Regrouper à la veille des élections législatives politiciens et économistes de renom pour s'interroger sur l'élite du Maroc de demain, c'est le défi que s'est imposé Les Echos quotidien en organisant la première édition de "Echoscope" jeudi 3 novembre à Casablanca. M'barka Bouaida (élue RNIste), Adil Douiri (Président de l'Alliance des économistes istiqlaliens), Mohamed Horani (Président de la CGEM) et Karim El Aynaoui (économiste) étaient conviés à partager leurs avis et opinions sur la question qui met en avant le véritable enjeu de toutes les réformes engagées par le royaume au lendemain du discours royal du 9 mars, à savoir l'émergence d'une nouvelle élite. C'est donc autour d'un débat riche de son éclectisme et de sa diversité que les intervenants ont tenté de décortiquer les attentes du monde politique et de l'univers économique soulignant l'indissociabilité des deux pôles dans un cadre politique où l'économie joue un rôle extrêmement important. « L'élite économique renvoie à des hommes et à des femmes qui peuvent influencer l'économie », résume le président de la CGEM. Pour M'barka Bouaida, c'est une question d'équilibre. Pour peu que cette « élite » soit sélectionnée par les citoyens à travers leurs compétences et selon un principe de « méritocratie », souligne El Aynaoui. Les défis des futures élites L'élite se veut donc compétente, méritante, choisie par les citoyens... mais encore ? Pour Douiri, elle se doit également d'être « proche » aussi bien des citoyens que des partis politiques. D'où la notion de «peopolisation de la vie politique », un concept encore « contre culture » dans le Maroc actuel. Il n'en reste pas moins que le fait de faire partie de l'élite n'est pas une consécration mais une responsabilité. Du coup, adopter une certaine transparence de la vie publique renvoie également à la nécessité de rendre des comptes en tant que responsable politique et/ou économique. Or, avant d'en arriver là, le Maroc de demain devra encore mettre à niveau son système éducatif et de formation, combattre sa culture de corruption et développer sa confiance. Ce sont là les pré-requis d'une élite méritée, méritante et responsable, qui saura non seulement servir de modèle pour les jeunes marocains, mais également soutenir un projet de régionalisation qui fera ce Maroc de demain dont-il est aussi question. Pour Bouaida, c'est là le défi à relever, « celui de créer des pôles régionaux ». Ce qui sera loin d'être une mince affaire. A ce niveau, seule l'écoute de toutes les catégories de citoyens, y compris les Marocains du monde, apparaît comme «la» solution à la configuration future du pays, avance l'élue RNIste. Fini le jeu politique gauche-droite ? Du coup, à force de parler de « l'élite de demain », on serait tenté de se demander ce qu'il en est de celle d'aujourd'hui. Au cours du débat, on remarquera que ce qui inquiète les participants à cette conférence-débat, c'est le renouvellement de cette élite. Comment celle qui occupe aujourd'hui le pouvoir cédera-t-elle la place à une nouvelle génération de leaders d'opinions ? A ce niveau la réponse des intervenants est pratiquement unanime, « l'ascenseur social au Maroc fonctionne très bien ! ». En réalité, c'est la culture, l'histoire, les expériences et ce que beaucoup ont relevé comme étant « l'exception marocaine » qui plaidera pour « un mode de gouvernement qui s'inscrit dans les dynamiques de son temps ». Autrement dit, il ne s'agit plus ici d'un jeu politique confrontant droite et gauche, mais il est question de s'engager sur la voie de la modernisation à la fois du champ politique et de l'espace économique. Quid de l'élite régionale Le Maroc s'est engagé sur le chemin de la régionalisation avancée. Un parti pris que tous le monde a salué, mais dont l'une des principales conditions de réussite est justement l'émergence d'une élite régionale. En effet, pour s'ériger en pôles d'excellence économiquement viables, nos régions ne peuvent faire l'économie de ressources humaines d'une grande qualité. Des ressources qu'elles sont pour l'instant incapables de fournir. Or, c'est justement cette élite qui est censée porter à bout de bras le projet de la régionalisation avancée. Aussi, le débat s'est aussi naturellement penché sur cette question. «On n'a pas vraiment investi dans une élite locale, ni même dans l'employabilité locale», avance Mbarka Bouaida, tout en exprimant l'urgence d'un tel investissement. En effet, comment garder une élite au niveau local ou encore mieux la faire revenir, sans lui créer les conditions de son épanouissement. Les intervenants du débat se sont donc accordés sur la nécessité de créer rapidement ces conditions. Karim El Aynaoui estime aussi que : «Nous avons des élites locales», mais qu'on a besoin de donner du sens. De son côté, Mohamed Horani estime que l'enjeu réside dans les disparités régionales, en défendant que la région la plus pauvre doit représenter au moins 60% de la région la plus riche. En fait, pour lui c'est en veillant à aplanir ces disparités que l'on peut créer les conditions de l'émergence d'une élite locale et plus encore de la réussite du projet de régionalisation avancée. In fine, toutes les régions marocaines peuvent se targuer de forces vives qui ne demandent qu'à avoir les moyens de s'exprimer et d'agir. Le temps presse et il est urgent de doter les régions de ces moyens qui leurs permettront de garder et d'entretenir leur élite.