Combien de femmes d'affaires chacun de nous a-t-il dans son entourage ? Pas autant que les hommes, en tout cas. C'est un fait avéré, aujourd'hui : beaucoup estiment encore que l'entrepreneuriat est une chasse gardée de ces messieurs. Il faut dire aussi que «la création d'entreprises dirigées par des femmes est un phénomène très récent. Il date des années 80 et 90», précise Soraya Badraoui, présidente de l'Association des femmes chefs d'entreprises du Maroc (AFEM). Et quoique la dynamique de création d'entreprises révèle une progression de la part des femmes dans le tissu entrepreneurial national, les chiffres sont loin d'atteindre des sommets. «12.000 femmes seulement possèdent ou gèrent une entreprise appartenant à plusieurs secteurs d'activité et faisant travailler une main-d'œuvre qualifiée». Voilà qui est. Cela concerne donc près de 10% du nombre total des entreprises existantes. «C'est peu, très peu même», commente à ce titre Soraya Badraoui. Serait-ce donc une affaire de compétences, d'«Hommes» ou faudrait-il au contraire en chercher les raisons ailleurs ? Une entreprise, des défis D'abord, soulignons que les entreprises créées ou dirigées par des femmes sont essentiellement des PME-PMI, qui opèrent principalement dans les secteurs des services et du commerce. Cela fait que même lorsqu'une femme prend les commandes d'un projet entrepreneurial, le développement de ces structures est généralement ralenti par bon nombre de raisons. «La première raison est celle de la corruption, une femme a moins tendance à accorder des pots-de-vin pour décrocher un marché», laisse entendre la présidente de l'AFEM pour expliquer la faible présence des entreprises féminines dans les marchés. Sur ce registre, il faudrait aussi voir une plus faible «connexion» de ces entreprises avec le tissu public, du fait généralement du type de secteurs dans lesquelles elles opèrent. Les femmes préfèrent investir dans des secteurs ou des branches d'activités où la procédure de soumission aux marchés n'est pas la règle. Sur la liste des bémols, les experts citent aussi la difficulté d'accéder au financement. Un rapport de la SFI (Société de financement international) est d'ailleurs venu, ces derniers jours, mettre en relief cette problématique. «si 50% des entreprises gérés par des femmes sont autofinancées, un tiers seulement du financement provient de sources externes», notent ainsi les rédacteurs du rapport. En cause, «les femmes entrepreneuses ne sont généralement pas bien informées des différents schémas de financement qui sont offerts par les programmes des donateurs via les banques». Justement, l'information vient boucler la boucle des plus gros problèmes auxquels font faces les business-women. «Lorsqu'elles sont affiliées à un réseau, par exemple, les femmes chefs d'entreprises sont plus au fait de toutes les opportunités qui s'offrent à elles et au développement de leurs projets», analyse cet expert. Un constat décrypté par Ilham Zhiri, présidente Fondatrice du Réseau de femmes pour le Mentoring/Networking, qui explique que le handicap principal vers l'évolution de l'entrepreneuriat féminin reste la présence timide des femmes au sein des associations professionnelles. Dixit... Aujourd'hui, on peut dire qu'il y a une sorte de prise de conscience partagée de la nécessité d'avancer dans l'égalité des genres et de promouvoir la femme dans tous les domaines politiques, économiques, ainsi que dans les milieux d'affaires. Le réseau des femmes pour le mentoring œuvre pour donner aux femmes leaders les outils et les moyens de se faire une place au sein d'un environnement économique qui accorde plus de reconnaissance aux entrepreneurs de sexe masculin.. Ilham Zhiri, Présidente Fondatrice du Réseau de femmes pour le Mentoring/Networking . Actuellement, malgré tous les retards accusés sur le plan de la promotion de l'entrepreneuriat féminin, nous vivons un tournant décisif de l'histoire. Nous nous réjouissons d'avoir une nouvelle Constitution qui recommande l'instauration de la parité. Les chiffres illustrent le chemin qui reste à parcourir en matière de participation des femmes à la prise de décision dans les domaines économique et politique. La participation des femmes à la population active occupée est de seulement 26,6% en 2010 (selon le Haut Commissariat au Plan), soit un taux parmi les plus faibles de la région MENA et du monde. Seules 10% des entreprises sont dirigées par des femmes. Ces niveaux extrêmement modestes montrent tout le chemin qui reste à parcourir pour atteindre la parité. Hind Jalal, Economiste et membre du réseau Mentoring, Networking Point de vue Latifa Chihabi, Directrice de l'Agence nationale pour la promotion des PME Selon Latifa Chihabi, Directrice de l'ANPME, le diagnostic de situation de la participation économique de la femme se caractérise par la faiblesse de la part des entreprises dirigées par des femmes, lequel ne dépasse pas 10%. Il s'agit par ailleurs de très petites entreprises (TPE), souvent présentes dans l'informel. C'est l'une des raisons qui a incité l'ANPME à militer pour la promotion de l'Entrepreunariat féminin. Toutefois, Latifa Chihabi insiste sur le potentiel existant qui est susceptible d'améliorer cette situation. Aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus qualifiées et des moyens existent pour leur accompagnement, tels que l'insertion dans des réseaux de networking et de mentoring, l'investissement progressif sur la scène politique et patronale, l'utilisation des NTIC... ainsi que l'accompagnement stratégique et opérationnel par l'ANPME de l'entrepreunariat féminin. Dans ce cadre, elle rappelle les programmes mis en place notamment avec l'appui de la coopération internationale, dont ont bénéficié plusieurs régions du Maroc et plusieurs bénéficiaires dans différents secteurs. Elle souligne également la nouvelle stratégie des TPE qui ouvre la voie à un progrès certain et à une amélioration des indicateurs de la participation économique des femmes de 10 à 20%.