Les missions de l'autorité pour la parité, considérée comme une coquille vide tant par la société civile que par l'opposition, seront-elles renforcées? Tel est l'espoir émis par les députés du PAM qui ont déposé un recours devant la Cour constitutionnelle. Plusieurs points sont relevés, dont le manque d'indépendance de la future instance. Très controversée, la loi portant création de l'Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination (APALD) devra recevoir l'aval de la Cour constitutionnelle avant son effectivité. En effet, l'ancien président du groupe parlementaire du Parti authenticité et modernité à la Chambre des représentants, Abdellatif Ouahbi, est parvenu à déposer un recours devant cette instance constitutionnelle pour statuer sur la non-conformité du nombre de dispositions de ce texte. Première force numérique de l'opposition à la chambre basse, le parti du tracteur parvient facilement à user de cet outil prévu par le texte fondamental. Selon l'article 132 de la Constitution, avant leur promulgation, les lois peuvent être déférées à la Cour constitutionnelle par le roi, le chef de gouvernement, le président de l'une des chambres du Parlement, par le cinquième des membres de la Chambre des représentants ou par quarante membres de la Chambre des conseillers. Numériquement, le PAM n'a pas besoin de mobiliser les autres groupes parlementaires pour recourir à la Cour constitutionnelle, en ce qui concerne la conformité des lois à la Constitution. Il dispose, en effet, de plus de 30% des sièges à la chambre basse, soit beaucoup plus que le cinquième exigé constitutionnellement. Pour le dirigeant et député PAMiste Ouahbi, l'opposition ne doit pas lésiner sur les moyens qui lui sont offerts pour jouer son rôle, le vrai. Intenses débats Les parlementaires du PAM dans les deux chambres du Parlement ont voté contre le texte de l'autorité pour la parité. D'intenses débats ont marqué l'examen du projet de loi dans les commissions des deux chambres du Parlement. Cependant, le gouvernement a réussi à tirer son épingle du jeu grâce à sa majorité. Le texte a été entériné en séance plénière le 8 août dernier en deuxième lecture par la Chambre des représentants avec 129 voix pour et 52 contre. En tout cas, le verdict de la Cour constitutionnelle est plus que jamais attendu, par les parlementaires comme par la société civile, qui affiche sa grande déception quant au rejet de la plupart des propositions d'amendement et des observations formulées par les acteurs associatifs, en dépit des concertations menées avant la mise du texte dans le circuit législatif. Manque d'indépendance Dans son recours à la Cour constitutionnelle, le groupe du PAM relève un certain nombre de points, à commencer par le manque d'indépendance administrative de la future autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination, ce qui limitera son pouvoir ainsi que son indépendance financière. Cette question, rappelons-le, a été évoquée par le Conseil national des droits de l'Homme dans son mémorandum sur l'APALD: l'indépendance des institutions œuvrant dans des domaines sensibles tels que les droits de l'Homme en général, et la lutte contre les discriminations en particulier, est vitale. Cette indépendance permet à ces institutions de s'acquitter des attributions qui leur sont conférées par la loi dans la sérénité et d'inscrire leur action dans une perspective stratégique et durable. De l'avis de Ouahbi, le manque d'indépendance de l'APALD n'est pas conforme aux dispositions de l'article 159 de la Constitution, qui stipule que les instances en charge de la bonne gouvernance sont indépendantes et bénéficient de l'appui des organes de l'Etat. Le groupe parlementaire du PAM s'appuie dans son recours sur un autre argument : le chevauchement de quelques prérogatives de la future instance avec certaines du Conseil national des droits de l'Homme, sans pour autant que le texte mentionne la nécessité de la coordination entre les deux institutions. Une situation qui cause le gaspillage des deniers publics et la déperdition des efforts. Le PAM critique également la disposition imposant à l'autorité de formuler son avis avant l'adoption des projets de loi par le gouvernement. Cela constituera un obstacle pour la formulation, par l'APALD, de ses observations lors des discussions parlementaires des projets de loi. Le recours parlementaire pointe également du doigt la composition des membres de l'instance qui risque de déteindre sur l'indépendance de prise de ses décisions. Abdellatif Ouahbi Député du PAM L'opposition est appelée à aller jusqu'au bout de sa mission. Il est illogique de ne pas recourir à une possibilité accordée par la Constitution à l'opposition, d'autant plus que le vote des parlementaires du PAM était contre la loi. Il faut ainsi déposer le recours auprès de la Cour constitutionnelle qui a le droit d'étudier le texte dans sa globalité et, le cas échéant, d'émettre son avis sur des points qui ne sont même pas mentionnés dans le recours parlementaire. La Cour constitutionnelle explique les textes conformément aux dispositions de la Constitution, ce qui va permettre d'ouvrir le débat». Pouvoir quasi-judiciaire : un vœu pieux Le mouvement féminin tire à boulets rouges sur l'Exécutif et considère que la loi portant création de l'APALD telle qu'elle a été adoptée par le Parlement est trop lacunaire, qu'elle ne permettra pas d'atteindre les objectifs escomptés en matière de parité. L'espoir aurait été de doter cette instance d'un pouvoir quasi-juridictionnel en lui accordant la possibilité de prononcer des décisions pour rétablir certaines situations. Le Conseil national des droits de l'Homme avait recommandé l'adoption d'un mandat de type quasi-judiciaire permettant de traduire l'esprit et la lettre de la Constitution: le terme «autorité» renvoie à une institution quasi-judiciaire qui va au-delà du traitement et de l'acheminement des plaintes.