C'est à la 2e édition du Forum Africain de l'Assurance, dont les rideaux sont tombés à Marrakech hier, que tout se confirme. Le groupe Saham exacerbe son appétit sur le continent africain, notamment dans les assurances. Ghita Lahlou, Administrateur directeur général du groupe, a en effet annoncé en avant-première l'officialisation du rachat d'un des premiers groupes d'assurance en Angola. «Une opération assimilable à celle de l'acquisition de l'assureur panafricain de droit ivoirien, Colina Participations, en décembre 2010», compare-t-on auprès du top management de la structure. Saham Finances, la filiale du groupe Saham qui porte ses filiales financières et d'assurances, n'aura donc pas attendu plus d'une année pour s'ouvrir une brèche dans la citadelle des assurances en Afrique australe, jalousement dominée par les géants sud-africains. La raison sociale de la structure angolaise reprise n'a toutefois pas encore été dévoilée. Les négociations bouclées et les contrats signés, le groupe marocain doit encore attendre le visa des autorités angolaises avant de rendre publics les détails de l'opération. Ce qui est certain, c'est que l'enseigne sera «la tête de pont du groupe dans cette partie du continent». À terme, elle devrait en effet permettre d'étendre la présence tentaculaire de Colina Participations, troisième plus important assureur en Afrique de l'Ouest et Centrale, avec onze implantations internationales, exclusivement francophones, et une part de marché de 13,2% en 2009. Par ailleurs, il faut savoir que la réussite de cette opération aurait été permise par l'entrée -non moins importante- dans le capital de Saham Finances opérée récemment par la Société Financière Internationale, le bras financier de la Banque mondiale. Il s'agit, concrètement, d'une augmentation de capital évaluée à quelque 90 millions d'euros. De quoi garantir au groupe de Moulay Hafid Alamy un back-support de taille et un argument solidement crédible pour s'imposer sur le marché angolais (voir encadré), réputé généralement comme étant l'un des plus difficiles à pénétrer. Deal indirect Du côté de la SFI, le but serait de donner les moyens à l'un des groupes les plus solides à l'échelle continentale de participer au relèvement d'un secteur à potentiels manifestement élevés, mais faiblement représentatif à l'échelle mondiale. Pour le cas particulier de l'Angola, la filiale de la Banque mondiale trouve ainsi indirectement, à travers Saham Finance, le partenaire idéal. L'intervention de la SFI dans ce pays lusophone se résume en effet à la promotion de la croissance des secteurs non-miniers. Pour l'information, l'institution est déjà directement propriétaire d'un portefeuille estimé à 12,2 millions de dollars. Il est constitué de participations dans les principales structures du marché financier angolais. Il faut noter, au passage, que dans le dernier classement des 100 premières compagnies d'assurances africaines en 2011, réalisé par le magazine panafricain Jeune Afrique, aucune structure angolaise ne figure dans la liste, malgré la présence bien solide, sur ce même marché, de nombreuses filiales d'enseignes portugaises. L'arrivée de Saham devrait donc contribuer à insuffler une certaine dynamique locale au secteur, en se constituant propulseur d'activités et d'offres à travers l'innovation et le transfert d'expérience acquise via Cnia-Saada, l'autre fleuron du groupe. Autre défi, celui de s'adapter à un marché qui avance sur des principes juridiques et réglementaires différents de ceux des pays francophones. Avantage Quoi qu'il en soit, Saham semble bien parti pour s'imposer dans la course à l'expansion africaine. Avec les ambitions annoncées par les patrons de deux autres grandes compagnies d'assurance marocaines, à savoir Mohamed Kettani (Attijari) et Othmane Benjelloun (BMCE Bank), le trio marocain est en passe de se reproduire sur les marchés au sud du Sahara, pour un potentiel continental estimé à 34,8 milliards de dollars en chiffres d'affaires réalisés par les 100 premières enseignes. Le marché subsaharien des assurances aborde, dans un contexte de concurrence exacerbée, la dernière phase de sa reconfiguration. La création de la zone CIMA, suite à la tenue de la Conférence Interafricaine des Marchés de l'Assurance en 1992 a en effet complètement bouleversé la structure du secteur à l'échelle continental. Trois sociétés ivoiriennes se partageaient alors le marché, SUNU, NSIA et Colina, lesquelles ont vu d'un œil opportuniste l'encadrement naissant de l'activité. Les appétits s'aiguisant d'année en année, ces dernières ont largement profité de l'instauration en 2010 de l'impératif d'augmentation du capital social minimum requis pour exercer dans la zone (CIMA), arrêté à 1 milliard de francs CFA, au lieu de 500 millions exigés auparavant. Cet effet d'aubaine a eu une portée stratégique double. En éliminant d'abord les petites structures présentes sur la zone CIMA, les «survivantes» n'ont eu d'autres choix que de procéder à des alliances favorables à la concentration des acteurs du marché. Ainsi, pour damer le pion à ses concurrents, et à défaut de se lancer comme ces dernières dans le secteur de la bancassurance, Colina a, elle, fait le pari de s'allier conjointement à des établissements bancaires et à des sociétés d'assurance d'envergure, comme ce fut le cas avec le groupe Saham en décembre 2010. Dans un second temps, et comptant sur le renforcement conséquent de sa gamme de produits, Colina pouvait lorgner la zone australe avec grande sérénité. Si ces premières tentatives devaient s'opérer à plus long terme, il faut croire que l'activisme de Saham sur ce marché en particulier, rapporté à la prise de participation de SFI dans le capital de la filiale Saham Finances ont converti la sérénité affichée en assurance, ce qui explique, en grande patrie, l'avancement du projet de pénétration sur le marché des assurances angolais. Et ce n'est qu'un début.