Ils se sont fendus d'un communiqué conjoint qui remet sur la table les questions d'adaptation à la loi 88.13 ainsi que le respect de la déontologie. Une rencontre avec le ministère de tutelle prévue à la mi-septembre promet d'apporter les réponses nécessaires. La presse marocaine est sur la sellette. L'on se pose, désormais, plusieurs questions sur son avenir, sa crédibilité, son modèle économique et son professionnalisme. Sur fond de velléités, jusqu'ici non mise en exécution, de reporter l'application de la loi 88.13 relative à la presse et à l'édition, les hypothèses vont bon train. Cette loi censée remettre de l'ordre dans le landerneau journalistique est entrée en vigueur le 15 août dernier en respect de l'article 125 qui offre une période d'adaptation d'un an depuis sa publication dans le BO du 15 août 2016. Nous l'avions bien mis en exergue dans nos colonnes, il y a quelques jours, tout report d'application de la loi serait préjudiciable à une profession amochée par le pullulement de sites d'informations en quête d'audience à tout prix. Séparer le bon grain de l'ivraie Dans ce contexte, le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) et la Fédération marocaine d'éditeurs de journaux (FMEJ) viennent de rendre public un communiqué conjoint dans lequel ils s'accrochent mordicus à l'application de la loi 88.13. «Toute concession à propos des critères de professionnalisme ne fera que consacrer le chaos et le laisser-aller dans un secteur très sensible», lit-on dans le communiqué. Dans une rencontre avec le ministre de la Culture et de la communication, tenu le 25 août, le syndicat et la fédération ont réitéré leurs positions vis-à-vis des questions liées à la liberté de la presse, l'organisation de la profession et son immunisation. Les deux interlocuteurs sont d'attaque pour défendre la déontologie de la presse essentiellement liée à la mise en place du Conseil national de la presse. Toutes ces questions et bien d'autres feront certainement l'objet d'échanges plus riches et parfois houleux entre les parties concernées à partir de la mi-septembre. L'objectif étant de séparer le bon grain de l'ivraie sans exclusivisme, mais en ayant à l'esprit la qualité de l'information et sa véracité qu'on livre aux lecteurs marocains. Contacté par les ECO, Abdellah Bekkali, président du SNPM, nous a confié que le ministère de tutelle avait préparé un projet de décret pour reporter de 6 mois l'application de la loi 88.13, mais ledit texte n'a pas encore été soumis au Parlement sur demande des ministères de la Justice et de l'Intérieur. Ce projet de décret vise à donner une période supplémentaire aux organes de presse, principalement les sites d'information, pour se mettre en harmonie avec les dispositions de la loi. Il s'agit essentiellement d'avoir un directeur ayant au moins la licence ou équivalent en termes de formation journalistique et la carte professionnelle de presse. Or, dans la foulée de la création de centaines de sites, Bekkali en recense plus de 5.000 dont seulement une centaine ont déposé leurs dossiers d'harmonisation chez les tribunaux, on a été peu regardant sur les critères légaux. «Comme l'on ne peut devenir avocat, médecin..., sans respecter certains critères organisationnels et légaux, dont l'appartenance à un ordre de métier, ceci est également valable pour la presse», argumente Bekkali. Question de modèle économique Mais il y a aussi un autre souci d'ordre économique. Alors que les entreprises de presse structurées investissent dans la qualité et emploient des centaines de journalistes, techniciens, reporters d'images, sans oublier le coût du papier et de l'impression, des centaines de sites arrivent à avoir leur part du gâteau sans coup férir. Ce sont deux modèles diamétralement opposés, un peu à l'image de l'économie structurée et de l'informel ou encore du magasin qui paie ses impôts et les ferrachas (vendeurs de rue) qui lui grignotent chaque jour un peu plus de clients, mais le plus préoccupant dans l'histoire, c'est que la plupart des sites font de l'intox et du colportage leur fonds de commerce, participant au nivellement par le bas au lieu d'être des leaders d'opinion. Car au fil du temps, si l'on habitue le lecteur marocain à ce genre de traitement de «l'information», il finira par se détourner de la presse de qualité qui respecte les valeurs et la déontologie journalistiques. Certes aujourd'hui, la loi 88.13 est entrée en vigueur, mais il est de coutume que les tribunaux ajoutent un mois supplémentaire, ultime délai de tolérance, pour permettre aux retardataires pour une raison ou une autre de se conformer aux dispositions de la loi. Ce délai devra prendre fin le 15 septembre, date où le ministère de tutelle, en concertation avec le syndicat et la fédération, doit trouver une solution ou sévir contre les sites et journaux qui ne se plient pas aux critères de la loi. Il y aura certes du remue-ménage, mais toute nouvelle loi n'est pas faite uniquement pour faire des heureux.