Dans l'interview que William Thornton, coordinateur de Greenpeace Méditerranée et Monde arabe, nous a accordée, l'ONG Greenpeace dévoile une facette peu connue: celle de promoteur de l'usage de l'énergie solaire pour... les plus démunis. Les Inspirations ECO : D'où vous est venue l'idée de lancer le projet «Do It Yourself, DIY Solar Cooking» ? William Thornton : Le projet «Do It Yourself, DIY Solar Cooking» s'inscrit dans la continuité des activités du bureau de Greenpeace Monde arabe-Afrique du Nord entamées en 2016 dans le cadre de la COP22 et visant à lutter contre le changement climatique. Le projet a trois objectifs précis. Il s'agit d'abord de sensibiliser les communautés locales, en particulier celles des zones rurales aux bénéfices des énergies vertes, comme l'énergie solaire, et les inclure dans la transition énergétique. Ensuite, il est question de proposer une alternative à un problème concret du quotidien qui est celui de l'utilisation importante du butane dans les foyers marocains. Ce dernier est en effet utilisé pour l'irrigation, l'agriculture mais aussi -et surtout- en cuisine avec les nombreux risques qu'il comporte pour la santé et pour l'environnement. Enfin, l'ambition est de renforcer les capacités de nos volontaires et faire d'eux de véritables acteurs du changement climatique, notamment des ambassadeurs solaires au Maroc. Pour quelles raisons avez-vous porté votre choix sur le Maroc après une première mise en œuvre au Liban ? Le bureau de Greenpeace Monde arabe-Afrique du Nord a commencé ses activités de terrain au Maroc l'année dernière avant, pendant et après la COP22. Le choix du Maroc était une évidence étant donné son rôle de locomotive dans la région, s'agissant de la lutte contre le changement climatique. Les autorités marocaines ont saisi le taureau par les cornes en lançant des mesures concrètes pour engager le pays sur la voie de la transition énergétique avec des objectifs ambitieux (52% d'énergies renouvelables d'ici 2030), mais aussi de grands projets comme la centrale solaire de Noor Ouarzazate. Toutefois, si le gouvernement marocain a sans nul doute montré sa volonté de progresser vers l'énergie verte, il reste encore de nombreuses avancées à faire, en particulier au niveau des projets décentralisés. Comment s'est déroulée l'opération au Maroc cet été ? Le projet «Do It Yourself, DIY Solar Cooking» a débuté les 19, 20 et 21 juillet a Casablanca avec la formation qui a été dispensée à 22 volontaires afin de leur donner les outils pratiques/techniques et les connaissances nécessaires pour pouvoir monter leur propre cuiseurs solaires tout en étant capable de communiquer sur les bénéfices de l'énergie solaire auprès des populations des villages. Par la suite, les volontaires, devenus des ambassadeurs, ont lancé fin juillet la tournée de «la Caravane du soleil» avec des formations en cuisine solaire proposées aux communautés locales, et notamment les femmes, de plusieurs villages. Quelles étaient les régions concernées, et qu'est-ce qui a motivé leur choix ? Jusqu'à présent, 19 formations ont été dispensées dans plusieurs villages de régions différentes: Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Fès-Meknès, Casablanca-Settat, Drâa-Tafilalet et Marrakech-Safi. Le choix a été effectué par les volontaires eux-mêmes qui se sont déplacés dans le village de leur choix, se sont mis en contact avec des associations locales et ont eu des entrevues avec les autorités du village afin de bien préparer la tenue de la formation. Votre principal objectif est de remplacer le gaz butane largement utilisé actuellement -y compris dans nos campagnes- par l'énergie solaire. En avez-vous vraiment les moyens ? Au Maroc, le gaz butane est subventionné par l'Etat, ce qui constitue un fardeau pour les dépenses publiques. De même, son utilisation s'avère très coûteuse pour les familles modestes, notamment celles des communautés rurales. Il y a donc un double intérêt pour l'Etat et les habitants de réduire sa consommation. Les formations données par les volontaires aux communautés des villages mettent en avant des cuiseurs solaires faits à partir de matériaux de base tels que le carton, l'aluminium, des pneus, du verre et du papier journal. Ceci ne constitue pas une solution de remplacement au butane mais plutôt un complément, une alternative qui peut améliorer le quotidien des gens des villages. Les cuiseurs solaires à monter soi-même sont surtout un moyen de montrer aux gens des zones rurales les bénéfices qu'ils peuvent tirer à utiliser l'énergie solaire. Laquelle énergie n'est pas seulement destinée à des mégaprojets tels que Noor Ouarzazate, mais elle est également disponible pour tout un chacun, chez soi pour la cuisine et l'électricité, si tant est que le gouvernent marocain mette en place de véritables mécanismes pour faciliter la diffusion des installations solaires décentralisées. Pour aller plus loin, nous mettons en avant la loi 58-15 sur les énergies renouvelables, qui permet à ceux qui possèdent des panneaux photovoltaïques de revendre l'excédent d'énergie solaire produit. Avez-vous des partenaires bailleurs de fonds qui vous soutiennent ? Greenpeace est une organisation non gouvernementale indépendante. De ce fait, au Maroc, nous travaillons uniquement avec des associations locales marocaines comme l'Alliance marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD) et l'Association des enseignants des sciences de la vie et de la terre (AESVT).