La «seconde main», cela marche dans l'automobile. Les concessionnaires auront beau tenter d'étouffer et de méconnaître cette frange du marché en l'accusant de tous les torts commerciaux, l'occasion gagne du terrain. C'est en tout cas une des conclusions à tirer de la nouvelle étude du marché local commandée par la société de crédit Eqdom, filiale de la Société Générale, et réalisée par le cabinet français Ipsos. L'opus de la reprise dans le secteur a de fait connu un dynamisme accentué. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Si le neuf fédère encore les intentions d'achat de 62% des consommateurs marocains sondés dans quatre grandes villes du royaume en 2011 (contre 61% en 2010), «l'occasion» a par contre gagné quatre précieux points de plus, soit une part de 34% en 2011, contre 30% l'année précédente (le reste des personnes interrogées ne se prononçant pas). De quoi pousser Jean-François Meyer, le directeur général d'Ipsos Maghreb, à s'étonner sur le fait que le secteur ne soit pas encore investi, au Maroc, par les concessionnaires importateurs de véhicules neufs. «Il suffit de lire entre les lignes. Ces chiffres montrent qu'il y a beaucoup de choses à faire sur ce marché. Le marché de l'occasion est en passe de devenir complémentaire du neuf». C'est là une réalité en filigrane -puisqu'on n'en parle pas souvent- envers laquelle les concessionnaires ne pourront pas rester encore longtemps indifférents. Il n'est pas grand besoin d'être un expert en statistiques pour constater en effet clairement que l'occasion est en train de leur prendre des clients. Mieux, «le marché de l'occasion tend de plus en plus à devenir celui du premier achat», selon Meyer. Autrement dit, le consommateur marocain lambda, aujourd'hui, pense de plus en plus sérieusement à se tourner vers les véhicules d'occasion pour sa première acquisition. Pour le chercheur, l'option de la «reprise» de véhicules pour les remettre sur le marché à des prix attractifs, est l'une des meilleures façons pour les importateurs du neuf de s'adapter à la croissance de «l'occasion» et de contrecarrer ses effets supposés sur leurs chiffres de vente. Bataille de prix ? Ce penchant progressif pour la filière des véhicules d'occasion pourrait s'expliquer par la combinaison de plusieurs facteurs endogènes au marché de l'automobile, relatifs notamment à ses dernières évolutions. Le premier de ceux-ci serait, bien sûr, le rapport prix. Dans la fourchette présentée par le baromètre d'Eqdom, plus de 50% des sondés qui ont l'intention d'acquérir une voiture d'occasion, comptent vouloir investir entre 50.000 et 90.000 DH. Ce niveau de prix est entre 91.000 et 150.000 DH pour près de 30% de ceux qui ont déclaré leur intention d'acheter un véhicule d'occasion. À ces derniers prix là, c'est plutôt la logique de l'accès à certaines marques à haute image de prestige, qui prime. Cela est d'autant plus vrai que le parc de voitures d'occasion a largement gagné en qualité et en jeunesse renouvelée, depuis la mise en application de la loi interdisant l'importation de véhicules de plus de cinq ans d'âge. Ironie du sort : ce texte -dont l'adoption a été le fruit d'un important lobbying déployé par les importateurs de véhicules neufs regroupés au sein de l'Aivam - semblerait se retourner aujourd'hui contre leurs propres intérêts commerciaux, pour la seule et simple raison que le parc des automobiles d'occasion prolifère désormais en «bonnes affaires». Cette influence grandissante de ce secteur est même perceptible sur les chiffres de ventes de voitures neuves, qui ne parviennent pas encore à passer à la vitesse supérieure. À la fin du dernier semestre, la progression des volumes écoulés n'était que de 6,5% par rapport à la même période en 2010. Que du «cash»... Par ailleurs, s'il y avait également un aspect à retenir à travers cette enquête de conjoncture du secteur automobile, ce serait sans doute l'évolution des différentes méthodes d'acquisition de véhicule. Le mode de paiement «comptant» prend de plus en plus d'importance, au détriment du «crédit auto». 45% des sondés ont désormais recours à ce type d'achat en 2010, contre seulement 37% en 2009. Le «crédit auto» a quant à lui perdu quatre points sur cette même période, en intentions de recours. Ce mode d'acquisition semble toutefois demeurer le plus utilisé, avec 51% des sondés en 2010, contre 55% une année plus tôt.