Le renvoi de l'accord de pêche avec l'UE aux calendes grecques a fait légèrement tanguer le secteur, même si institutionnels et professionnels sont convaincus du contraire. La pêche marocaine affirme, en effet, plus que jamais, avoir les moyens de ses propres ambitions – réellement ? – avec ou sans accord. Mieux, la Fédération nationale des industries de la pêche (FENIP) va même jusqu'à envisager «la mise en œuvre d'un mouvement de contre-lobbying pour la non signature d'aucun accord pour les années à venir». Là où leurs congénères de la Fédération de la pêche maritime (FPM) s'alignent sur ce même ordre d'idée, par la voix de Hassan Oukacha, son président. Presqu'au même moment, ces mêmes protagonistes voient la main tendue de plus en plus insistante de plusieurs pays partenaires qui voudraient réoccuper la place laissée par la communauté européenne. Celles de la Russie et de l'Espagne, en l'occurrence, dans le cadre d'un rapport bilatéral, vont notamment dans ce même sens. Les opérateurs du premier Etat viennent en effet de réitérer ce geste, proposant un «partenariat élargi» avec le Royaume. L'option engloberait «la recherche scientifique, l'encadrement, la formation et la transformation, dans l'intérêt des deux parties». Au delà de ce discours fort diplomatique, l'essentiel à retenir est sans nul doute cet attrait que représentent les ressources halieutiques locales. Un attrait qui pourrait constituer – à condition qu'il soit bien exploité par la partie marocaine – une réelle aubaine en termes de rentrées de financements pour le secteur. Autosuffisance ? Le fait est que, malgré les positions autosuffisantes avancées par ci et par là, la pêche maritime est encore bien limitée en termes de moyens. Ses activités se cantonnent aujourd'hui encore principalement dans les segments de la pêche côtière et artisanale. Ce qui laisse une idée assez précise sur le défaut d'industrialisation structurelle et de développement des moyens d'exploitation qui prévaut toujours dans le secteur. Ce dernier ne connaît à l'heure actuelle que quelques grands exploitants à envergure industrielle, capables d'opérer en haute mer, et qui se comptent sur les doigts de la main. L'un deux, par ailleurs, membre du bureau de la Fédération nationale des industries de la pêche (FENIP), nous montre là où le bât blesse réellement. «C'est le défaut en quantité, de l'approvisionnement, et la faiblesse même de la qualité du peu qui est débarqué, qui posent problème». Ce dernier d'argumenter que si le secteur en est arrivé là aujourd'hui, c'est notamment expliqué par sa tutelle administrative. Un défaut que les professionnels comptent bien rattraper – ou faire rattraper – dans le prochain gouvernement. «Nous avons imploré le nouveau chef de gouvernement désigné de rendre souverain le département de la pêche, en instituant un ministère dédié exclusivement au secteur», nous renseigne la même source. «C'est un secteur qui emploie, de la pêche à la transformation, quelques 600. 000 acteurs et qui pèse un peu plus de 3% sur le PIB national». Les professionnels sont en effet convaincus que cette petite retouche serait la solution à leurs maux...ou presque. «À ce moment là, nous serons en mesure de bien prendre en compte les enjeux et les difficultés actuelles du secteur». Priorité Des difficultés que le plan Halieutis a pourtant vocation à annihiler à l'issue d'une courte échéance. Cependant, depuis son lancement, il est bien connu que les réalisations n'ont pas fait florès et que Maroc Vert semble avoir ravi la vedette dans le bilan d'Aziz Akhannouch. Les chiffres, qui pourraient mieux témoigner de ce constat, parlent en tout cas d'eux-mêmes. La baisse de productivité du secteur de la pêche s'est maintenue à la fin de cette année, avec un déficit sur le volume de près de 20%, en comparaison des onze premiers mois de 2010. Pendant ce temps, Maroc Vert tire les productions agricoles vers le haut. Les dernières récoltes céréalières et agrumicoles en sont la parfaite illustration. Pêcheurs marocains et espagnols à la croisée des chemins L'effet du rejet de l'accord de pêche Maroc-UE consommé, la Commission maroco-espagnole des professionnels de la pêche se réunit le 11 janvier prochain à Barbate dans la région de Cadix (sud de l'Espagne). L'objectif de cette réunion serait de «fixer la feuille de route que suivront les professionnels de la pêche des deux pays à l'avenir», selon les responsables de cette entité professionnelle, suite au rejet dernièrement par le Parlement européen (PE) de la prorogation de l'accord de pêche entre le Maroc et l'UE. Pour rappel, les pêcheurs espagnols, qui devraient bénéficier du plus grand nombre de licences de pêche dans le cadre de cet accord, ont été parmi les premiers à monter au créneau, pour dénoncer le vote négatif du renouvellement de cet accord. Evoquant la Commission maroco-espagnole des professionnels de la pêche, le vice-président de la Confédération espagnole de la pêche (Cepesca), Javier Garat, a souligné que ce cadre de partenariat a pour objet de mettre en valeur et de consolider les relations de coopération entre les deux parties. Le responsable espagnol a fait ces déclarations à l'issue d'une réunion avec les représentants des professionnels de la pêche à Barbate, axée sur l'examen des conséquences de la non prorogation de l'accord de pêche Maroc-UE sur les pêcheurs de la région. Lors de cette réunion, les professionnels espagnols ont aussi soulevé la nécessité de leur accorder des compensations économiques pour qu'ils puissent faire face aux grandes pertes occasionnées par la décision du PE.