Après les partis politiques et les syndicats, place au Patronat pour présenter ses propositions sur la régionalisation avancée. Les patrons ont en effet élaboré leur propre conception de ce grand chantier qu'est la régionalisation. Et c'est aujourd'hui que le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Mohamed Horani, présentera sa copie aux membres de la Commission consultative de la régionalisation (CCR). Cette dernière avait sollicité le concours de toutes les composantes politiques, économiques et sociales du pays pour lui présenter chacun sa vision pour une régionalisation avancée. Mohamed Horani et ses vice-présidents s'étaient réunis hier avec les membres du Conseil d'administration de la Confédération patronale. Le point saillant de l'ordre du jour concernait justement la présentation des propositions de la CGEM concernant la régionalisation avancée. Après avoir discuté la vision de Horani, le Conseil d'administration a validé le document qui devrait être présenté aujourd'hui à Omar Azzimane, président du CCR. Pour élaborer sa vision, la CGEM s'est basée sur l'expérience de ses Unions régionales. La Confédération dispose de huit antennes régionales (Centre, Centre Nord, Tafilalet, Nord, Oriental, Tensift, Souss-Massa-Drâa et Sud). Bien entendu, le côté économique est fortement présent dans le document de la CGEM. Selon nos sources, la copie de Horani rejoint l'idée longtemps défendue par le Patronat : une régionalisation basée sur un «découpage économique». Contacté, le patron des patrons a confirmé, expliquant que l'objectif est de favoriser l'émergence de «régions économiques mondiales», sur la base des pôles économiques régionaux. Selon un observateur, quand bien même les patrons auraient initié un effort de réflexion autour de la régionalisation, la réalité sur le terrain confirme déjà leurs choix. En effet, l'application du découpage économique en pratique a précédé la réflexion autour de la régionalisation. Les différents chantiers et plans sectoriels lancés ici et là ont permis de sortir plusieurs régions de leur léthargie. Certes, l'axe Rabat-Casablanca trône toujours en pôle position, mais force est de constater qu'on est loin du duopole «Maroc utile/Maroc inutile». Spécialisation régionale De l'avis de cet économiste proche du patronat, l'élan régional a permis l'émergence d'une «spécialisation régionale». En d'autres termes, chaque région a pu dégager, voire s'approprier un secteur de prédilection. La copie de Horani autour de la régionalisation parle justement de spécialisation économique régionale. «Les grands chantiers lancés par le pouvoir ont poussé vers cet état de fait», commente cet ancien membre de la Confédération patronale. Aujourd'hui, on peut plus ou moins distinguer la spécialité de chaque région : Casablanca et Rabat, centres du secteur des services et du commerce, El Jadida-Safi avec son pôle industriel chimique et énergétique, Tanger-Tétouan, région de la logistique, les métiers et l'industrie de la pêche à Agadir, Meknès-Tafilelt, avec son projet d'agropole grenier du Royaume et enfin les régions du Sud, désormais dans le viseur de l'Etat pour le projet solaire du Royaume. Toujours est-il qu'une régionalisation basée sur un découpage économique devrait aussi composer avec les disparités régionales. À titre d'exemple, la région de Meknès-Tafilalet affiche un taux de pauvreté de 24,2%, Gharb-Chrarda-Béni Hssen de 21,7% et Marrakech-Tensift-Al Haouz de 18,5%. À l'opposé, les taux de pauvreté les plus faibles sont enregistrés bien évidement dans le Grand Casablanca avec un 1,6% et Rabat-Salé-Zemmour-Zaër à 7%. Le volet fiscalité est aussi abordé par le patronat. Selon nos sources, les propositions de la CGEM parlent aussi de fiscalité typique à chaque région. Comment ? Rien ne filtre encore. En tout cas, deux scénarii se dégagent : une fiscalité nationale où l'Etat fera la redistribution comme c'est le cas aujourd'hui, ou bien des impôts régionaux qui peuvent être différents d'une région à une autre. Smig régional ou Smig sectoriel ? Trois membres de la CGEM font partie de la Commission consultative sur la régionalisation (CCR). Cette dernière devait rendre sa copie au Roi fin juin, mais selon nos sources, ce délai a été rallongé à la fin de l'année 2010. La CGEM est donc au cœur du débat sur la régionalisation. Son président s'est même permis en janvier dernier un avis sur l'un de ses aspects. Il s'agit du Smig régional. Interpellé sur cette question, Mohamed Horani s'est montré frileux. «Je ne crois pas à l'idée du Smig régional. Il serait plus judicieux d'installer plutôt un Smig sectoriel», avait-il dit. Selon lui, il faut laisser le marché de l'emploi jouer à être son propre régulateur. «Le marché de l'emploi varie d'un secteur d'activité à un autre. L'approche sectorielle me paraît plus pertinente que celle de la régionalisation du SMIG», avait expliqué Mohamed Horani. Un des membres du Conseil d'administration de la Confédération patronale a aussi avancé l'idée de mettre en place des conventions collectives sectorielles. Le Smig peut à ce moment-là varier en fonction de quelques critères, qui restent à déterminer, comme le degré de rentabilité ou encore le niveau de création de valeur ajoutée. En somme, la CGEM privilégie un Smig sectoriel, dans la mesure où la «régionalisation est en corrélation avec les pôles économiques initiés».