Le chiffre est alarmant. 60.000 accidents sont recensés chaque année dans le secteur du BTP au Maroc, dont 2.000 sont mortels. Le secteur est en plein boom et présente de nombreuses opportunités, mais encore faut-il que ces opportunités soient saines et durables. C'est à juste titre ce qui a conduit les professionnels du secteur, à l'initiative de l'Association marocaine des ingénieurs diplômés de l'ESTP (AMID ESTP) et de l'association des anciens ESTP, à se réunir il y a quelques jours à Casablanca. À cette occasion, les différents acteurs du BTP au Maroc ont discuté et analysé les différentes aberrations qui persistent dans l'activité. Le constat est unanime. Il n'y a pas d'arsenal juridique suffisant pour permettre aux professionnels du bâtiment d'exercer en toute sécurité. La loi sur l'urbanisme actuellement en vigueur reste en effet très vague et ne définit pas le rôle et la responsabilité de l'architecte, du maître d'ouvrage ou encore de l'entreprise en charge du projet. «La définition que donne la loi du métier d'architecte et du bureau d'étude reste totalement floue d'autant plus qu'au moment de sa promulgation, l'activité des bureaux d'études n'était pas encore développée», constate Moncef Ziani, président de la Fédération marocaine du conseil et de l'ingénierie (FMCI). Il semble donc nécessaire d'identifier l'ensemble des intervenants dans l'acte de construire, et de pouvoir définir clairement leur champ d'intervention pour la plupart de ces métiers. D'autre part, il convient de relever un autre point de blocage auquel les professionnels du secteur se trouvent confrontés. Dans le domaine de la construction, il est en effet important de travailler dans un cadre bien règlementé, notamment lorsqu'il s'agit d'une collaboration entre plusieurs corps de métiers (électriciens, plombiers ...) qui, pour la plupart au Maroc, ne sont pas officiellement accrédités. Certains grands groupes aujourd'hui, tels que Al Omrane, exercent une très forte activité qui peut aller jusqu'à 800 travaux pour un investissement annuel de 7 milliards de DH. Pour pouvoir assurer un minimum de sécurité, le groupe fait avec les moyens du bord. «Nous travaillons dans le cadre d'un règlement intérieur propre à notre groupe», déclare Nabil Kerdoudi, directeur général d'Al Omrane Casablanca. Concrètement, ce qui ressort de ces dérèglement est la nécessité, pour le secteur public, de préciser d'avantage le cahier des clauses administratives générales (CCAG) en détaillant les rôles des intervenants, notamment ceux de la maîtrise d'œuvre. En ce qui concerne le volet privé, la création d'un document équivalent au CCAG serait nécessaire afin de rendre obligatoires certaines procédures tout en renforçant le côté contractuel. Hausser le ton En matière de prévention, les intervenants du colloque se sont largement accordés sur l'importance de détailler et de préciser les recommandations des pouvoirs publics et d'en assurer l'encadrement. En effet, jusque-là les pouvoirs publics avaient lancé des actions via la création de commissions et d'équipes projets pour élaborer d'une part, un projet de code de la construction traitant tous les aspects de la sécurité et d‘autre part, mettre en place une stratégie nationale. Mais aucune action d'encadrement concrète n'a été entreprise. Pour ce faire, l'instauration de normes internationales semble inévitable afin de permettre un contrôle plus étroit en termes d'effectifs, de règlementation et de sanctions. Cependant, la question qui pourrait se poser est comment instaurer un cadre règlementaire «moderne et intransigeant» dans un cadre où l'absence de la culture de prévention persiste ? «La mission n'est pas tout à fait impossible si les dirigeants du secteur s'engagent davantage dans la sensibilisation aux normes de sécurité dans leurs chantiers», concluent les participants au colloque. Si ces mesures venaient à être appliquées, les entreprises seraient dès lors soumises à une sécurité incitative déclinant toutes les responsabilités individuelles. Mais qui dit sécurité, dit assurance. Ces deux pans sont en effet indissociables, ce qui implique un renforcement du dispositif de gestion des risques assurables dans la construction afin de se conformer aux standards internationaux. Pour ce faire, les professionnels du secteur proposent de «clarifier et de préciser d'avantages les couvertures d'assurance existantes notamment la RC décennale». Dans un même ordre d'idée, la RC ne serait plus une notion mais une souscription obligatoire. «Nous souhaiterions à cet effet avoir plus de précisions et de visibilité sur le contrat-programme signé en mars 2010 qui prévoit de rendre obligatoires certaines assurances dont la TRC et la RC professionnelle», expliquent les différents acteurs du secteur présents au colloque. In fine, le marché pourrait alors évoluer vers un système plus complexe qui offre plusieurs possibilités en termes d'assurances.