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Le coup double de la SNI
Publié dans Les ECO le 26 - 12 - 2011

L'annonce de la cession «prématurée» par la SNI de 10 à 20% du capital d'Attijariwafa bank a pris de court le marché en fin de semaine dernière. Cette opération, prévue dans le calendrier communiqué par la holding en 2010, devait intervenir après le désengagement prévu des filiales agro-alimentaires, mais le timing et les opportunités offertes sur le marché semblent plus favorables à une accélération du processus. Confirmée pour le début de l'année 2012, cette cession est de bon augure pour le secteur mais aussi pour l'économie nationale à la veille d'une année annoncée des plus difficiles sur le plan conjoncturel. Pour mieux comprendre la portée d'une telle opération, il faudrait commencer par se poser quelques questions. La première est de savoir combien rapporterait la cession de 20% du capital d'Attijariwafa bank à la SNI. Selon une estimation globale sur la base du cours qui pourrait être retenu pour ce deal, le montant devrait tourner autour de 16 à 18 milliards de dirhams. La cession des parts de la SNI devrait lui permettre de rembourser son endettement en billets de trésorerie et d'injecter ainsi du cash dans un secteur bancaire fragilisé par le déficit en liquidité qui le plombe depuis plusieurs mois. En absorbant ce déficit, la SNI permettra au secteur bancaire d'aborder plus sereinement l'année, allégé d'un fardeau qui entravait sa capacité à financer le développement économique national.
Certains analystes avancent même la piste d'une opération double avec une cession des parts de la SNI (pour une remontée de cash) et une augmentation de capital d'Attijariwafa bank pour des raisons que nous développerons un peu plus loin. L'autre question est de savoir si le Maroc peut se permettre aujourd'hui d'ouvrir son secteur bancaire aux banques islamiques sans «sécuriser le marché», pour éviter une migration de l'épargne aujourd'hui hors circuit bancaire classique, et ce à la veille du lancement de la place financière de Casablanca et de l'avènement d'une nouvelle ère politique et économique dont le nouveau gouvernement n'a pas encore totalement annoncé la couleur. Il est évident que les deux banques nationales les plus influentes, à savoir Attijariwafa Bank et la Banque Populaire, doivent être dans la course. Une annonce récente de la Banque populaire, relative à la création d'une filiale spécialisée a déjà été relevée (www.lesechos.ma), vient alors l'option à peine déguisée, annoncée dans la presse, de céder les 20% d'Attijariwafa Bank à la Qatari National Bank (QNB), qui serait en négociation avancée avec la SNI. S'ajoutent à cela les dernières déclarations du PJD et l'audience accordée par Benkirane aux responsables de la Qatari Islamic Bank (www.lesechos.ma) ainsi que la bénédiction du gouverneur de Bank al Maghrib, Abdellatif Jouahri, à l'arrivée des banques islamiques sur le secteur en tant qu'offre complémentaire à la demande actuelle, mais aussi pour des raisons liées à l'attrait des investisseurs du Golfe, de plus en plus actifs sur le sol marocain (tourisme, immobilier...). Le puzzle commence à prendre forme.
Pourquoi les qataris ?
