien au contraire, réclament la réduction de l'effort de pêche par le biais d'un programme de sortie de flotte. Comment peut-onconcilier entre la nécessaire réduction de l'effort de pêche, préconisée notamment par l'INRH et l'octroi de possibilités de pêche supplémentaires à des navires étrangers ? La relation des professionnels avec l'Agence nationale des ports et l'Office national de pêche est de plus en plus tendue au port d'Agadir, qui est tout de même l'un des plus importants du pays. Pourquoi ? Les professionnels de la pêche rencontrent d'énormes problèmes avec l'ANP, non seulement au port d'Agadir, mais au niveau de tous les ports du royaume. Une réunion a d'ailleurs été tenue récemment à Casablanca avec l'ensemble des présidents des chambres maritimes, ainsi qu'avec la Confédération nationale de la pêche côtière. À l'unanimité, il a été fait état de plusieurs problèmes et dysfonctionnements : désorganisation au niveau des ports, augmentation injustifiée des loyers (multiplication par 11 des montants), problèmes de carénage et de réparation navales. À ce niveau, il faut signaler que la méthode de travail est la même depuis des décennies. Les professionnels ont beau réclamer le lancement de l'appel d'offres pour l'installation d'un élévateur à bateaux au niveau du port d'Agadir, en vain... ces tentatives n'ont jamais abouti. Mais, si les relations sont dans l'impasse, c'est toute l'activité qui en souffrira. Quel est l'état des lieux ? Cette situation a un impact négatif direct sur les conditions de travail des armateurs et sur la pérennité de leurs investissements. En effet, il est inadmissible qu'un bateau qui a coûté des millions de DH à son propriétaire ne puisse pas être entretenu dans de bonnes conditions et dans les délais nécessaires. C'est d'ailleurs un facteur décourageant pour les armateurs souhaitant s'inscrire dans la modernisation et la mise à niveau de leurs unités. Les problèmes avec l'ANP sont donc multiples. Malheureusement, il y a une absence totale de dialogue et de concertation avec l'administration centrale de l'ANP. Pour ce qui est de l'ONP, les problèmes se situent au niveau de la commercialisation et de la gestion des halles au poisson. Il y a lieu d'ajouter à cela la chute des prix de vente, le blanchiment des captures illicites par des documents provenant d'autres ports, ainsi que toutes les autres pratiques préjudiciables à la liberté du commerce et à la transparence des transactions. Au niveau d'Agadir, les professionnels sont catégoriques. La mauvaise gouvernance est bien installée et elle est à l'origine de tous les dysfonctionnements constatés. Environ neuf mois après le lancement du programme Ibhar 2, le projet connaît toujours des contraintes liées à son opérationnalisation. Quelle en est la nature ? Ibhar 2 est un programme structurant pour la pêche côtière et artisanale. Il est doté d'une enveloppe globale de 5 milliards de DH et porte sur l'octroi d'une subvention pour la mise à niveau et la construction de nouveaux bateaux dotés d'équipements modernes, garantissant une pêche efficiente et contribuant à la préservation de la qualité des captures. Il a également un impact direct sur le renforcement de la sécurité à bord et sur l'amélioration des conditions de vie et de travail pour les marins pêcheurs. Notre Chambre a longuement milité pour que ce programme voie le jour après l'échec d'Ibhar 1 et elle a réussi à obtenir l'augmentation des taux des subvention allouées. Depuis la signature le 16 mai 2011 de la convention relative à ce programme, la CPMA a mis en place tout un dispositif de réception et de traitement des dossiers, conformément au manuel de procédures établi d'un commun accord avec le département de la Pêche. Les dossiers sont ainsi reçus, traités et transmis à la Délégation de la pêche maritime sous 24 heures. Ce programme connaît une adhésion massive des professionnels de la pêche artisanale et côtière, qui sont très motivés pour la mise à niveau et la modernisation de leurs outils de production. Donc, du côté des professionnels tout se passe bien. Or, depuis le dépôt du premier dossier au niveau de la délégation des pêches d'Agadir en mai dernier, soit il y a près de 8 mois, aucune subvention n'a été accordée. Le problème vient donc de la lenteur de traitement au niveau de cette administration, qui normalement devrait garantir l'étude du dossier et le déblocage de la subvention dans un délai maximum d'un mois à compter de la date du dépôt. Il est donc indispensable pour la réussite de ce programme que les délégations affectent les ressources humaines suffisantes et qu'une coordination soit mise en place entre ces entités pour accélérer le traitement des dossiers ou alors, il faut revoir toute la procédure et charger les chambres maritimes du traitement intégral des dossiers de façon directe avec l'ONP, qui procédera au déblocage des subventions. La semaine prochaine, la Chambre des pêches maritimes de l'Atlantique centre tiendra sa 4e assemblée générale à Agadir. Quelles sont vos attentes ? Cette rencontre est l'occasion de dresser le bilan de l'action de la CPMA en 2011, ainsi que la présentation des recommandations et des solutions qu'elle a proposées pour toutes les questions touchant son domaine d'activité. L'ordre du jour de cette assemblée comprend des points à caractère urgent, dont l'accélération de la mise en œuvre du programme Ibhar2, ainsi que la position de la profession à l'égard du renouvellement des accords de pêche avec l'UE.