Dans quelques jours, cette région du monde «célèbrera» le premier anniversaire de ce qui avait commencé comme une «Révolution de jasmin» pour devenir un «Printemps arabe». De Tunis à Manama en passant par Rabat et le Caire, les jeunes internautes du Maghreb et de certains Etats arabes ont initié, en décembre dernier, une révolution virtuelle qui s'est donné rendez-vous dans les rues. Un basculement qui a bouleversé les autorités de ces pays presque autant que les médias traditionnels. Presse écrite, stations radios, chaînes de télévision, les journalistes et reporters du monde entier - et surtout locaux - se sont alors mobilisés pour couvrir ces événements historiques et rendre compte à l'opinion publique, en particulier internationale, de cette révolution qui avait vu le jour sur la Toile. Un an plus tard, l'association internationale Reporters sans frontières dresse le bilan de la censure et des violations de la liberté d'informer pendant ce Printemps arabe, qui n'a pratiquement plus aujourd'hui de printemps que le nom. Triste bilan Premier chiffre évoqué dans ce triste bilan: «Onze professionnels des médias ont trouvé la mort dans l'exercice de leur fonction, parmi lesquels des figures de renom du photojournalisme international». Et de préciser que les principales victimes restent «les journalistes locaux». Deuxième constat, bonne ou mauvaise nouvelle, sur la demi-douzaine de pays étudiés à la loupe par l'organisation internationale, le Maroc n'est pas évoqué. Ou presque. Dans son rapport, RSF rappelle qu'au Maroc, «Mohammed VI fait adopter par référendum le 1e juillet, un projet d'amendement constitutionnel». Ouf ! Serions-nous tentés de dire, à la lecture de cette seule phrase concernant le royaume dans ce document. Il faut reconnaîre que sur l'ensemble du paysage médiatique régional, les médias marocains s'en sont plutôt bien sortis. Si l'on met, évidemment, de côté les coups et altercations subis par certains journalistes, notamment de la deuxième chaîne nationale lors de certaines marches «pacifistes» organisées par le Mouvement du 20 février. Révolution ou évolution médiatique L'ONG internationale relève donc que pendant ces révolutions, les médias ont joué un rôle «crucial, en couvrant les mouvements de contestation et leur répression, et en soutenant les mobilisations». Bien qu'ayant été rattrapés par les nouveaux médias, en l'occurrence Facebook et Twitter, les médias plus traditionnels, souvent publics dans ces régions du monde, ont tout de même soutenu les mouvements populaires dans leur révolte. Même une chaîne de divertissement telle que Nessma TV en Tunisie avait changé de casquette en l'espace de quelques heures, passant des magazines de mode et talkshow people au journalisme d'investigation et aux débats politiques. Bref «le ton des médias a changé», atteste le rapport. La révolution n'aura donc pas touché que les rues mais également les tabloïdes, postes de radio et écrans télévision. Au Maroc, la petite lucarne n'aura pas subi de métamorphose aussi radicale, mais l'air printanier aura tout de même soufflé dans les couloirs de nos chaînes nationales, à ceci près qu'à l'image, rien n'y paraissait vraiment. En effet, dès les premières heures du Mouvement du 20 février, les chaînes de télévision nationales se prêtaient au jeu de la couverture objective et tendaient le micro tant aux manifestants qu'aux observateurs de tout bord. L'annonce de la réforme constitutionnelle aura quelque peu chamboulé les grilles des programmes, mais sans grands dégâts pour les adeptes des télénovelas doublées en darija. Par contre, dans les coulisses, les professionnels de l'information s'agitent. Manifestations, avec le soutien du Mouvement du 20 février d'ailleurs, sit-in de protestation, grèves... les appels à la réforme et au changement se suivent et se ressemblent. Signe que les promesses données par les hauts lieux du pôle public audiovisuel surtout n'ont pas tout à fait été tenues. Certes, pas de décès, d'agression ou d'arrestation, mais un secteur qui réclame depuis plusieurs années une refonte de sa structure juridique, financière et administrative. Ce printemps des médias qui avait commencé bien avant celui des Etats arabes, n'aura finalement pas eu d'effet néfaste sur les professionnels. Mieux, il n'aura pratiquement eu aucun effet sur le secteur. Si l'on est donc soulagé de constater qu'une organisation telle que RSF, ne note aucun décès, aucune agression ou arrestation de journaliste au cours de ces révolutions, on regrette tout de même qu'à l'image du pays, les médias marocains n'aient pas eu l'occasion de voter une nouvelle Constitution, et d'élire un nouveau gouvernement.