C'est un fait pur et simple : étant donné que nous continuons à atteindre des niveaux records d'émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, nous augmentons le risque de catastrophe dans le monde entier, et ce, actuellement, mais aussi pour les générations futures. Cela va de pair avec la triste réalité du réchauffement, de la montée du niveau de la mer et des changements importants subis par les systèmes terrestres qui influencent tempêtes, vents et précipitations. Le bilan qui en résulte pour les vies humaines, les économies et les dépenses gouvernementales, sera une priorité pour les dirigeants mondiaux qui se réunissent à la fin du mois de mai au Mexique pour la Plateforme mondiale pour la réduction des risques de catastrophe. Les derniers chiffres indiquent que les catastrophes, dont 90% sont catégorisées comme étant liées au climat, coûtent 520 milliards de dollars par an à l'économie mondiale et font aussi basculer, chaque année, 26 millions de personnes dans la pauvreté. Au cours des 22 années écoulées depuis la COP1, la première conférence des Nations Unies sur le changement climatique, nous avons témoigné des niveaux critiques atteints par les émissions de gaz à effet de serre, ce qui ne présage rien de bon pour ceux qui vivent déjà sur des terres sèches, des collines instables ou dans des régions du monde qui dépendent de l'eau provenant de la fonte des glaciers. Au cours de cette même période, nous avons également assisté au redoublement des catastrophes météorologiques et climatiques, qui peuvent affaiblir encore davantage les pays les moins avancés comme Haïti, où environ un tiers du PIB et plus de 600 vies ont été perdues, après avoir été frappée par l'ouragan Matthew en octobre dernier. Selon des estimations récentes, le projet de loi pour la reconstruction d'Haïti après cet ouragan de catégorie 4, s'élève à 2,8 milliards de dollars, une somme extraordinaire pour un pays où 60% de la population vit dans une extrême pauvreté. Les Philippines ont perdu des milliers de leurs citoyens, en partie à cause du passage du typhon Haiyan, au travers des eaux chaudes et montantes de l'Océan Pacifique en 2013. Une fois de plus, les pertes économiques et le coût de la reconstruction se chiffrent en milliards. Les zones arides du Sahel et de l'Afrique australe sont déjà exposées à de hauts risques à cause de la hausse des températures et ont dépassé, au cours des douze derniers mois, les limites supportables pour la vie humaine. Les pays de la région ont dû déclarer l'état d'urgence national et des millions de personnes subissent les ravages de la faim et de la perte de leurs moyens de subsistance. Cinq ans seulement après l'éradication de la première famine du XXIe siècle, la Somalie est à nouveau sur le point de basculer, ce qui souligne le fait que 80% des personnes, souffrant de faim dans le monde, vivent dans des pays fortement touchés par des catastrophes hydrométéorologiques. Le changement climatique, aggravé par des phénomènes comme El Niño, n'est pas le seul moteur du risque de catastrophe, mais il s'agit d'un élément joker au sein d'un ensemble d'éléments. Le monde essaie de comprendre comment il s'associe à d'autres facteurs de risque tels qu'une faible gouvernance des risques, l'urbanisation rapide non planifiée, la pauvreté ou la dégradation de l'environnement. Une bonne partie de la compréhension de cette situation et d'une bonne planification doit être effectuée maintenant et à un niveau local. En adoptant le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophes, il y a deux ans, les Etats membres de l'ONU ont convenu d'augmenter substantiellement le nombre de stratégies de réduction des risques de catastrophe en place, à la fois au niveau local et national, et ce, d'ici 2020. Ces stratégies serviront de socle à la réduction des pertes relatives aux catastrophes d'ici 2030 en réduisant la mortalité, les pertes économiques et les dommages aux infrastructures fondamentales. Il est impératif de faire tomber les obstacles qui empêchent les mesures qui concernent l'action climatique de s'articuler avec celles, plus larges, qui concernent la réduction des risques de catastrophe. La mise en place de ces plans nationaux et locaux permet d'assurer une action conjointe relative au Programme de développement durable à l'horizon 2030 et à l'Accord de Paris sur les changements climatiques, tout en évitant de dupliquer les efforts. En dépend la réalisation d'un grand nombre des objectifs de développement durable, dont ceux liés à la pauvreté, à la faim, à l'action contre le changement climatique, à l'assainissement ou à l'eau potable. Nous reconnaissons tous les deux que la réduction des émissions de gaz à effet de serre et le maintien de la température mondiale, bien en deçà de 2 degrés Celsius, constituent la contribution, à long terme, la plus significative que les gouvernements, nationaux et locaux, et le secteur privé peuvent contribuer à la réduction des risques de catastrophes. De plus, la planification locale, visant à améliorer la gestion des risques de catastrophes, participe à créer une demande d'action sociale fondamentale et une ambition pour l'action climatique toujours plus forte à l'échelle nationale et mondiale, qui dépasse les engagements existants. L'issue de cette cinquième Plateforme mondiale pourrait bien rapprocher les mondes de la gestion des risques de catastrophes et de la gestion des risques climatiques, ce qui ne peut présenter que des avantages pour la résilience, la stabilité future de notre monde et sa population. Alors que ce sont les populations pauvres et vulnérables qui sont actuellement en première ligne, aucun pays ou continent ne sera épargné si nous ne prenons pas les responsabilités qui s'imposent et ne saisissons pas l'occasion d'agir dès aujourd'hui. Robert Glasser Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe Patricia Espinosa Patricia Espinosareprésentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe