Ce vendredi 25 novembre 2011, 13.626 357 citoyens inscrits sur les listes électorales, sur les 21,5 millions de Marocains en âge de voter, sont appelés à désigner les 395 représentants, sur 7.102 candidats, qui siègeront à la première chambre. 27 partis politiques, sur la trentaine que compte le champ politique national, participent à travers 92 circonscriptions électorales à ce scrutin, le premier de la nouvelle ère démocratique dans laquelle s'est engagé le Maroc et qui a pris effet, depuis le 1er Juillet, avec l'adoption de la nouvelle Constitution. Une étape cruciale, à plus d'un titre, puisque au-delà des enjeux propres à toutes consultations électorales, les législatives de ce 25 novembre constituent un test décisif qui entérinera la légitimité de l'option marocaine pour une révolution pacifique, dans le sillage des mouvements de contestation populaire qui ont marqué, cette année, la région arabe. Plus qu'une simple élection, c'est donc tout l'avenir du Maroc qui se joue dans les urnes, comme dans toute démocratie qui se respecte. Un processus de la réussite duquel dépendra le Maroc de demain et qui devra confirmer ce que certains qualifient, non sans raison, «d'exception marocaine» et dont la responsabilité incombe à tous les Marocains, au premier plan, les partis politiques sur qui reposent désormais la lourde responsabilité de conduire le train des réformes politiques et socioéconomiques destinées à relever les défis d'un Maroc émergent. Des résultats de ce scrutin sortiront, en effet, les hommes et les femmes qui seront comptables devant l'histoire des choix stratégiques qui seront adoptés pour la réussite de cette révolution historique. Pendant près de deux semaines, ces derniers ont eu l'occasion d'aller au devant de leurs électeurs pour exposer leur vision ainsi que leur programme afin de s'assurer de la confiance des citoyens, sur lesquels repose le soin de choisir, en toute liberté, les compétences capables d'apporter des réponses concrètes à leurs légitimes attentes. Une campagne électorale qui a été, également, l'occasion pour les partis et hommes politiques de démontrer leurs capacités à s'approprier le vent de changement qui souffle sur la région et, particulièrement pour le Maroc, les dispositions de la nouvelle Constitution que les Marocains ont largement plébiscitée. Signe que la mouture commence à prendre, la campagne électorale s'est déroulée sous de bons auspices, ce qui, en principe, augure des conditions d'un scrutin sain et transparent. Campagne électorale propre Selon le constat dressé, à J-1, par le ministère de l'Intérieur, maître d'œuvre de l'organisation des élections, à la veille du scrutin, «la campagne électorale relative à l'élection des membres de la chambre des représentants, prévue le 25 novembre 2011, qui a été lancée le 12 novembre courant, se poursuit dans des conditions normales et dans un climat de mobilisation et d'enthousiasme sous l'encadrement des partis politiques et de leurs candidats, et ce, dans les différentes préfectures et provinces du royaume». Plus explicites encore, les chiffres officiels font état de plus de 9.500 activités organisées durant cette période et qui ont drainé plus de 608.000 participants, soit une moyenne de plus de 55.200 par jour. Des statistiques qui témoignent, si besoin est, de l'engouement que suscite ce scrutin, largement suivi au niveau international, ce que confirme la présence de plus de 4.000 observateurs nationaux et internationaux, une première au Maroc. Dans l'ensemble, les partis ont été à la hauteur, de l'avis de plusieurs observateurs, même si l'ambiance était plus marquée au niveau du monde rural qui a concentré 52% des activités selon les mêmes constats dressés par le département de l'Intérieur. Une option qui s'explique par le fait que la majorité de l'électorat vient du rural. Dans les centres urbains, la campagne a été plus axée sur un recours massif aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment le web et les médias sociaux (www.lesechos.ma). Cette édition de la campagne électorale s'est également