Quant à la raison pour laquelle les Qataris sont au devant de la scène bancaire aujourd'hui, elle est toute simple. Le Qatar développe de plus en plus de business au Maroc et a besoin d'avoir un repère en terme de partenariat bancaire local. Par ailleurs, le Qatar est plus agressif que les autres pays du Moyen-Orient car c'est le pays qui a le plus d'excédents en pétrodollars et qui a le moins de dépenses au niveau national. Il a entamé depuis quelques années une politique de développement à travers des prises de participations en Europe et au Maghreb notamment, à la recherche d'un maximum de rendement. La QNB a d'ailleurs récemment remporté haut la main la privatisation d'une banque en Tunisie ainsi qu'en en Libye et était avancée comme un candidat sérieux pour la reprise de l'UMB au Maroc. La banque a également été souvent citée pour la reprise de parts dans la BMCE... À en croire un banquier d'affaires, la piste de l'augmentation de capital est particulièrement recommandée dans le cas d'Attijariwafa Bank, car la filiale de la SNI a entamé une stratégie très agressive de développement à l'étranger qui nécessite la mobilisation de fonds pour les phases qui viennent. «C'est le seul moyen pour que AWB évite de financer son développement à l'international en déduction de fonds propres et au détriment des crédits au niveau national. AWB a besoin de 5 à 7 milliards de DH et ce n'est que par le biais d'une augmentation de capital qu'elle pourra les mobiliser», explique cet expert en finances. Et d'ajouter : «Dans la conjoncture actuelle, s'associer à un leader tel que QNB se trouve être l'option la plus intéressante. Ils ont les fonds nécessaires mais aussi le savoir-faire et la renommée qu'il faut pour aborder de nouveaux marchés et de nouveaux services bancaires». Selon un économiste, fin connaisseur du secteur bancaire, le modèle le plus adapté pour le Maroc en terme de banques islamiques est celui bâti autour de deux corps de métier: le crédit immobilier et la mobilisation de l'épargne (dépôts). Et ces deux types de métiers collent parfaitement aux spécialités déjà développées par Attijariwafa Bank à travers sa filiale Dar Assafa.
Une opération, plusieurs enjeux
Nous sommes donc devant une opération à plusieurs enjeux. L'enjeu du financement du développement du champion national en Afrique et au Maghreb en dopant l'autonomie opérationnelle de la banque et l'enjeu national lié à l'absorption du déficit en liquidité du secteur. Reste alors le timing de l'annonce. Le marché boursier, qui se faisait déjà écho de cette opération depuis quelques semaines, l'attendait même avant la fin de l'année, nous confie un analyste. Mais puisque le deal est visiblement scellé pour le premier trimestre 2012, son annonce permet d'envoyer un message positif au marché financier et aux investisseurs pour mieux aborder leurs prévisions à l'aube de 2012. Une annonce qui, selon un économiste tombe à pic, surtout après la dernière sortie de Jouahri où il affirmait que les premiers signaux de l'impact de la crise économique mondiale devraient apparaître dès l'année prochaine. Chose qui aurait poussé plusieurs banques de la place à «fermer le robinet» du financement, surtout pour les PME, clientèle jugée fragile et présentant un taux de risque élevé d'impayés. Les Banques et les PME, et donc toute l'économie marocaine, peuvent ainsi pousser un ouf de soulagement en attendant la manne SNI-AWB, remède de cheval au mal de la liquidité.
Point de vue
Hammad Kassal,
Economiste.
Il était temps que les banques marocaines s'internationalisent. Le gouverneur de Bank al Maghrib a annoncé que le cadre législatif allait être adapté à l'entrée en jeu des banques islamiques sur le marché et tous les signaux montrent que les feux ont été mis au vert pour ouvrir la voie à l'arrivée des qataris sur un terrain qui était jusque là la chasse gardée des banques françaises. Ces derniers ont des excédents et pratiquement pas de dépenses. Ils cherchent des placements intéressants pour leurs fonds et dans la région, au lendemain du printemps arabe, il n'y a que le Maroc, avec ses projets d'infrastructures et de développement économiques, qui a la capacité d'absorber la masse excédentaire du pétrodollar. Je suis pour l'arrivée des banques islamiques pour dynamiser le développement du secteur bancaire et surtout pour répondre à la demande du financement de l'économie. Les PME qui souffrent d'un rejet continuel du système bancaire classique peuvent trouver dans les formules de financement des banques islamiques de quoi assurer leur développement. Je pense aux produits type Mourabaha ou Moucharaka notamment. Les banques islamiques, à travers le monde, sont connues pour financer les activités productives. L'arrivée de nouvelles banques animera le marché et permettra surtout de bancariser une bonne partie de la population qui rejetait le modèle bancaire classique et se reconnaissait plus dans la banque islamique. L'association de ces banques avec des enseignes nationales de première facture est un gage de confiance supplémentaire.


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