Malgré une hausse considérable des affaires jugées en 2017, le taux d'application des jugements et arrêts ne dépasse pas les 50%. Il a été conféré à ces tribunaux la compétence de procéder à des sanctions disciplinaires à l'encontre des membres des collectivités territoriales en cas de manquement à leur devoir. L'ouverture de l'année judiciaire a été l'occasion pour le premier président de la Cour d'appel administrative, Mohamed Squalli Houssaini, de présenter les chiffres de l'année 2017 concernant les recours contre l'Etat. L'accès aux juridictions administratives a augmenté d'environ 40% entre 2012 et 2017, ajoutant que l'année dernière, il avait enregistré 7.900 cas contre 7.615 cas un an plus tôt, ce qui porte le nombre de dossiers en cours à 11.189 cas. Selon Squalli, les juridictions ont fait preuve de «réactivité» face à cet engouement en statuant sur 71,30% des affaires enregistrées, tout en baissant la durée de vie des affaires de 150 jours en 2016 à 108 en 2017. Néanmoins, malgré ses prouesses, l'exécution de ces jugements ne dépasse pas 51% des affaires en cours, bien qu'il y ait une hausse considérable des montants recueillis, qui ont quintuplé entre 2014 et 2017, passant de 391 MDH à plus de 2 milliards en 2017 et ceci sans comptabiliser les montants recueillis par les administrations directement à la source, sans passer par la caisse du tribunal. Selon le ministère de la Justice, ce taux reste «faible», raison pour laquelle le département gouvernemental a établi un nouveau référentiel qui a été adopté dans le cadre d'un consensus entre les juges et le syndicat des avocats, lequel fixe aussi bien les nouveaux délais de jugement des affaires (y compris les affaires à caractère administratif) que de leur exécution. Les atteintes portées à l'obligation d'exécution des décisions des juridictions administratives peuvent être expliquées, d'abord par une raison quantitative. En effet, l'accroissement du nombre des affaires portées devant le juge administratif génère d'une manière quasi mécanique un accroissement proportionnel du nombre des atteintes à la chose jugée. À cela s'ajoute la durée excessive de l'instance induite par l'incapacité de la justice à maîtriser l'inflation galopante des domaines d'intervention de l'administration et la complexité croissante des textes juridiques. La lenteur dans l'exécution est souvent due à la complexité des opérations comptables et financières nécessaires pour procéder à l'exécution de la décision juridictionnelle. L'administration invoque souvent l'insuffisance des crédits pour se soustraire au paiement de l'indemnité objet de la condamnation. La Cour de cassation rejette constamment cette justification et souligne que «l'absence de crédit pour payer ces sommes ne saurait modifier les droits que les intéressés tiennent» des décisions juridictionnelles intervenues en leur faveur. Ainsi, «on peut, en définitive, affirmer que lorsque la puissance publique fait prévaloir des considérations partisanes et politiques ou d'opportunité administrative sur le respect de la légalité, l'administré ne peut que se sentir trahi ou, pire, persécuté par une administration censée être à son service», explique un magistrat administratif de Casablanca. Ainsi, le ministre de la Justice, Mohamed Aujjar, explique que «le moment est venu de réfléchir sérieusement aux mesures qui s'imposent et sans lesquelles la justice toute entière risque de devenir la zone d'ombre de nos institutions». Et pour lui, le chantier de l'amélioration de l'exécution des jugements sera appelé à connaître une évolution positive grâce à la mise en œuvre de la régionalisation avancée, rappelant que les décrets d'application relatifs aux lois sur les collectivités territoriales ont prévu une évolution claire du concept traditionnel de tutelle administrative vers un concept plus novateur basé sur l'implication de la justice administrative dans le contrôle des collectivités territoriales. À ce titre, il a été conféré à ces tribunaux la compétence de procéder à des sanctions disciplinaires à l'encontre des membres des collectivités territoriales en cas de manquement à leur devoir. Aussi les tribunaux administratifs sont désormais habilités à procéder à des licenciements et des suspensions en vertu d'une décision de justice, au lieu que ça vienne d'une décision administrative. De nouveaux pouvoirs qui «constituent, un signal fort de la part de l'Etat pour renforcer le rôle stratégique que peut jouer la justice administrative dans le renforcement du projet de la régionalisation avancée et ceci à travers l'établissement d'un équilibre entre l'autorité administrative centrale et les collectivités territoriales».