Les résultats de l'enquête nationale sur l'impact du Code de la famille dans la sauvegarde des liens familiaux devront servir de support pour le lancement d'une stratégie nationale destinée à la protection du tissu familial. Le vide causé par le retard dans l'installation du Conseil consultatif de la famille et de l'enfance pose, de manière sérieuse, la question de la gouvernance. Plus de six mois après la finalisation de l'enquête nationale sur une décennie d'application du Code de la famille, le département de tutelle revient à la charge durant cette période où l'action de l'Exécutif est figée par la gestion des affaires courantes. C'est lors d'un colloque pour la présentation des résultats de l'enquête nationale sur le Code de la famille au SIEL, que les résultats de l'enquête ont été «revisités», non pas dans un souci descriptif, mais dans l'optique d'un avant-projet pour une stratégie nationale qui devra désormais guider la politique publique de la famille et de l'enfance. Dans la politique familiale intégrée qui est en ligne de mire du département de tutelle, plusieurs domaines prioritaires d'intervention ont été mis en avant par l'enquête nationale. Lors du colloque, l'accent a été essentiellement mis sur les questions inhérentes à l'épanouissement économique, social et culturel de la famille, aux inégalités de revenus entre les chefs de famille, à la protection sociale et juridique des membres de la famille, et enfin au soutien à la conciliation de la vie familiale et professionnelle. La réflexion sur la dimension régionale a été également initiée pour décliner la future stratégie au niveau territorial et selon les spécificités de chacune des 12 régions et des besoins particuliers de chaque milieu de résidence qui varie entre l'urbain et le rural. L'enquête, faut-il le rappeler, a montré que plus de 45% des personnes interviewées pensent qu'il est temps de réviser le Code de la famille, mais «sont dans l'incapacité d'identifier les dispositions à réviser, à clarifier, à abroger et les nouvelles règles à adopter», indique l'enquête qui traduit le flou qui persiste encore chez une large frange de la population à propos de l'impact de plusieurs dispositions appliqués devant les tribunaux sur la cohésion du lien conjugal. Les mesures qui sont les plus litigieuses concernent essentiellement la mise en place d'un formulaire unifié relatif au mode de gestion des biens à acquérir durant l'union conjugale et qui doit être rempli par les futurs époux et mis dans le dossier de demande de mariage, ainsi que l'extension de l'expertise médicale aux enfants dont le père -auteur de la grossesse- nie la paternité. Les pistes identifiées jusqu'à présent font ressortir le besoin de faire de l'obligation d'entretien une obligation parentale pour les femmes qui ont un revenu, et «considérer le travail domestique effectué par l'épouse comme une contribution matérielle à la prise en charge de la famille». La représentation légale des enfants mineurs devrait être, quant à elle, parentale et sans limites pour la mère dans les cas de décès, incapacité et absence du père, comme cela est stipulée par le Code de la famille qui consacre la codirection de la famille par les deux conjoints. Le divorce pour discorde a été, pour sa part, pointé du doigt comme étant à la source de l'accélération de la procédure «qui semble avoir trop facilité les ruptures des unions conjugales», selon l'enquête nationale. Enfin, la méconnaissance des dispositions du Code de la famille maintient toujours des comportements qui «sont éloignés de la philosophie égalitaire dont le code est porteur et qui s'expriment par certaines résistances, parfois des rejets, et le plus souvent par de nombreux questionnements», indique le diagnostic du département de tutelle. Bassima Hakkaoui Ministre de la Solidarité, de la femme et de la famille et du développement social Cette enquête de terrain sera d'une aide précieuse pour la formulation d'une stratégie intégrée pour une meilleure protection de la famille, et pouvoir par la suite mettre en œuvre ses dispositions dans la constitution du royaume. Cette enquête a montré surtout plusieurs changements dans la représentation de la société de certains cas familiaux, notamment pour tout ce qui a une relation avec des concepts, comme l'égalité, la responsabilité partagée et la prise en charge de la famille. Il y a une «douce» révolution qui s'est réalisée au sein de la société marocaine, grâce au Code de la famille, à propos du rôle de la femme dans la famille. Après l'étape de l'étude et du diagnostic opérée par l'enquête, non seulement la nouvelle étape inaugurée dans l'action du ministère, mais le rôle des intervenants dans les questions de la famille qui sont cruciaux. Car il y a l'urgence de créer les instances constitutionnelles qui œuvrent dans ce domaine. Les propositions pour une meilleure application du Code de la famille La majorité écrasante (81,4%) propose d'utiliser tous les moyens pour sensibiliser et faire connaître le Code de la famille Pour 47,3% il faut mettre en place des bureaux de conseil familial auprès de toutes les entités administratives: (arrondissements, conseils communaux...) Plus d'un tiers (37,6%) sont pour l'organisation des cycles de formations au profit des futurs conjoints. Pour 34%, il faut garantir l'exécution des jugements, notamment ceux relatifs à la pension alimentaire lorsque la mère assure la garde des enfants. 22,4% proposent de renforcer la formation des juges de famille. Presque 20% proposent de faire évoluer le système de la médiation familiale. 5,1% sont pour que les sections de famille soient dotées de plus de moyens humains et matériels. Presque 70% pensent que les femmes, ayant un revenu, devraient contribuer aux dépenses du ménage. Seuls 2,2% avancent que le recours à la justice est un moyen adéquat de règlement des conflits familiaux. Un vide insurmontable Stipulé par l'article 169 de la Constitution de 2011, le gouvernement n'a pu, tout au long de son mandat, mettre fin à l'hésitation pour la mise en place du Conseil consultatif de la famille et de l'enfance. La crainte de chevauchement des attributions du CCFE sur d'autres instances, mais surtout les modalités de son action qui ont retardé la mise en place du conseil. Jusqu'à présent, le projet de statut, qui n'est pas encore mis dans le circuit de l'adoption, consacre trois principes fondamentaux, à savoir : l'égale dignité des membres de la famille, la co-responsabilité des époux et, enfin, l'intérêt supérieur de l'enfant en matière de garde et de filiation paternelle. Depuis 2010, deux nouveaux textes ont enrichi l'arsenal législatif relatif à la famille et l'enfance, à savoir : la loi 41.10, relative aux conditions et procédures pour bénéficier du fonds de solidarité familiale, adoptée le 13 décembre 2010 et la loi 14.05, relative aux conditions d'ouverture et de gestion des établissements de protection sociale pour améliorer la qualité de prise en charge des institutions sociales, adoptée le 22 novembre 2006. Dans son article 169, la Constitution spécifie que «le Conseil consultatif de la famille et de l'enfance a pour missions d'assurer le suivi de la situation de la famille et de l'enfance, d'émettre son avis sur les plans nationaux relatifs à ces domaines, d'animer le débat public sur la politique familiale et d'assurer le suivi de la réalisation des programmes nationaux, initiés par les différents départements, structures et organismes compétents».