Mohamed Fikrat Après deux mandats à la tête de la Fédération nationale de l'agroalimentaire (Fenagri), Amine Berrada Sounni passe la main. Son successeur, Mohamed Fikrat, doit gérer plusieurs dossiers chauds. Les doléances de la filière pour le projet de loi de Finances, le contrat-programme du secteur... C'est l'heure du bilan pour la Fédération nationale de l'agroalimentaire (Fenagri). Le bureau présidé par Amine Berrada Sounni a passé la main et, suite à une assemblée générale tenue lundi 4 juillet, une nouvelle équipe a pris les commandes sous la présidence de Mohamed Fikrat, candidat unique (photo). Après deux mandats à la tête de la Fédération, le patron d'Aiguebelle compte à son actif plusieurs réalisations mais aussi plusieurs chantiers inaboutis jusque-là. «Tout au long de mes deux mandats, notre objectif était de rendre le secteur attractif afin d'encourager l'investissement. Nous avons réussi à arracher quelques mesures, comme la TVA non apparente, mais beaucoup reste à faire», estime Amine Berrada Sounni. Pour lui, il y a plusieurs facteurs qui guettent cette filière prometteuse. Des accords de libre-échange asymétriques dont l'entrée en vigueur s'accélère, entraînant une balance commerciale déficitaire, un marché de l'emploi rigide qui ne prend pas en compte les spécificités de l'industrie et les baisses de cycle qu'elle peut connaître, la contrebande qui prend de l'ampleur dans le secteur avec une valeur estimée à 5 MMDH et une croissance à deux chiffres entre 2011 et 2014 à 15%... Autant de facteurs sont cités comme freins au développement du secteur de l'agroalimentaire. Amine Berrada Sounni ne cache pas sa déception quant au retard pris dans la validation du contrat-programme relatif au secteur. Après un processus qui a duré plusieurs mois, le contrat-programme du secteur attend toujours le visa des départements ministériels concernés, depuis septembre dernier... Pour cause: le coût de la mouture, adoptée par les parties prenantes, a été jugé trop élevé par l'argentier du royaume. Ledit contrat devra en effet nécessiter une enveloppe de 8,4 MMDH, dont 3,6 MMDH pour la valorisation des fruits et légumes et 4,8 MMDH pour l'industrie. Un montant que le ministère des Finances estime trop élevé. «La dernière réunion du comité de pilotage a eu lieu en septembre 2015. Depuis lors, nous n'avons pas de feedback sur l'état d'avancement du contrat-programme», indique Berrada Sounni, qui s'inquiète que les prochaines élections ne viennent renvoyer le contrat-programme aux calendes grecques. «Il est urgent de signer ce contrat-programme pour envoyer un signal positif au secteur privé et encourager les investisseurs. Ces derniers n'ont pas de visibilité et cela se voit sur les investissements dans le secteur qui ne croissent pas», signale le président sortant de la Fenagri. Pour lui, le diagnostic des études réalisées sur le secteur s'accordent sur les mêmes constats. Les industries agroalimentaires n'ont pas profité de la dynamique d'investissement des années 2000-2013 et souffrent d'un manque d'investissement de même que les coûts de production de certains produits agroalimentaires sont peu compétitifs par rapport à l'UE...Pour relancer le secteur, l'étude réalisée par Roland Berger, qui a servi de base pour l'élaboration du contrat-programme, recommande des mesures transverses à toute l'industrie agroalimentaire: formation, intelligence économique, mise à niveau des canaux de distribution, lutte contre l'informel... Concrètement, il s'agit de dupliquer, à cette filière, le concept d'écosystème industriel. Amine Berrada Sounni, Président sortant de la Fenagri Notre souhait est de sécuriser l'industrie en général et l'agroalimentaire en particulier. Cette filière a tous les atouts pour tirer le secteur industriel vers le haut et augmenter sa contribution au PIB. Des groupes industriels solides, une dynamique de l'agriculture avec le Plan Maroc vert, un potentiel important l'export... Mais en contrepartie, elle fait face à plusieurs obstacles : des accords de libre-échange défavorables, un marché de l'emploi rigide... Pour un véritable décollage, il faut une sanctuarisation de l'industrie en général. Il faut que ce soit la mission de tout le gouvernement et non d'un seul ministère. Au niveau de la Fenagri, nous continuerons le combat pour arriver à un climat sain dans ce secteur favorable à l'investissement. Nous avons réalisé plusieurs avancées ces dernières années, comme la TVA non apparente qui devrait booster l'investissement. Mais il reste beaucoup à faire, dont le contrat-programme du secteur, qui reste la première priorité. Un président à plusieurs casquettes Candidat unique pour briguer le poste de président de la Fenagri, Mohamed Fikrat fait l'unanimité au sein de la filière. «Le fait que le patron d'un grand groupe comme Cosumar arrive à la tête de la fédération est une très bonne chose», concède le président sortant de la Fenagri. Le nouveau patron est en effet bien outillé pour mener à bien sa nouvelle mission. Homme de réseau, très actif sur le plan associatif, Mohamed Fikrat a plusieurs cartes à jouer pour influencer le cours des événements et faire entendre la voix de la Fenagri: PDG de Cosumar, président de la Fédération interprofessionnelle marocaine du sucre (Fimasucre), président de la Commission investissement, compétitivité et compensation industrielle de la CGEM, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE)... Les multiples casquettes du président devraient lui permettre de jouer sur plusieurs fronts pour défendre la cause des professionnels du secteur.