caractérisée par une professionnalisation de la communication politique et dans l'ensemble, les programmes électoraux se sont avérés nettement mieux affinés que par le passé, tous les partis n'étant pas logés à la même enseigne. Autre aspect qui mérite d'être souligné, l'effort palpable des partis politiques de répondre à la nécessité d'entamer une mue par le biais du renouvellement des élites. Si la présence de notables et de plusieurs «professionnels des élections» est encore de mise, la jeunesse est relativement bien représentée, en plus de la liste nationale que ces derniers partagent inéquitablement avec les femmes. Les références mises en avant par les différents partis sont assez édifiantes. Près du tiers des candidats ont moins de 35 ans alors que les plus de 55 n'en représentent que 15%. Côté genre, les candidatures féminines ont atteints 22,87% et pour le niveau d'instruction, «les cols bleus», qualificatif donné aux candidats justifiant d'un diplôme de l'enseignement supérieur, représentent 46,42%, auxquels s'ajoutent 38,62% justifiant d'un diplôme de niveau secondaire, contre moins de 3% de ceux qui sont qualifiés de sans instruction. Evidemment, cela relève que des candidats déclarés, reste à savoir la part de chaque frange qui sera véritablement représentée au Parlement, c'est-à-dire au lendemain des élections. Transparence électorale L'un des aspects marquants de ce scrutin, c'est aussi la sérénité avec laquelle les partis politiques l'abordent. Dans l'ensemble toutes les conditions d'un scrutin régulier et transparent ont été garanties par l'Etat qui a investi près de 220 millions de DH au financement de la campagne électorale. Ce montant est en hausse de 10% par rapport à 2007 et s'ajoute à celui destiné à la préparation des élections administratives au niveau des 40.000 bureaux de vote installés sur le territoire national avec tout ce que cela comporte comme charges additionnelles (imprimés, bulletins,...). D'ailleurs, en amont du démarrage de la campagne, le souverain en personne s'est déclaré garant de la transparence du scrutin et toutes les directives ont été données à l'autorité de tutelle pour traduire en acte cet engagement, de l'aveu fait par le Premier ministre aux responsables des partis politiques, en marge des consultations menées en amont du scrutin. Le grand test de ce 25 reste en définitive, donc, à la charge des citoyens dont la participation, qui constitue un des enjeux majeurs du scrutin, attestera de la crédibilité des réformes engagées et légitimera les institutions de demain. Mode d'emploi Le scrutin de ce 25 novembre ressemble, à quelques exceptions près, à celui de 2007, puisqu'il se fera au scrutin de liste à un tour et à la représentation proportionnelle au plus fort reste. 395 sièges sont à pourvoir dont 305 à travers les 92 circonscriptions électorales que compte le pays selon le nouveau découpage. Le reste sera pourvu selon les deux listes nationales, celles pour les jeunes avec 30 sièges et les 60 autres restants réservés aux femmes. Si pour les listes locales, l'avantage est donné aux «grands partis», avec un seuil d'éligibilité fixé à 6%, pour les listes nationales, ce sont les «petits partis» qui tirent profit, puisque le seuil électoral a été fixé à ce niveau à 3%. Notons également que selon les dispositions de la loi électorale, le système de liste est dit «fermé», ce qui signifie que les candidats seront déclarés élus selon l'ordre fixé par chaque parti en fonction des sièges qu'il aura remportés au niveau de chaque circonscription, ce qui avantage, d'office, les têtes de listes. Selon un candidat que nous avons approché, certains candidats qui figurent en tête de liste ont trouvé l'astuce de faire croire à leurs seconds qu'ils seront, éventuellement, nommés ministres pour les encourager à plus d'engagement dans la campagne en leur faisant miroiter la possibilité de leur succéder au Parlement. Surtout que le nombre de sièges varie de 6 à 2 pour certaines circonscriptions. Comme quoi, en politique, les coups bas sont permis meme au sein de la même famille.