Avec 56 journalistes et collaborateurs des médias tués, la guerre en Irak est le conflit inter-étatique le plus meurtrier pour la presse depuis la guerre du Vietnam, affirme Reporters sans frontières dans un rapport diffusé mardi à l'occasion de la Quinzième Journée internationale de la liberté de la presse. Soixante-trois journalistes avaient trouvé la mort, en majorité sous des balles perdues, au Vietnam, entre 1955 à 1975. Soit un bilan à peine plus lourd que celui atteint en deux ans seulement de conflit en Irak, où la violence à l'encontre des journalistes s'est accentuée en mai 2004: depuis cette date, un journaliste y a perdu la vie chaque mois. Délibérément visés dans près de la moitié des cas, les journalistes sont victimes de la "médiatisation massive" du conflit, analyse RSF. "Acteurs incontournables", ils sont devenus des "cibles potentielles" pour ceux qui contestent la présence de troupes étrangères sur le sol irakien et la légitimité des nouvelles autorités de Bagdad. "En Irak, les reporters, qu'ils soient étrangers ou irakiens, sont une cible", déplore RSF. Un tiers des journalistes tués ont été les victimes de ces groupes. Dans huit cas cependant, le Pentagone a reconnu que des soldats américains avaient involontairement causé la mort de journalistes. Quelques jours après le début du conflit, le 8 avril 2003, un char américain avait ouvert le feu sur l'Hôtel Palestine où logeait la majorité des journalistes présents à Bagdad. Taras Protsuyk, cameraman pour l'agence Reuters et José Couso, de la chaîne espagnole Telecinco avaient ainsi trouvé la mort. Le même jour, Tarek Ayoub, journaliste d'Al-Jazira, était tué dans les locaux bagdadis de la chaîne. Mais les journalistes les plus touchés ne sont pas des ressortissants des pays membres de la coalition. Selon RSF, "la nationalité des journalistes ne constitue en aucun cas une protection". Ainsi, les deux médias ayant perdu le plus de collaborateurs sont des chaînes de télévision irakiennes, Kurdistan Satellite TV (chaîne du Parti Démocratique du Kurdistan) et Al-Iraqiya, station irakienne financée par le gouvernement américain. Depuis septembre 2004, tous les journalistes morts en Irak étaient de nationalité irakienne. Autre particularité du conflit, les prises d'otages. L'Irak est ainsi devenu le "plus grand marché aux otages du monde pour les journalistes", affirme RSF. Vingt-neuf journalistes et collaborateurs de médias ont été enlevés depuis le début du conflit. L'Italien Enzo Baldoni et les trois Irakiens Raeda Wazzan, Houssam Hilal Sarsam et Ahmed Jabbar Hashim ont été exécutés. Début mai, cinq journalistes étaient toujours détenus par leurs ravisseurs. "La nationalité des journalistes enlevés prouve bien que le combat politique n'est pas la seule motivation des ravisseurs", avance RSF, selon qui "l'aspect rémunérateur" des prises d'otage comme "l'entêtement de certains groupes à maintenir le pays dans un chaos général" sont deux motivations. La France est le pays le plus touché par ces enlèvements. Six journalistes français ont été kidnappés depuis le début du conflit. La journaliste Florence Aubenas, enlevée le 5 janvier 2005 avec son guide irakien Hussein Hanoun, n'a toujours pas été libérée. Enfin, on est toujours sans nouvelles de deux journalistes: Frédéric Nérac, cameraman français d'ITN disparu le 22 mars 2003, et Isam Mushin Al-Shumary, cameraman irakien de la chaîne Suedostmedia, le 15 août 2004.