Carlos Lopes, Ancien secrétaire exécutif de la Commission économique de l'ONU pour l'Afrique. Membre du groupe d'experts pour la réforme de l'UA Réforme de l'Union Africaine, introduction de la taxe sur les importations pour financer l'instance panafricaine, entrée en vigueur de la ZLEC... Carlos Lopes, ancien secrétaire exécutif de la Commission économique de l'ONU pour l'Afrique et membre du groupe d'experts pour la réforme de l'UA, répond aux «Inspirations ECO». Les Inspirations ECO : Quelles sont les nouveautés de la réforme proposée par le président Paul Kagame ? Carlos Lopes : La réforme a un certain nombre d'objectifs, mais le plus important c'est de rendre l'organisation plus adaptée aux exigences de l'agenda 2063. Cet agenda est très ambitieux et nous ne pouvons pas atteindre ses objectifs avec une Union Africaine qui connaît des dysfonctionnements considérables. Il va donc falloir s'attaquer à chacun des problèmes de l'UA. Il y a des problèmes liés à la gestion, d'autres de nature politique ou encore d'ordre financier. La proposition du président Kagame est très succincte et essaie d'être assez holistique, mais en même temps pratique. Lors du 29e Sommet de l'UA qui vient de se tenir à Addis-Abeba, nous avons passé en revue des progrès accomplis depuis l'adoption de la réforme en janvier dernier. La feuille de route est devant nous, bien qu'il existe quelques obstacles politiques, juridiques et techniques. Cette réforme va-t-elle permettre à l'UA d'être plus efficace sur le plan opérationnel ? Je n'ai aucun doute là-dessus et cela a déjà commencé. Par exemple, concernant le financement, si nous arrivons à introduire le système de financement proposé par la réforme, c'est-à-dire une taxe de 0,2% sur les importations, il y aura suffisamment d'argent pour que l'UA soit autonome. Être autonome, ce n'est pas seulement une question de logique, mais aussi de gestion. Actuellement, nous constatons qu'il y a beaucoup de petites activités qui ne se justifient pas et qui bénéficient de financements. Cela n'est pas sans répercussions dans le fonctionnement global de l'organisation qui devient ainsi très difficile à gérer. Il va donc falloir se concentrer sur les domaines utiles et c'est ce que propose la réforme. Un certain nombre d'activités devront être décentralisées au niveau des communautés sous-régionales afin que l'UA puisse se concentrer sur l'essentiel. Combien de pays ont commencé à appliquer la taxe de 0,2% sur les importations au profit de l'UA ? Il faut dire que nous sommes dans une situation où le budget de l'année en cours [2017, ndlr] a déjà été approuvé. Il ne peut donc être basé sur la taxe. Le budget de l'année prochaine vient d'être adopté lors de ce dernier sommet et lui non plus n'est pas établi en fonction de la taxe sur les importations, car cette taxe n'est pas encore complètement entrée en vigueur. Cela dit, 10 pays l'ont déjà introduite. Ces pays pourront directement contribuer au budget de l'UA avec les recettes issues de cette taxe sur les importations. Une dizaine d'autres pays sont également bien préparés et ont enclenché leur processus de législation interne pour l'adoption de cette nouvelle taxe. La réforme de Kagame a-t-elle vraiment des chances de se concrétiser ? Lors du sommet de janvier dernier, les chefs d'Etat ont adopté le package de réforme proposé. Nous devons donc les prendre au mot. Lors de ce 29e sommet, ils ont pris bonne note des progrès, donc nous avons avancé on ne peut plus sur les détails. Ces détails, il va falloir s'y mettre au fur et à mesure, c'est pourquoi nous avons besoin d'une feuille de route. Dans certains éléments très techniques, on observe qu'il y a des pays qui s'interrogent, notamment sur la conformité de la taxe sur les importations aux règles tarifaires de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). D'autres pays mettent en avant certaines de leurs dispositions constitutionnelles relatives à la problématique du prélèvement direct des taxes pour une organisation internationale. Certains pays doivent passer par leur Parlement pour avoir des ordonnances exceptionnelles, etc. Donc il va falloir tenir compte de toutes ces difficultés pratiques, mais réelles. Quel avenir alors pour le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique) dans cette nouvelle configuration ? Il est envisagé de créer une Agence de développement de l'Afrique qui remplacera l'organe en charge de gérer le Nepad. Cette Agence de développement de l'Afrique, c'est aussi un chantier considérable qui ne se fera pas du jour au lendemain. Quels sont les autres points forts de la réforme proposée par le président Kagame ? C'est surtout le fait que cette réforme va permettre de dégager des priorités claires à l'action de l'Union Africaine. Actuellement, c'est un fourre-tout. Il y a un autre point fort : le Nepad sera intégré dans l'orbite centrale de l'UA, à travers l'Agence de développement de l'Afrique. Celle-ci devra être responsable à première vue. Qu'en est-il de l'entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC) ? Cette question a été évoquée lors de ce sommet, suite à une récente réunion organisée à Niamey sous la présidence du président du Niger. Il a été déjà conclu un accord de principe pour une libre-circulation sur 80% des marchandises et des services. Il est vrai qu'une zone de libre-échange ambitieuse exige plus, mais c'est déjà un bon début. La promesse était de boucler le processus de cette ZLEC pour l'année 2017, je pense donc que le niveau actuel atteint dans les négociations est encourageant.