C'est un artiste, un créatif et un manager. Il est l'un des designers les plus connus au Maroc et un très bon ambassadeur à l'étranger. Hicham Lahlou écume les projets créatifs et artistiques. Après avoir sublimé le contournement de l'autoroute de Rabat inauguré le 7 juillet dernier, il propose l'exposition. «Out of the box» où il présente une sélection d'œuvres et de projets parmi les plus marquants de son parcours. Coulisses du design, un art encore dénigré au Maroc. Il a «designé» un narguilé, donné une nouvelle vie à une bouteille d'eau, créé un concept store, transformé une chambre d'hôtel ou sublimé une montre... Hicham Lahlou est aujourd'hui une valeur sûre du design marocain et mondial. Un marocain qui s'exporte, mais qui a choisi de revenir dans son pays pour y développer une nouvelle vision. Non sans obstacles, il réussit tout de même à monter une structure où il forme des jeunes et travaille main dans la main avec des compétences locales. «Il y a des compétences au Maroc, des gens brillants, mais qui sont, hélas,dénigrés. Nous aimerions développer nos entreprises, créer de la valeur ajoutée, former des jeunes mais parfois, cela n'est pas possible», confie le designer qui vient de voir concrétiser son projet de 6 ans. En effet, il est à l'origine du concept «M», (M pour Maroc), avec le nouveau contournement de l'autoroute de Rabat, inauguré le 7 juillet dernier sur un tronçon de 42 km, qui se distingue par son pont à haubans et qui est le plus grand de son genre en Afrique. L'infrastructure a une toiture de plus de 100 mètres de long, plus de 7m50 de hauteur latérale, 5m50 au centre, 300 tonnes dans la toiture de la structure métallique et l'habillage de tôles prélaquées sans citer les autres caractéristiques innovantes. «J'ai une relation particulière avec ce projet, je suis très ému qu'il soit enfin sur pied. J'ai beaucoup appris. J'ai fait la connaissance d'ingénieurs et de techniciens incroyables», confie le designer. Une aventure qu'il considère comme une «synthèse pour ce qui va se passer après». Le design, cet art inconnu entre pragmatisme et hyper-créativité Au Maroc, le design fait son apparition petit à petit, mais les créatifs ont du mal à l'imposer comme business ou stratégie management. Pour la plupart, le design est encore synonyme de décoration. Dans le monde, le design est presque une arme stratégique par laquelle une entreprise peut se démarquer et marquer. L'exemple d'Ikéa est donné par Lahlou: «Cette marque a tout compris ! Chaque objet est signé par un designer, chaque objet a été réfléchi et réalisé pour que le consommateur se sente unique». «Plusieurs fois, j'ai eu des rendez-vous avec des gens dans la stratégie d'entreprises qui m'ont pris pour un fou», s'amuse le designer qui a quand même vu sa montre «Lalla» dans un film de luc Besson ou encore son nom dans un article dédié au grand LIP. Ce n'est pas un mirage, Hicham Lahlou est beaucoup plus reconnu à l'étranger qu'au Maroc, mais il continue à se débattre et réussit à faire sa place dans le pays. «J'ai foi en ces jeunes qui en veulent mais qui ne se sentent pas accompagnés. J'essaie de former le plus possible. À cet âge là, je ressens le besoin de former», confie le designer de 43 ans. En effet, le poste de «Design management» n'existe pas au Maroc. La conscience du rôle du design global, du design thinking n'est pas encore là. «Le design est un art appliqué à l'industrie, à l'artisanat, aux marques. On crée pour quelque chose qui a du sens», souligne celui qui se considère designer global. «Je me suis toujours battu pour défendre les valeurs du design au Maroc. J'étais le premier à m'attaquer au design global, il y a 12 ans. J'ai compris très vite que le design était stratégique, que c'était le design thinking. Le design management aujourd'hui lorsque les entreprises pensent à refaire leur marque, c'est de la stratégie pure et dure : pourquoi une marque ? À quoi ça sert ? Quelle est son incidence ? Quel taux de croissance je vais avoir en refaisant ma marque, mes packagings ? On pense design, on applique management», continue le créatif. 20 ans de design international Pour la petite histoire, soulignons que Hicham Lahlou a déjà 20 ans de carrière du haut de ses 43 ans seulement. Une passion qui a toujours été là pour ce curieux devenu architecte d'intérieur et designer, lauréat de la prestigieuse Académie Charpentier de Paris. «J'analyse tout depuis tout petit ! attiré par l'alpinisme et les grandes profondeurs, comme attiré par l'extrême. Il n'y a pas un jour où je ne regarde pas des émissions historiques, comme des Racines et des ailes ou Secrets d'histoire. Cela me fascine et m'influence beaucoup dans mon travail», confie celui qui a obtenu son diplôme en 1995 et qui n'a pas cessé depuis d'écumer les projets et les prix. Le Royal Mansour Marrakech lui consacre, le 9 décembre 2015, pendant le Festival du film de Marrakech, une soirée hommage pour célébrer 20 ans de design international placé sous le signe de la création. Il a été publié aux quatre coins du monde dans des publications prestigieuses telles que The New York Times, International Herald Tribune, Jeune Afrique, Afrique Magazine, New African, Forbes, Ideat. Des portraits dans des émissions TV lui ont été consacrés dans plusieurs pays avant de recevoir la distinction de chevalier de l'Ordre des arts et des lettres par la République française. Hicham Lahlou a été exposé dans de prestigieux musées (Guggenheim Museum Bilbao, Vitra Design Museum...) et figure parmi les membres du comité consultatif de l'exposition Making Africa. Son engagement et son amour pour l'Afrique le poussent à fonder le projet Africa Design Award & Days (ADA & ADD) qui fait parler de lui ! «J'aime tout ce qui se passe en Afrique. Ce continent me fascine par sa diversité, ses couleurs, sa richesse !», confie le designer. Celui-ci a baptisé sa nouvelle exposition «Out of the box». Une exposition à son image qui témoigne d'une démarche artistique loin des sentiers battus et d'une vision décalée du quotidien. Prévue en fin d'année à la Galerie Delacroix de Tanger, ce sera l'occasion de suivre cette figure emblématique du design marocain nouvelle génération, là où on ne l'attend pas...