Des études de terrain montrent que l'obstacle le plus important entre les citoyens et les hommes ou femmes politiques au Maroc (et dans d'autres pays) est lié au problème de confiance, précisément un manque de confiance dans les partis politiques, les candidats et leurs programmes et le processus politique dans son ensemble, que les citoyens décrivent comme vain et inutile. Les résultats de cette recherche sur le terrain ont également montré que les causes profondes de l'absentéisme et de la réticence politique sont le manque de confiance dans les institutions politiques et la faiblesse de la performance politique du Parlement et du gouvernement. Parmi les mérites de la démocratie se trouve le fait que les gens peuvent changer le statu quo s'ils votent. Certes, le changement se produit lentement et les candidats ne sont pas toujours parfaits, mais les électeurs peuvent façonner l'avenir de leur pays. À l'heure actuelle, de nombreux électeurs se sentent déçus en termes politiques. Estimant que les riches et les puissants tirent les ficelles, les citoyens ordinaires jugent qu'ils n'ont pas d'impact sur les résultats des élections et qu'il est préférable de ne pas voter. Néanmoins, il existe un moyen pour les citoyens de remédier aux inégalités et d'apporter des changements : le vote. Le citoyen qui reste chez lui, plutôt que d'aller voter pour le candidat qu'il préfère, est juste quelqu'un qui renforce le statu quo et donne la possibilité au mauvais candidat d'être élu. Si les citoyens veulent influencer l'avenir de leur pays, ils doivent faire leur devoir national en allant voter pour le candidat le plus approprié ou le moins préjudiciable. En fait, le vote de protestation ou de sanction (absentéisme ou bulletin blanc) se traduirait également par un résultat négatif bien au-delà des valeurs de l'électeur, au lieu de voter pour un candidat qui a une vision similaire dans une large mesure. On peut soutenir que le vote nécessite un certain effort et de la motivation afin de convaincre ceux qui ignorent ou ne se soucient pas de la politique, mais cet argument s'applique uniquement à une partie de ceux qui ne votent pas. Plusieurs autres personnes, y compris les cadres et les élites instruites, suivent les nouvelles et sont intéressés par la politique nationale et internationale, mais restent chez eux le jour du scrutin, estimant que leurs voix ne comptent pas. Toutefois, la vérité est que leurs bulletins de vote déterminent le résultat des élections. Il est du devoir des partis politiques, des associations et des intellectuels de faire des efforts considérables pour sensibiliser tout abstenant à exercer ses droits politiques fondamentaux et élargir le débat public dans le pays dans le cadre de l'organisation des élections législatives. Obligations ! Afin de renouveler les élites et moderniser les institutions de l'Etat et la vie politique, la participation massive aux élections est une attitude citoyenne constructive. Concernant les élections législatives actuelles au Maroc, il est du devoir de tout un chacun de confronter le discours émotionnel des candidats populistes, dans lesquels ils corrodent des slogans populistes et des phrases à résonance sentimentale qui claquent toujours bien, juste pour attirer les masses et gagner leurs votes. Néanmoins, ils ne procurent pas réellement de programme de travail ou de plans réalistes en vue d'améliorer la vie des citoyens et de construire un meilleur avenir. Nous savons que les régimes arabes autoritaires ont fabriqué leur soi-disant héroïsme en manipulant les sentiments et les émotions des masses et en jouant sur la peur afin de tendre la main aux gens et gagner leur soutien, mais l'histoire a montré qu'en fait ils ont exploité les idéaux des peuples pour l'appât du gain économique et politique. En outre, les populistes actuels donnent des réponses simplistes sans arguments ou preuves raisonnables. Ils reprochent à «l'autre» les déboires politiques et économiques et la destruction de leurs moyens de subsistance. Par le biais de la menace, l'intimidation et la démagogie, les politiciens populistes reviennent en arrière, comme si la superstition et l'obscurantisme étaient une meilleure solution pour tout le monde. Par un esprit critique, le citoyen se doit de faire face aux populistes en se rendant aux urnes pour leur couper cours, et les empêcher d'accéder aux postes à responsabilité et à la prise de décision. Il convient également de traiter les causes de la marginalisation économique, ce qui signifie la création d'emplois pour les jeunes et l'amélioration des services publics pour les personnes défavorisées, l'investissement dans l'éducation, la technologie, l'amélioration des prestations de santé publique et l'augmentation des salaires. Afin de soutenir le contrat social entre les gouvernants et les gouvernés sur lequel se base la démocratie, les citoyens devraient aller aux bureaux de vote, car le droit de vote est un complément important à la citoyenneté. C'est également un devoir civique d'où l'obligation morale pour les citoyens de voter, d'élire leurs représentants, voire d'accepter un mandat politique ou une charge publique. C'est un devoir moral puisque l'abstentionnisme n'est pas productif. Il n'en demeure pas moins que la démocratie n'est pas un système politique qui va de soi. Pour pouvoir exister et se développer, elle exige un engagement personnel de chaque citoyen. Pour bénéficier des avantages de la communauté, le citoyen doit participer, selon ses moyens, à sa défense et à sa prospérité. C'est un principe de solidarité qui permet à chacun de profiter des biens communs. Une démocratie ne peut survivre et se développer que si chacun prend sa part de responsabilités. La participation aux élections est nécessaire car les institutions démocratiques sont tributaires des élus influents et intègres ayant des compétences avancées. Ces élus proviennent des boîtes de scrutin, avec la participation des électeurs, en fonction de leurs aspirations et leurs espoirs et selon leur niveau d'éducation et leur sensibilité politique. Pareillement, les candidats doivent adopter un esprit de lutte robuste, en partageant leurs programmes et en mettant en évidence leur confiance dans l'avenir du pays. Il est également indispensable que les élections soient transparentes et libres, dénuées d'utilisation de l'argent sale, et loin de toute intervention administrative, en vue de consolider les fondements de la démocratie et de la suprématie du droit. Cette étape serait un pas significatif visant à renforcer les institutions de l'Etat sur une base populaire moderne, solide, et à consolider le processus démocratique. Une telle relance politique et sociale convoitée et revendiquée par toutes les forces nationales, pourrait soutenir la mise en place de la démocratie politique et de la justice sociale. Moha Ennaji Chercheur universitaire et président du Centre sud-nord pour le dialogue interculturel