À moins de trois mois de la fin du démantèlement tarifaire avec l'Union européenne dans le cadre de l'Accord de libre-échange, les exportateurs non préparés retiennent leur souffle. Avant d'en illustrer les craintes, définissons d'abord les termes du sujet. Dans le cadre des échanges internationaux de marchandises, chaque Etat peut bien entendu décider de mettre, ou pas, des obstacles à l'entrée des marchandises (biens et services) étrangères sur son territoire. Ce sont ces obstacles qui sont appelés «barrières». Ces barrières peuvent être de deux sortes : tarifaires ou non tarifaires. Barrières et barrières Pour ce qui est des «barrières tarifaires», il s'agit des droits de douane que les produits étrangers devront supporter à leur entrée sur le territoire national. Les droits de douane ne sont bien entendu pas les mêmes pour tous les produits. C'est dans ce cadre que l'on parle d'un «tarif» douanier, d'où le terme «tarifaire». Les «barrières non tarifaires» pour leur part, englobent tous les autres obstacles mis en place face à l'entrée de marchandises étrangères. Il peut s'agir de limitations quantitatives du type contingent ou quota. L'importation de produits spécifiquement définis est limitée à une quantité maximum, pour une période donnée. Ce peut être aussi des barrières plus insidieuses, moins visibles. Les groupements économiques imposent dans ce cadre des normes sanitaires spécifiques pour les produits importés, ou encore des normes techniques. On peut aussi imposer des formalités administratives complexes et coûteuses, qui ont pour effet de décourager les importations. C'est particulièrement ces derniers cas de figure qui concernent directement les exportateurs marocains, notamment vers l'UE, avec à leur tête, les exportations agricoles, dont l'Accord spécifique qui devra les encadrer bute toujours sur les blocages lobbyistes des pays concurrents, Espagne et France en tête. Ainsi, depuis que les échanges sont encadrés par les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les exportations de plusieurs denrées agricoles marocaines, principalement des produits maraîchers, tomates, courgettes, concombres, clémentines, ail et fraises sont les plus surveillées par les autorités européennes, même si, il faut l'avouer, les quantités limites des contingents, vont significativement être revues à la hausse après le démantèlement tarifaire définitif. Malgré cet assouplissement au compte-gouttes, ces limitations restent handicapantes pour les gros exportateurs de fruits et légumes qui, malgré des relations satisfaisantes avec les donneurs d'ordre, grande distribution en tête, se retrouvent obligés de brider leurs capacités exportatrices pour ne pas épuiser toutes leurs cartouches avant la fin de la saison. Mais les contraintes ne se limitent pas à la variable quantitative. En effet, les normes européennes, qu'elles soient techniques ou phytosanitaires, limitent une partie de la production nationale, au moment où la production espagnole par exemple, ne fait pas l'objet d'autant de surveillance. Contraintes salutaires Paradoxalement, ces handicaps se révèlent salutaires pour nos entreprises à plus d'un titre, pour peu que les opérateurs fassent preuve de bon sens et de bonne foi. D'une part, ces limitations ont poussé plusieurs professionnels à prospecter de nouveaux marchés pour écouler la production excédant les contingents. C'est ainsi que le marché russe est devenu primordial pour les agrumes, par exemple. D'autre part, les exigences sanitaires et phytosanitaires qu'imposent les normes communautaires poussent les producteurs à une mise à niveau qualitative accélérée, pour être éligibles au marché européen. Cela est, dans l'absolu, une démarche payante à moyen et long termes quel que soit le marché ciblé, la valeur ajoutée s'en retrouvant largement revue à la hausse, dans un contexte où le bio ne cesse de gagner du terrain. De quoi améliorer la compétitivité intrinsèque de la production nationale. Le cas tunisien Pour les autres destinations, le Maroc a particulièrement été prolifique durant la dernière décennie, en matière d'accords de libre-échange. Le Maroc a signé des accords visant l ́établissement de zones de libre-échange avec la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie, avec des préférences immédiates pour certains produits et des schémas de démantèlement tarifaire pour les autres produits. Des conventions prévoient également la suppression des barrières non tarifaires avec la Tunisie, la Jordanie et la Guinée. Mais à plusieurs reprises, ces arrangements n'ont pas été respectés, à l'exemple de la Tunisie, qui a refusé l'entrée de plusieurs lots de voitures Dacia Logan, produites au Maroc par la Somaca, sous couvert de la règle d'origine. Les Tunisiens ont en effet estimé que, vu le nombre de pièces entrant dans l'assemblage du véhicule qui proviennent de l'UE, les voitures devaient être considérées comme européennes et non marocaines. Il y a là de quoi soulever des questions sur l'efficacité de ces accords, surtout que les considérations diplomatiques, font que le recours à l'arbitrage de l'OMC, qui est possible dans ce cas de figure, est tout simplement inenvisageable.